François Pernin, Châlonnais le Génie du Devoir

François Pernin est né le 27 mars 1822 à Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire) et fut reçu compagnon boulanger du Devoir à Tours à l’Assomption 1846. J. B. E. Arnaud, Libourne le Décidé, écrit quelques lignes à son sujet, à propos de certaines chansons :

Telle l’Hymne aux poètes boulangers : « Châlonnais le Génie du Devoir, le chantre le plus distingué que j’ai connu parmi les ouvriers boulangers (Pernin) »;

Ou encore dans Libourne le décidé à Châlonnais le génie du Devoir, cette note qui renvoie à un épisode inconnu : « Châlonnais le génie du Devoir, (Pernin partir ».

* L’orthographe actuelle des natifs de Chalon-sur-Saône, les Châlonnais, ne comporte pas d’accent Nous l’avons cependant laissé lorsqu’il figurait sur les documents anciens de Pernin et d’Arnaud.
* Le registre des naissances de Sennecey-le-Grand pour l’année 1822 fait mention de François PERNIN, né le 27 mars 1822, au hameau de Vieilmoulin, de Jean-Baptiste Pernin, laboureur et de Pierrette Royer, sa Il est encore mentionné dans l’état de recensement de 1836 (il est alors âgé de 14 ans) mais plus dans celui de 1841, où seuls figurent ses parents. Sans doute avait-il déjà commencé son tour de France ; il était alors âgé de 19 ans.

Dans la chanson Aux Poètes de l’Atelier de J. B. E. Arnaud, Libourne le Décidé, il écrit également :

Tressons une couronne
De myrte et de lauriers,
Et je veux qu’on la donne
À ce bon Châlonnais
Surnommé le Génie
Par son rare talent,
Lui qui si bien manie
La plume pour le chant !

Il semble qu’il ai commencé son tour de France à 19 ans, nous savons (grâce au manuscrit ci-dessous) qu’il passe à Saumur, Angers, Nantes, La Rochelle (accompagné de Claude Mioland, Maconnais la vivacité CBDD).

Auteur chansonnier, contemporain et ami  de J.B. Arnaud, Libourne le Décidé, les plus anciennes chansons que nous lui connaissons sont écrites en 1848 à Blois, il n’a que 24 ans.

De retour au pays, il se marie le 14 mai 1850 à Sennecey-le-Grand avec Jeanne Marie Pauthey agée de 27 ans (sans profession, fille de propriétaire) – pas de boulangers parmi les témoins : Claude Pernin, 59 ans, propriétaire à Vieilmoulin, cousin au second degré de l’époux ; Jean Léveque dit Moreau, 52 ans, propriétaire à St-Cyr, oncle maternel de l’époux ; François Augrier, 54 ans, propriétaire à Vieilmoulin ; Claude Broux, 28 ans, cultivateur.

Chalonnais le Génie du Devoir signe son acte de mariage avec trois points.

Il semble qu’il ai très rapidement abandonner la boulangerie pour se consacrer à   l’agriculture, en effet, en 1852, lors de la naissance de sa fille Pierrette, il est déclaré « propriétaire ». Nous lui connaisson un fils Alexandre Félix, né le 18 mai 1860 à Sennecey-le-Grand, incorporé sous les drapeaux à Chalon-sur-Saone en 1880.

Il décéde à Sennecey-le-Grand le 24 avril 1900 à l’âge de 76 ans.

Le Pays Frédéric Thibault, Compagnon tailleur de pierre des Devoirs Unis, nous a fraternellement communiqué ce manuscrit (le seul connu a ce jour) de François Pernin, daté de 1883,  trouvé entre deux page d’un ouvrage intitulé :

« Agricol Perdiguier et le Compagnonnage« , Thèse pour le doctorat présenté en soutenance par Léon Magon, avocat. (Marseille, 1910) .

Ouvrage dédicacé par l’auteur :  » A mon très cher ami Leris« . Une autre mention manuscrite sur la couverture indique, dans une autre écriture : M. Pierre Leris ».
Cet ouvrage a probablement été offert par l’auteur au compagnon maréchal-ferrant des Devoirs Unis, Pierre Leris, Montauban le Victorieux, reçu à la cayenne de Montauban en 1898 ( ce n’est donc pas à lui que le manuscrit est adressé).

Voici ce courrier de François Pernin, Chalonnais le Génie du Devoir, adressé très probablement aux Compagnons boulangers du Devoir de la Cayenne de Lyon ou à la Fédération compagnonnique de tous les Devoirs Réunis de Lyon.

