Vaste sujet, car il couvre une période longue d’un millénaire, pour les historiens, le Moyen Âge est la période de l’Histoire située entre l’Antiquité et la Renaissance. Elle débute en 476 avec la chute de l’Empire romain et prend fin en 1492, année de la découverte de l’Amérique par Christophe Colomb.
On peut dire tout de même qu’en campagne, ce pain était lourd à base de méteil, un mélange de céréales, de seigle principalement utilisé au début, d’avoine, d’orge ou d’épeautre.
L’épeautre, le Triticum spelta, appelé aussi « blé des Gaulois », est une céréale proche du blé tendre.
Toutes ces variétés de céréale, que nous appelons aujourd’hui « anciennes ».
Le grain ayant une faculté impressionnante à se conserver dans le temps, et étant « autogame » permet une re-culture de nos jours.
Le pain gris pour le maître et le noir pour les valets. Le pain tranchoir servant d’assiette était fait de méteil. Le pain de froment se trouvait chez les plus riches.
Texte tiré de Th.Bachelet du Dictionnaire général des lettres, des beaux-arts et des sciences morales et politiques, Paris, Delagrave, 1876, tome 2, p. 1359 :
[ Le pain étant un aliment de première nécessité, les gouvernements surveillaient souvent la fabrication et le prix. Au Moyen Âge, le pain de première qualité s’appelait pain de Chailly, et le pain commun, pain de Brode.
Les règlements ne prescrivaient rien sur le poids du pain, que l’usage seul déterminait ; mais ils fixaient les prix, et défendaient de vendre des pains de plus de deux deniers ou de moins d’une obole.
Les pains mal faits ou rongés par les rats ne pouvaient être ni mis en étalage dans la boutique ni portés le samedi à la halle ; ils devaient être vendus au rabais sur un marché particulier, qui, à Paris, se tenait le dimanche entre le parvis Notre-Dame et l’église St-Christophe.
Les prud’hommes faisaient la visite chez les boulangers pour s’assurer si les pains étaient bons : les mauvais étaient saisis, et le grand-panetier condamnait le délinquant à une amende (6 deniers au XIIIe siècle).
Au mois de juillet 1372, on décida, après plusieurs cuissons d’essai, que le pain de Chailly d’un denier pèserait tout cuit neuf onces un quart (à quinze onces la livre), le pain bourgeois ou de seconde qualité douze onces, le pain de Brode ou pain bis vingt-quatre onces. Les pains de deux deniers pesaient le double.
Le froment de première qualité valait alors douze sous à Paris ; à chaque augmentation de trois sous sur le marché, les pains devaient diminuer de poids, celui de Chailly d’une demi-once, les deux autres d’une once ; à chaque diminution de trois sous, ils devaient augmenter d’un poids équivalent.
L’échelle de proportion fut modifiée la même année après la moisson ; mais le principe resta le même.
Ce système pouvait produire de dangereuses illusions pour la foule, qui ne s’apercevait pas tout d’abord des changements qui survenaient dans les conditions de son existence, parce que le prix du pain ne changeait pas. ]
Pour faire du pain, que ce soit au Moyen Âge comme aujourd’hui, il faut trois éléments : Des matières premières, un four à pain et quelqu’un pour le faire. À l’époque, les céréales les plus courants étaient le seigle puis le blé, l’avoine et l’orge.
Mais on trouve aussi des traces de pains à base de pois et de fèves. Le levain utilisé pour fermenter la pâte provenait d’une culture de farine et d’eau avec parfois du miel.
Le four à pain comme tout le monde n’avait pas les moyens de se construire un four. La plupart utilisaient le four banal, son nom vient d’un impôt de l’époque, « le Ban ».
Jusqu’au XIIe siècle, les boulangers ne pouvaient posséder leur propre four à pain. Le seigneur était l’unique propriétaire du four du village. Comme pour les moulins, tout le monde pouvait payer pour l’utiliser.
Le boulanger appelé Talmelier au Moyen Âge, nom dérivé du verbe tamiser, fabrique le pain, la base de l’alimentation à cette époque. On en consommait à peu près un kilo par jour et par personne.
Pour les paysans, le pain doit être nourrissant, car ils travaillent toute la journée aux champs. C’est un pain noir à base de farine de seigle. Le pain gris est issu d’un mélange de farine. Pour les seigneurs et les autres personnes riches, c’est le pain blanc, à base de farine de blé.
