Perte de diversité dans le blé : le triticum sphaerococcum

Si l’on discute pour le moment de la lutte contre les changements climatiques, il ne faut pas oublier que depuis longtemps des discussions sont en cours sur le traité transatlantique (TTIP), mettant à mal la défense de la biodiversité au sein des discussions du TIRPAA (Traité International sur les ressources phytogénétiques pour l’alimentation et l’agriculture).

En effet, la permission de breveter des gènes natifs empêche le libre usage de semences sans un contrôle sur les gènes contenus par ces semences.

On pourra très bien se retrouver dans la position de fraudeurs des règles commerciales sans le savoir, puisque le brevetage du vivant est demandé par les majors de l’agro-alimentaire afin d’ouvrir le marché.

En plus, ce sont les Pays-Bas qui prendront la tête de la Communauté Européenne à partir de janvier 2016 pour 6 mois et le lobby des « Club de brevets » y est très présent et très actif.

Un exemple de la perte de biodiversité du blé est apparu en Inde en 2011.

Il existe en Inde, un blé assez spécifique, le blé «sphaerococcum» autrement dit en français «blé rond» puisque le grain est sphérique au lieu d’être oblongue.

Ce blé est un hexaploïde (3 paires de 7 chromosomes) comme le blé tendre et le grand épeautre.

La teneur en protéines de ces petits grains ronds atteint des sommets, certains ont même cité des teneurs de 40% de protéines, ce qui se vérifie plus sur d’autres petits grains comme le blé Carthlicum dit aussi blé perse qui est un blé dur (tétraploïdes, 2 paires de 7 chromosomes).

Mais celles-ci (les protéines) ne s’apparente pas au gluten, c’est un peu comme le petit épeautre de Provence (un engrain -1 paire de 7 chromosomes) qui a souvent des teneurs de 15-16% de protéines pour +/- 11% dans nos blés actuels.

Pour toute personne qui travaille cette céréale, on sait qu’il ne s’agit pas de transposer cela en valeur de gluten tenace, c’est même l’inverse qui se présente, cette pâte de petit épeautre lâche vite et doit être travaillée plus rapidement.

Le blé rond indien est aussi un blé nain original, dans le sens qu’il avait cette propriété depuis des siècles, bien avant que les sélectionneurs ne réduisent la taille des blés de +/- 1 m. (de 1m.60 à 60 cm.) surtout depuis la fin de la guerre 1940-45.

Une équipe de chercheurs nippo-indienne a trouvé en 2010, 3 sites où un «blé rond» porteur non seulement de ces gènes de nanisme pas toujours intéressant au niveau physiologique,  mais ce blé est aussi précoce et également résistant à la rouille jaune ainsi que modérément résistant à la sécheresse.

Un an après, en 2011, seul un site existait encore, d’où l’urgence de sauver et le risque de perte de biodiversité.

Les chercheurs indiens publiant dans le « Wordl Wheat Book » avait relevé sa présence de manière sporadique un peu auparavant dans le Gujarat.

Il faut savoir que l’on a déjà eu besoin de cette richesse génétique dans le passé.

La résistance aux maladies par exemple, il est naturellement meilleur dans les vieilles variétés et celles que l’on retrouve encore à l’état sauvage.

En 1904, Charles Saunders, un sélectionneur canadien, va croiser la variété reine de l’Ontario et des « grandes prairies » ; Red Fife, avec une variété venant d’Inde dénommée «Hard Red Calcutta».

Cette appellation était plutôt commerciale et est peut-être plus un mélange de population qu’une variété pure tel que l’on entend aujourd’hui où la D.H.S. implique une invariabilité de type clonage.

Ce croisement apportera encore plus de précocité à la variété baptisée «Marquis».

Si le «Hard Red Calcutta» était précoce pour murir plus vite avant la sécheresse de l’ouest indien, au Canada la précocité était et est toujours utile afin de récolter avant les grands froids.

Et la variété «Marquis» est celle qui va permettre d’ensemencer plus en avant vers l’Arctique, de faire avancer les frontières du blé.

L’Europe en profitera bien de cette variété, puisqu’au temps où il fallait nourrir la population en temps de guerre et puis tout reconstruire après la guerre 1914-18, le blé manquait.

Et c’est le blé «Marquis» importé du Canada et du Nord des États-Unis qui sauva nos populations européennes. En 1918, 80% des emblavements de blé canadiens était ensemencé de la variété «Marquis»

Vous comprenez mieux peut-être pourquoi il est important de sauver la biodiversité du blé.

Et tant mieux si vous comprenez aussi qu’il ne faut pas laisser les seuls lobbys de l’agro-alimentaire donner leur avis sur l’avenir des semences vendues de plus en plus en kit semences/pesticides, puisque cela «fidélise» inévitablement la clientèle et améliore les ventes de pesticides.

 

Sources :

Stephan SYMKO, Il n’aura fallu qu’une seule graine. L’Odyssée heureuse du blé Marquis au Canada depuis ses origines en Ukraine, texte mis en ligne sur le site d’Agriculture et agroalimentaire Canada en 99, http://www.agr.gc.ca/fra/science-et-innovation

Gyanendra SINGH, Jag SHORAN, B.S. TYAGI et S.S.SINGH, Wheat Research and breeding strategies in India, publié dans The World Wheat Book, 2e Vol., éd.Lavoisier, 2011

N.MORI, S.OHTA, H.CHIBA, T.TAKAGI, Y.NIIMI, V.SHINDE, M.D.KAJALE et T.OSADA, Rediscovery of India dwarf wheat (Tri.Aestivum Sphaerococcum)an ancien crop of the Indian Subcontinent, Springer Science Dordrecht, 2013  http://link.springer.com

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