 » Sennecey-le-Grand, le 20 juin 1883
T؞ C؞ F؞ D؞ Devoir
Mes travaux rustiques m’empêchent de vous envoyer plusieurs de mes chansons ; j’en extrais seulement deux de mon chansonnier qui sont dignes du temps présent, comme ci-joint : Le Jardin du Compagnonnage, fait à Blois en 1848, pour l’alliance des corps. Car j’ai toujours sapé d’un bras d’Hercule les vieux abus et les préjugés de toutes espèces, ces fils de l’ignorance et de l’absurdité, qui ont amené presque toujours nos haines et nos collisions sanglantes.
Tous les C ؞ étaient des Frères au temps jadis ; mais la brutalité et nos vieilles chansons haineuses ont amené la discorde. Cependant, nos premiers fondateurs avaient dit : aimez-vous les uns les autres et multipliez-vous, on les a mal compris.
Toutes mes chansons tendent au progrès et à la régénération compagnonnique. Je suis un rejeton de Vendôme la Clef des Cœurs, C؞ Blancher-Chamoiseur.
C؞ Pays, je ne suis pas un rentier comme le dit la suscription de votre lettre, et j’ai pour devise ce refrain :
Le travail est mon seul maître,
Aussi sais-je en vigneron,
A le bien servir, tout mettre,
Car je suis bon biberon.
Je cultive encore deux hectares de vigne, tant à la charrue qu’à la main, et trois hectares de terres et prés avec mon gendre car j’ai encore mon fils, mais il est soldat.
Vous témoignerez ma reconnaissance et mon amitié fraternelle à Miolan dit Maconnais la Vivacité, le seul C ؞ avait qui j’ai voyagé de Saumur à la Rochelle par Angers et Nantes.
Recevez mes sympathiques amitiés et mon accolade fraternelle.  »
Pernin, dit Chalonnais le Génie du D؞

Le Jardin du Compagnonnage
Air de La Neige… ou Un polonais vieux soldat de Lelster

1er couplet
Il nous faudrait bien un bon jardinier
Pour cultiver le riant Tour de France
Et supplantant Agricol Perdiguier    * Avignonnais la Vertu C؞M؞ D؞ L؞
Cultiver enfin et Concorde et Science
Et puis alors que chaque Compagnon
S’unisse à lui et prête son courage ;
Puis aide enfin avec juste raison
A faire éclore l’Amitié, l’Union,
Qui sont la base de l’ouvrage (bis).

2e
Accourez tous, accourez à grand pas
Hommes sensés du beau Compagnonnage
Ce beau jardin vous offre des appas
A lui rendez votre sincère hommage
Pour commencer de la division
Arrachez donc l’odieuse semence
Puis mes amis que sans distinction
L’on fasse tous des semis d’Union
Facilitons-en la croissance (bis).

3e
De ce jardin éloignons le souci
Qui vit longtemps, s’accroît en abondance ;
Et que toujours l’olivier règne ici,
Auprès de lui des fleurs de jouissance
Plantons, amis, dans toutes les saisons
Et pénétrés d’une vive allégresse
L’arbre joyeux, l’arbre de la raison
Et du progrès, faut semer à foison
Pour cueillir des fruits de sagesse (bis).

4e
Science aussi que ton arbre enchanté,
De ses rameaux couvre le tour de France,
Et que ces mots : Union, Fraternité
Soient burinés sur cette tige immense.
Que chaque corps ne forme qu’un faisceau,
Soient tous rangés sous sa divine ombrage,
Et que l’on soit tous Frères et tous égaux,
C’est le moyen de guérir tous nos maux,
Voilà le vrai Compagnonnage (bis).

5e
Que les abus et les vieux préjugés
Soient tous bannis de cette noble enceinte,
Qu’un bras d’Hercule en les ayant jugés
Les chasse au loin de l’Union la sainte.
Chassons aussi les athlètes fameux,
Semant partout l’odieuse discorde,
Le mauvais grain n’est jamais à mes yeux
[Qu’]un grain semé par quelques envieux.
Amis, semons tous la Concorde (bis).

6e
Mais quel sera dans ce lieu si famé
Ce jardinier plein d’esprit, de clémence,
C’est Chalonnais que l’on a surnommé
Le beau génie du riant Tour de France,
Par son amour et son petit talent
C’est lui qui peut connaître chaque plante,
C’est lui qui peut en brave devoirant,
Régénérer ce jardin si charmant
Si personne ne le supplante (bis).
Fin, Blois, 1848

Chant bachique et fraternel des C؞
Air du Chant des Ouvriers (Pierre Dupont)

Refrain
Compagnons de chaque Devoir
Que la franche gaité rallie
Chassons toute mélancolie
Et puis, gaîment, le soir
Chantons, buvons, jusqu’à la lie.

