Sébastien Durand nous raconte de fort belle manière la première découverte du sucre.
C’est une image émouvante de la Cueva de la Araña (grotte de l’araignée), près de Valence, qui nous renseigne sur l’invention de la pâtisserie. La scène se déroule il y a six, peut-être huit mille ans. À cette époque, il n’y a pas encore de ville en Europe et les hommes vivent en petits groupes composés d’une ou plusieurs familles de chasseurs-cueilleurs.
Une jeune fille avance seule dans une forêt à la végétation méditerranéenne. Son père ou son mari est parti chasser un cervidé à faire rôtir ce soir. La découverte du feu 500 000 ans plus tôt a permis le premier progrès de l’histoire de la cuisine : la cuisson tue les germes et rend les aliments plus digestes. Jusqu’alors, manger était presque aussi dangereux que de ne pas manger !
Depuis la découverte du levain en Irak quelques millénaires plus tôt (une galette de froment sans doute oubliée au soleil a levé sous l’influence de microspores contenues dans l’air sec et chaud), on n’est plus obligé de se contenter de morne farine trempée d’eau et cuite sous la cendre ou sur une pierre chauffée à blanc. Avec la même énergie et la même quantité, on fabrique désormais du « pain » bien gonflé qui nourrit mieux et de façon là aussi plus digeste. Mais aujourd’hui, la jeune fille est découragée. Elle n’a trouvé ni baies, ni amandes, ni olives sauvages. Que rapportera-t-elle pour accompagner les galettes que sa mère a pétries ?
Son regard est attiré par une forme sombre dans un arbre. C’est un ours et elle se cache, car elle n’est pas armée et de toute façon pas de taille à affronter le plantigrade. Mais heureusement pour elle, il ne l’a pas vue, trop occupé à se pour lécher les babines d’un mystérieux liquide jaune qu’il tire d’une anfractuosité du tronc.
Elle attend son départ pour grimper à son tour et atteindre le trou. Elle y glisse la main et la porte ensuite à sa bouche… Elle n’a jamais rien goûté de tel. Ce n’est ni amer, ni acide, ni salé. Sans qu’elle en ait conscience, cette saveur lui rappelle un peu celle du lait maternel, elle en éprouve une joie nouvelle. Elle vient de découvrir le plaisir du sucré.
Au prix de quelques piqûres, elle se saisit de tout le miel qu’elle peut et le met dans son panier en fibres végétales tressées. Elle sent confusément qu’elle vient de faire une découverte capitale… mais quelque peu douloureuse, car des abeilles exaspérées l’ont piquée au bras.
À son retour, elle ne peut que constater que la chasse n’a pas été bonne. Son père n’a rien tué. Et la pâte levée de sa mère, qui a fini de cuire, est aussi insipide que d’habitude, sans le sel, les épices et aromates que nous connaissons aujourd’hui. Alors la jeune fille plonge ses mains dans son panier, saisit le miel liquide à pleines poignées et en arrose le pain. Ainsi, c’est tout simplement délicieux ! Ce soir, l’absence de viande ne se fera pas sentir. Les estomacs seront bien remplis et le sucré a créé une sensation qu’aucune nourriture auparavant n’avait jamais donné.
Pour célébrer cet événement, un artiste de la tribu, déjà initié aux mystères chamaniques, représentera cette découverte sur les murs d’une grotte. Il pensera même à dessiner les abeilles ! Plus tard, notre famille (ou une autre) installera la ruche dans un panier tressé pour y avoir accès plus aisément. A une époque où le chien n’est pas encore le meilleur ami de l’homme et où le bétail est encore sauvage, l’abeille a sans doute été le premier animal domestiqué (à défaut d’être devenu domestique !). De nos jours, seuls quelques chasseurs-cueilleurs du Népal récoltent encore du miel sauvage.
Le grand photographe Eric Valli a publié un livre magnifique sur ce sujet : Nomades du Miel
Cette scène s’est déroulée de la même façon à cette époque ou à d’autres, en Afrique (Sahara, Afrique du Sud), en Asie (Turquie, Inde, Chine) et en Océanie (Australie). Grâce à un ours (bien) léché, ce que notre famille du néolithique a inventé ce jour là (pâte levée + cuisson + miel) n’est rien moins que la pâtisserie.
Source: du-sacre-au-sucre.blogspot.fr
On estime l’apparition des abeilles à environ 100 millions d’années, probablement liée à celle des plantes angiospermes produisant nectar et pollen, env. 125 millions d’années. Le plus ancien fossile, découvert en Birmanie et prisonnier dans l’ambre, date lui de 100 millions d’années.
Cette longévité est le résultat de l’adaptabilité exceptionnelle de cette espèce : le comportement de l’abeille est régi par des facteurs innés, et par son adaptabilité aux conditions d’environnement.
Source: usatoday30.usatoday.com
La plus ancienne trace de récolte de miel par l’homme à été découverte en 1921 en Espagne, sur les parois de la « cueva de la araña » (la grotte de l’araignée), à Bicorp, près de Valence. Il s’agit d’une peinture rupestre vieille de 5 à 6000 ans, figurant un homme suspendu à des lianes ou des cordages et muni d’un panier, prélevant les rayons de miel d’un essaim sauvage. Si vous avez la chance de vous rendre sur place, votre guide vous racontera sûrement comment son grand-père récoltait son miel de la même manière, et ce, sur des essaims établis dans la falaise en prolongement de la grotte! En effet, cette méthode de cueillette du miel sur des colonies sauvages d’abeilles est toujours pratiquée de nos jours, au Népal notamment.On estime que la domestication des abeilles remonte à 6000 ans environ (Égypte, Grèce, Crète,…). L’élevage des abeilles ayant été révolutionné par deux inventions majeures au 19ème siècle: la hausse et la ruche à cadre.
La première ruche fut probablement issue du prélèvement d’un tronc d’arbre creux contenant un nid d’abeilles. Plus tard, avec la maîtrise des techniques d’enruchage, apparurent les premières ruches artificielles, fabriquées comme des paniers à-partir de matériaux végétaux, Mais on ne sait pas exactement quand la domestication de l’abeille a eu lieu. En toute logique, la domestication des abeilles aura succédé à la sédentarisation de l’homme au début dunéolithique, environ 9 000 ans av. J-C.
Les abeilles font partie des insectes dits « sociaux ». La vie au sein de la ruche est très organisée et spécialisée: la colonie se compose de trois castes, la reine, les ouvrières et les mâles. Le nom « Apis mellifera » utilisé dans la classification des espèces d’abeille signifie « qui transporte le miel » mais les abeilles transportent le nectar ou le pollen et fabriquent le miel, elles devraient donc se nommer « Apis mellifica ».
« On a dit, convaincu par toutes ces merveilles, qu’un peu d’âme divine habitait les abeilles. »
VIRGILE, Géorgiques IV, 220-221, 1er s. av. JC