Le moulin de Navilly (Saône et Loire) après 1903 – Moulin flottant sur le Doubs
(La Maison du blé et du Pain) – Archives départementales Saône-et-Loire. Collection Louis Bonnamour.
Le moulin-bateau est statique sur la rivière et convertit l’énergie du courant en rotation de sa (ou ses) roue(s) pour actionner soit des meules s’il s’agit d’un moulin à farine ou à huile, soit un banc de coupe s’il s’agit d’une scierie.
L’avantage du moulin-bateau est de pouvoir se déplacer pour s’installer dans la meilleure veine d’eau. Son inconvénient est un rendement énergétique relativement plus faible que celui d’un moulin fixe, ainsi qu’un accès pas toujours commode. Un deuxième inconvénient est la gêne qu’il cause à la navigation avalante qui passe précisément dans la même veine d’eau que celle occupée par le moulin, ce qui se traduira souvent par des accidents et des procès.
En France, les moulins à eau sont rares jusqu’au XI° siècle. Mais ils sont au nombre de 80 000 à la fin du XVII ° siècle ! – Dès le XIVe siècle, les textes d’archives mentionnent régulièrement les moulins-bateaux : ce sont des baux de location, des commandes de nouveaux bateaux ou des procès liés à des conflits d’usage de la rivière.
Ces moulins augurent également sur de nombreux plans des XVIIIe et XIXe siècles. A cette époque, toutes les communes de la basse vallée du Doubs avaient un, voire deux moulins sur bateaux. La plupart ont cessé de fonctionner dans les années 1890, mais quelques-uns ont perduré jusqu’au début du XXe siècle : en 1915 à Navilly, et en 1923 à Pontoux, qui fut le dernier moulin-flottant en activité sur une rivière française.
La Bresse, région aux nombreux cours d’eau et étangs, accueille différents types de moulins, qui ne sont pas tous réservés à la meunerie. Ainsi compte-t-on en Bresse bourguignonne au XIX ° siècle une quarantaine d’huileries, cinq moulins à chanvre, deux à tan et trois à tiretaine.
Le fonctionnement des moulins à céréales se fonde sur différentes techniques distinguant :
- Le moulin à eau courante, situé sur la rivière et fonctionnant tout au long de l’année :
- Le moulin sur étang ;
- Le moulin dit à ban », dont l’activité n’intervient qu’en hiver et qui bénéficie entre fin septembre et fin mars d’un droit d’inondation ;
- Le moulin à nef, nanti de deux roues montées sur un bateau ; il en fonctionnait jusqu’au début du XX° siècle sur le Doubs et la Saône.
Les Moulins-bateaux du Doubs : une longue histoire.
Depuis 2008, le Doubs, en amont de sa confluence avec la Saône, fait l’objet de recherches archéologiques subaquatiques. A Sermesse, les prospections ont permis de découvrir les vestiges d’un moulin sur bateaux qui a fait naufrage à la fin du XVIIème siècle. Il s’agit de l’un des rares exemples de moulin flottant fouillé en Europe, et les objets retrouvés au fond de la rivière dévoilent tout un pan de la vie d’un meunier à l’époque préindustrielle.
On est familiarisé avec les moulins hydrauliques qui étaient fréquemment installés sur une berge de rivière ou de ruisseau, et dont de nombreux exemplaires existent et tournent encore. On connait moins le moulin sur bateaux, qui a été inventé pour fonctionner sur les rivières à fort débit : il utilisait la force du courant tout en suivant les variations de hauteur d’eau. La roue, attachée à un ou plusieurs bateaux, pouvait ainsi entrainer tout au long de l’année le mécanisme installé à bord.
Depuis le début du Moyen Age (VI° siècle après J-C) jusqu’au début de XX° s, le moulin flottant a connu différentes variantes, selon les bassins fluviaux : monocoque à roue latérale ou équipé de deux roues disposées de chaque côté de l’embarcation, ou à double coque, plus stable.
Différents types de moulins-bateaux ayant fonctionné sur trois fleuves français (Loire, Seine, Rhône). A;Peyronel
Les moulins sur bateaux du Rhône à Lyon, amarrés au quai Saint-Clair. Musée d’histoire de Lyon.
Les moulins sur bateaux pouvaient être amarrés aux piles des ponts, ou a un gros pieu planté au milieu de la rivière ; ils étaient fréquemment installés à proximité immédiate d’une berge à laquelle ils étaient reliés par des chaines et des cordages. Une passerelle en planches permettait aux cultivateurs d’apporter leurs sacs de grains et de repartir avec la farine.
Une maison, posée sur l’embarcation, abritait le mécanisme du moulin et un espace de vie pour le meunier, qui avait la plupart du temps une autre habitation sur la terre ferme.
Maquette d’un moulin sur bateaux ayant fonctionné au début du XX° siècle sur le Doubs. Ecomusée de la Bresse Bourguignonne. Pierre-de-Bresse
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Le moulin de Cornas sur le Rhône au XVIII° siècle. Carte de Grandvoinet.
Archives départementales Ardèche.
Détail d’un tableau peint vers 1780, montrant des moulins sur bateaux amarrés au pont de Chalon-sur-Saône. Musée Denon Chalon-sur-Saône.
Les digues des moulins-bateaux
En amont des moulins-bateaux, on construisait une digue dont les deux bras de formaient un V. Elle servait à diriger l’eau sur la roue du moulin, surtout en période de basses eaux. Elle était constituée de pieux plantés verticalement, de façon rapprochée, entre lesquels on tressait des parois végétales formés de brins souples. A Sermesse, on a retrouvé au fond de la rivière les pieux ainsi que des fragments de tresses en saule encore bien conservés. Deux serpes en fer, sans doute perdues par leur utilisateur, témoignent de la nécessité de réparer et consolider ces structures après chaque crue importante.
Sur la trace du meunier et de ses contemporains
Les objets sauvés des eaux contribuent à documenter certains aspects de la vie quotidienne au XVII° siècle dont les textes ne conservent pas la trace. On sait que les meuniers qui exploitaient les moulins n’en étaient pas les propriétaires, et les contrats de location précisent parfois l’état du moulin, ou l’entretien qui doit être fait, tant sur les bateaux que sur les digues. Dans le moulin de Sermesse, la découverte de quatre récipients en étain nous renseigne sur le statut social du meunier et nous livre son nom, Jeunon, gravé à la pointe sous le pichet à vin.
Restitution aquarelle du moulin de Sermesse. Didier Mesroua.
Sources :
- Les travaux de Annie Dumont Ingénieur de recherche Ministère de la Culture – Archéologie fluviale-Département des recherches archéologiques subaquatiques et sous-marines – DRASSM – Marseille
Une brochure transmise par Annie Dumont peut être transmise sur demande, nous la remercions pour le partage de ses travaux.
France 12 – JCT