1er
Songeons amis que tous nos maux
Ne sont pas ici sans remède,
Nous avons de bien durs travaux
Faisons quelquefois intermède.
Dans le fraternel concert
Buvons la liqueur rubiconde
Et que dans le vin qu’on nous sert
Le chagrin file au bout du monde.
Compagnons, etc. en chœur.

2e
Rassemblons-nous gais devoirants
Quand le jour a clos ses paupières,
Pour Bacchus soyons déférents
Lui seul attendrit nos misères,
Fêtons-le d’un commun accord,
A son jus rendons noble hommage
Que chacun par son rouge bord
Honore le Compagnonnage.
Compagnons, etc.

3e
Après les fatigues du jour
Délassons-nous dans l’harmonie
En quelques joyeux chants d’amour
Surtout point de monotonie.
Les maux sont depuis fort longtemps
Hors de la boîte de Pandore
L’espérance est encor dedans
Pour nous de beaux jours vont éclore.
Compagnons, etc.

4e
Nargue des sots trop vaniteux,
Nargue de la sotte critique,
Boire à longs traits c’est être heureux
L’idée est bien démocratique.
Le vin dans los larges poumons
Donne à la voix le son du cuivre,
Le cabaret vaut les sermons.
Pour moi bien boire c’est vivre.
Compagnons, etc.

5e
Quand Dieu noya le genre humain
En punition de son crime,
Il dit, et sa puissante main
Lâcha les flots du grand abîme,
Les méchants périrent dans l’eau.
Dieu, sauvant Noé du naufrage,
Lui dit : « Bois de ce jus nouveau »
Le vin est la boisson du sage.
Compagnons, etc.

6e
Un buveur joyeux Compagnon
Poussé par la mélomanie,
A voulu vous laisser son nom
Lisez : Chalonnais le Génie.
Au fond d’un broc il a trouvé
Ces six couplets, chose notoire,
Si par vous, il est approuvé
Portez un toast à sa mémoire.
Compagnons, etc.

Deux couplets extraits de la chanson intitulée La Réforme
(Chalonnais le Génie)
Air de Nostradamus.

3e
N’attisons plus la haine et la discorde
Comme ont toujours fait nos prédécesseurs
Que désormais l’union et la concorde
Soi[en]t les seuls cris qui sortent de nos cœurs.
Réformons-nous, cette persévérance
Du siècle alors sera la dignité,
Les Compagnons du riant Tour de France
Seront unis (bis) par la Fraternité.

5e
Oui, proscrivons cette vieille rancune
Qui peut un jour nous abâtardir,
Plus de combats sur la route commune
Jeux d’assommeurs qui font vraiment frémir.
Tous ces jours-là tendent à l’échéance
Car c’est descendre à la brutalité.
Faisons vibrer sur le beau Tour de France
Des chants d’amour (bis) et de Fraternité.
Blois, 1848

(Nota) Si vous laissez copier ces quelques chansons, qu’on copie textuellement, car il arrive souvent si l’un copie mal, un deuxième en fait pis et à la fin d’une dizaine de copies l’auteur ne reconnaîtrait sa chanson, tellement elle serait défigurée (note de l’auteur).
Je serre la main à tous les Compagnons boulangers qui pourraient avoir mon souvenir.
Mon adresse plus correcte :
Pernin-Pautet, propriétaire à Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire)
Pernin, dit Chalonnais le Génie D؞ D؞
C؞ Boulanger

Merci à Frédéric Thibault, Provençal la Quête du Savoir,  pour nous avoir communiqué ce superbe et rare document, merci à  Laurent Bastard pour avoir apporté son oeil éclairé à la transcription du manuscrit et merci au  Troubadour du Livre « à  l’origine » 😉

CHÂLONNAIS LE GÉNIE DU DEVOIR À LIBOURNE LE DÉCIDÉ
(air : du Grenier)

Muse, tu dors, reprend ton énergie,
Et chante, encore, un enfant d’Apollon
Nous transmettant le fruit de son génie,
En nous berçant par d’aimables chansons.
Ô Décidé ! pour calmer la souffrance,
De la verve reprends l’essor altier ;
Pour l’ouvrier du riant tour de France,
Ah ! Chante, encore, aimable chansonnier !

Reprends, reprends tes pipeaux et ta lyre,
Et fais vibrer tes logiques accents,
Car l’ouvrier a besoin de délire
Et de chansons pour raviver ses sens.
Le Dieu des vers, pour noble récompense,
Ombragera ton front d’un vert laurier,
Pour la gaieté du riant Tour de France,
Ah ! chante, encore, aimable chansonnier !
En te créant, Dieu t’a dit : sois poète !

