Ils vont enfin goûter au pain de miche

« ILS VONT ENFIN GOÛTER AU PAIN DE MICHE » PAR ARSÈNE VERMENOUZE (1907)

Dans un poème intitulé Les pâtres, Arsène VERMENOUZE évoque la vie des jeunes garçons qui partaient des zones les plus pauvres du Cantal pour aller à Aurillac, la grande ville, « pour gagner quelques pistoles » en s’embauchant comme pâtres et garder les bœufs.

Ils vont enfin « goûter au pain de miche », c’est-à-dire au pain blanc, au lieu du pain noir, c’est-à-dire du pain de seigle. Voici les cinq premiers quatrains de ce poème qui en comporte 21 et qui fut publié dans Le mois littéraire et pittoresque de février 1907.

 

LES PÂTRES

Il est, dans le Cantal, des terroirs dédaignés,
Où le blé noir se mêle aux fleurs de la bruyère,
D’âpres terroirs, où, vers le Lot et la Truyère,
Coulent de clairs ruisseaux bordés de châtaigniers.

C’est de là que, l’été, délaissant les écoles,
Des pâtres bruns, âgés de huit et de dix ans,
Tous fils de bûcherons ou d’humbles paysans,
Montent vers Aurillac gagner quelques pistoles.

Leur bagage au bout d’un bâton et sans le sou,
Ils quittent en sabots leur pays rude et chiche,
Songeant qu’ils vont enfin goûter au pain de miche
Et peut-être pouvoir en manger tout leur saoul.

Car, pour eux, le beau pain, le pain blanc est un rêve,
Et, tout en cheminant, ils en parlent entre eux ;
Ils célèbrent le haut pays, si plantureux,
Si riche en viande, en lait, si regorgeant de sève.

Ce pays où, durant les grandes fauchaisons,
On sort les miches par douzaines de la huche,
Cependant que le vin ruisselle à pleine cruche
Parmi les travailleurs assis sur le gazon. »

***

Un mot sur l’auteur du poème. Arsène Vermenouze naquit à Ytrac, près d’Aurillac (Cantal) le 26 septembre 1850.
À partir de 16 ans, il rejoignit son père, commerçant en épicerie, à Tolède. Il restera près de 20 ans en Espagne.

En 1879 il écrivit ses premiers poèmes et les publia dans la presse départementale. Il devint célèbre en publiant régulièrement plusieurs recueils de poèmes, dont une partie en langue d’oc. Il devint en 1894 le président de la première école félibréenne auvergnate. Son recueil Mon Auvergne fut primé par l’Académie française.

Arsène Vermenouze décéda à Ytrac le 8 janvier 1910. Certaines de ses œuvres ont été rééditées et il demeure l’un des grands auteurs du Cantal. Les villes d’Aurillac, Mauriac, Clermont-Ferrand, Riom et Paris (dans le 5ᵉ arrondissement) ont donné son nom à une rue.


Arsène Vermenouze.

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