Les pains ont une forme ronde de faible épaisseur pour cuire rapidement. De là viendrait le nom de boulanger, celui qui fait des boules (boulenc en ancien Picard). On trouvait le pain ordinaire ou pain bis, le pain broyé, le pain de Chailly (réalisé avec les meilleures farines) ou le pain d’épices.
L’arrivée des moulins a facilité le travail du boulanger. Il travaille souvent en famille, pour fabriquer le pain, il utilise, un pétrin, coffre dans lequel il pétrit la pâte, un banneton, petit panier sans anse, couvert de lin, où l’on fait lever le pain avant la cuisson, un coupe-pâte, le couteau de boulanger pour scarifier la pâte avant la cuisson et un bluteau, un grand tamis pour séparer la farine du son.
Le métier de boulanger est le premier à se doter d’une organisation parce qu’il joue un rôle important dans les villes qui ne cessent de s’agrandir à l’époque médiévale. Dès le VIIe siècle, le roi Dagobert réglemente la vente du pain.
Le pain médiéval, aliment principal, avait un aspect bien différent de la baguette qu’on connait aujourd’hui. Les gens les plus riches préféraient, de manière générale, un pain blanc, plus cher, plus léger et un peu salé. Il se présentait souvent sous une forme ronde. Pour les plus pauvres, le pain était généralement noir à la mie très dense. Son objectif principal était de remplir l’estomac et il fallait aussi pouvoir le conserver dans le temps.
Pour donner du goût, le sel ayant une valeur marchande importante, et essentiellement utilisé pour la conservation des aliments, on l’utilisait peu ou même pas du tout. Le levain donnait du goût et il n’était pas rare d’ajouter des épices disponibles comme le miel, l’anis, la muscade, etc.
Le pain variait beaucoup, en fonction des régions et des récoltes locales de céréales. On peut dire que l’aspect du pain médiéval devait se rapprocher de celui d’un pain de seigle Auvergnat au levain dur que nous connaissons d’aujourd’hui, le seul pain qui semble avoir traversé les millénaires sans changement notable.
Les jeunes compagnons boulangers et pâtissiers de Paris font déguster au public, le pain du Moyen Âge, le samedi/dimanche 21/22 septembre 2024, lors des journées du patrimoine, devant de Musée Cluny, musée du Moyen Âge à Paris. Un pain fait comme à l’époque, avec des variétés anciennes, 50% de seigle et 50% d’épeautre, au levain naturel, sel et eau, pétrit la veille à la main.
Voici quelques références sur ce vaste sujet :
– Françoise DESPORTES, Le Pain au Moyen Âge, Paris, France, O. Orban, 1987, vol. 1/, 228 p.
– Alain BELMONT, La pierre à pain. Les carrières de meules de moulins en France, du Moyen Âge à la révolution industrielle, Grenoble, Presses Universitaire de Grenoble, 2006, vol. 2/, 332 et 232 p.
– Georges COMET, Le Paysan et son outil. Essai d’histoire technique des céréales (France, VIIIe – XVe siècle), Romme, Ecole française de Rome, 1992, 711 p.
– Georges DUBY, Armand WALLON, Georges BERTRAND, Hugues NEVEUX, Maurice AGULHON et Michel GERVAIS, Histoire de la France rurale, Paris, Ed. du Seuil, coll. « Points », 1975, vol.4.
– Jean-Jacques HEMARDINQUER, Pour une histoire de l’alimentation, Paris, A. Colin, 1970, 315 p.
– Bruno LAURIOUX, Manger au Moyen Âge : Pratiques et discours alimentaires en Europe aux XIVe et XVe siècles, Paris, France, Hachette littératures, coll. « Pluriel (Paris. 1982), ISSN 0296-2063 », 2007, vol. 1/, 298 p.
– Jean-Louis FLANDRIN et Massimo MONTANARI (dirs.), Histoire de l’alimentation, Paris, France, Fayard, 1996, vol. 1/, 915 p.
– Jean-Marc MORICEAU, Terres mouvantes : Les campagnes françaises du féodalisme à la mondialisation : 1150-1850 : essai historique, Paris, Fayard, 2002, 445 p.