Et tu sentis ce feu de volupté ;
Et puis, après, quand fut mûre ta tête,
Ta bouche alors chanta la liberté.
Car le plaisir sourit à l’espérance,
Des compagnons, ô nouveau Béranger !
Pour faire écho sur le beau Tour de France,
Ah ! chante, encore, aimable chansonnier !

Gai troubadour, ton nom dans la mémoire,
Sera toujours, parmi nous respecté,
Nos descendants diront, partout, ta gloire,
Et tu vivras dans l’immortalité.
D’un rameau d’or dédaigne la puissance,
N’admets jamais qu’un rameau d’olivier,
Pour tes amis du riant Tour de France,
Ah ! chante, encore, aimable chansonnier !

Pendant longtemps, sur la vague profonde
De l’Océan, tu bravas la fureur,
Comme Phébus, viens réjouir le monde,
Du Tour de France, ô Régénérateur !
Réveille et romps, ami, ton long silence,
Ne retiens plus ton cerveau prisonnier,
Pour le bonheur du riant Tour de France,
Ah ! chante, encore, aimable chansonnier !

Salut Libourne, oh ! toi cité chérie !
Cité riante, où tu reçus le jour,
Mon front s’incline et mon âme est ravie,
Cher DÉCIDÉ je t’offre mon amour.
De CHÂLONNAIS, garde la souvenance,
Qui d’Apollon fut aussi l’écolier,
Pour les beaux-arts et le beau Tour de France,
Ah ! chante, encore, aimable chansonnier !

LIBOURNE LE DÉCIDÉ À CHÂLONNAIS LE GÉNIE DU DEVOIR
Air : du Grenier

Toi, Châlonnais, dont la verve sublime,
Faisait jadis la gloire du Devoir ,
Sur le beau Tour, qui te fut tant intime,
Reviens, mon cher, je désire te voir.
Reprends ton luth, noble Enfant du Génie,
Et viens mêler tes chants harmonieux,
Aux doux transports de mon âme ravie,
De posséder un ami généreux !
Mon cher, tu sais qu’il faut aux prolétaires,
Dans leurs banquets et leurs réunions,
Pour tempérer leurs soucis, leurs misères,
De gais refrains et d’aimables chansons.
Agite, encor, tes grelots pour la gloire
Du Tour de France et ses joyeux enfants,
Le dieu des arts bénira ta mémoire,
Dans nos concerts, encore, dans cent ans,
Ta lyre en main, sur le beau Tour de France,
Accours chanter, ô barde plébéien,
À tes amis, la paix et l’espérance,
C’est le devoir de tout homme de bien,
Et, qu’à ta voix tous les Compagnonnages,
Disent en chœur : Vive l’égalité,
Vive l’amour, déité des voyages,
Et l’union, sœur de la liberté,
Je sais qu’un jour, sur les bords de la Loire (1)
Des mécréants, jaloux de ton talent,
Ont essayé de salir ta mémoire,
Et qu’envers toi l’on fut méconnaissant,
Pardonne tout, même l’ingratitude,
Car le pardon est un bienfait du ciel,
Sois généreux, dans ta sollicitude,
Et tu seras, sur le Tour, immortel,
Reprends courage, ô Châlonnais ! mon frère,
Et, près de moi, viens dilater ton cœur,
Reviens prêcher, à la classe ouvrière,
Les sentiments d’un régénérateur.
En te donnant beaucoup d’intelligence,
Le Tout-Puissant, vers nous, t’avais poussé
Pour illustrer le riant Tour de France,
Reviens, mon frère, oublier le passé !
Dans le lointain, digne enfant du Permesse (2),
Le sac au dos, je crois t’apercevoir,
Quitter, encore, l’objet de ta tendresse,
Pour augmenter les enfants du savoir.
À l’amitié, LIBOURNE te convie,
Lui qui, pourtant, fut mal récompensé
Pour des ingrats, souvent on sacrifie,
Quand on est bon, pourquoi s’en offenser !

1) Note de Libourne le Décidé : « Châlonnais le Génie du Devoir, (Pernin fils), eut quelques discordes à Blois avec des ignorants qui l’obligèrent à partir. »

2) Dans la mythologie grecque, le Permesse est la source de la rivière qui arrose la demeure des Muses.

Extrait du livre « Le Pain des Compagnons » L’histoire des compagnons boulangers et pâtissiers

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

Commentaires concernant : "François Pernin, Châlonnais le Génie du Devoir" (1)

  1. Emmanuel ROUSSEAU a écrit:

    Superbe, c’est bien dans l’élan d’émancipation de l’époque :

    « Science aussi que ton arbre enchanté,

    De ses rameaux couvre le tour de France,

    Et que ces mots : Union, Fraternité

    Soient burinés sur cette tige immense. »

    Salut et Fraternité

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