MARCHAND DE BEIGNETS A PARIS EN 1856
Le magazine L’Ami de la maison consacra le 11 septembre 1856 un article aux « Petits métiers de Paris », dont celui de marchand de beignets (p. 173-174). Son auteur, Maurice Germa, en montrait la permanence dans les rues, alors qu’avaient presque disparu, écrit-il, le carreleur de souliers, la revendeuse de marée et de légumes, la marchande de mouron pour les petits oiseaux, le fontainier, le marchand d’habits et l’homme à la bouteille d’encre.
« La physionomie des rues change de siècle en siècle. (…) Toutefois les petits métiers restent. Le marchand de beignets, le colporteur de gaufres, le vendeur de coco (1), résistent à tous les envahissements et reparaissent au-dessus de toutes les ruines ; ils s’élèvent même aujourd’hui avec une splendeur que nous désirons voir se perpétuer. Leur personnel s’embellit ; ils font des frais de mise en scène ; le teint de tous ces industriels est vermeil, leur linge net, leur barbe fraîche. Ce sont vraiment des hommes rangés.
Le marchand de beignets est d’ordinaire un vieillard ; on le retrouve plus habituellement dans les rues sédentaires et paisibles et dans la banlieue. Il a sa clientèle ; son débit n’est jamais incertain. La fortune lui envoie même des occasions imprévues, telle celle que raconte Töpffer (2) à propos du gentil neveu de M. Tom, lequel neveu ayant été, par son odieux maître, enfermé dans sa chambre comme dans une cellule, entendit les cris séducteurs d’un marchand de gâteaux qui passait dans la rue, et, par une ruse de prisonnier, hissa dans sa chambrette affamée de petits beignets qui lui arrivèrent tout chauds dans sa casquette.
Les petits métiers : le marchand de beignets.
Une variété du marchand de beignets, c’est le colporteur de beignets à la fleur d’oranger, et de gaufres à l’instar de Lyon. Celui-ci est un gaillard jeune et brillant : il porte suspendu devant lui son éventaire, où les gâteaux, sous le linge fin, sont abrités du soleil et de la poussière. Il ne crie pas pour attirer le chaland, mais il l’avertit de sa présence en faisant racler et renacler sa crécelle ; puis, quand l(acheteur est affriandé, quand un petit garçon, une petite demoiselle, passe près de lui et sollicite sa mère ou sa bonne en jetant un regard curieux sous la fine et blanche serviette où semblent se cacher tant de savoureuses friandises, alors notre marchand donne à sa lèvre un sourire attrayant, à sa voix un accent irrésistible : « Tout frais ! tout frais sorti du four ! sentes, sentez, les bons gâteaux ! » Et comment résister ? Les gâteaux sont achetés. »
(1 ) La coco était une boisson rafraîchissante fabriquée après macération de bâtons de réglisse dans de l’eau citronnée. Elle s’est vendue dans les rues de Paris de la fin du XVIIIe siècle jusqu’au début du XXe. De nos jours, on rencontre encore des marchands de coco, mais la boisson s’est transformée en poudre blanche…
(2 ) Rodolphe TÖPFFER est un écrivain suisse (Genève 1799-1846), considéré comme l’inventeur de la bande dessinée (sans bulles mais avec un texte sous chaque case d’une histoire).
Laurent Bastard