François Pernin est né le 27 mars 1822 au hameau de Vieilmoulin, commune de Sennecey-le-Grand ; fils de Jean-Baptiste Pernin (laboureur) et de Pierrette Royer, son épouse.
Reçu compagnon boulanger du Devoir à Tours à l’Assomption 1846 sous le noble nom de Chalonnais le Génie du Devoir
Il semble qu’il ai commencé son tour de France à 19 ans, nous savons (grâce au manuscrit ci-dessous) qu’il passe à Saumur, Angers, Nantes, La Rochelle (accompagné de Claude Mioland, Maconnais la vivacité CBDD).
Auteur chansonnier, contemporain et ami de J.B. Arnaud, Libourne le Décidé, les plus anciennes chansons que nous lui connaissons sont écrites en 1848 à Blois, il n’a que 24 ans.
De retour au pays, il se marie le 14 mai 1850 à Sennecey-le-Grand avec Jeanne Marie Pauthey agée de 27 ans (sans profession, fille de propriétaire) – pas de boulangers parmi les témoins : Claude Pernin, 59 ans, propriétaire à Vieilmoulin, cousin au second degré de l’époux ; Jean Léveque dit Moreau, 52 ans, propriétaire à St-Cyr, oncle maternel de l’époux ; François Augrier, 54 ans, propriétaire à Vieilmoulin ; Claude Broux, 28 ans, cultivateur.
Chalonnais le Génie du Devoir signe son acte de mariage avec trois points.
Il semble qu’il ai très rapidement abandonner la boulangerie pour se consacrer à l’agriculture, en effet, en 1852, lors de la naissance de sa fille Pierrette, il est déclaré « propriétaire ». Nous lui connaisson un fils Alexandre Félix, né le 18 mai 1860 à Sennecey-le-Grand, incorporé sous les drapeaux à Chalon-sur-Saone en 1880.
Il décéde à Sennecey-le-Grand le 24 avril 1900 à l’âge de 76 ans.
Le Pays Frédéric Thibault, Compagnon tailleur de pierre des Devoirs Unis, nous a fraternellement communiqué ce manuscrit (le seul connu a ce jour) de François Pernin, daté de 1883, trouvé entre deux page d’un ouvrage intitulé :
« Agricol Perdiguier et le Compagnonnage« , Thèse pour le doctorat présenté en soutenance par Léon Magon, avocat. (Marseille, 1910) .
Ouvrage dédicacé par l’auteur : » A mon très cher ami Leris« . Une autre mention manuscrite sur la couverture indique, dans une autre écriture : M. Pierre Leris ».
Cet ouvrage a probablement été offert par l’auteur au compagnon maréchal-ferrant des Devoirs Unis, Pierre Leris, Montauban le Victorieux, reçu à la cayenne de Montauban en 1898 ( ce n’est donc pas à lui que le manuscrit est adressé).
Voici ce courrier de François Pernin, Chalonnais le Génie du Devoir, adressé très probablement aux Compagnons boulangers du Devoir de la Cayenne de Lyon ou à la Fédération compagnonnique de tous les Devoirs Réunis de Lyon.
Sennecey-le-Grand, le 20 juin 1883
T؞ C؞ F؞ D؞ Devoir
Mes travaux rustiques m’empêchent de vous envoyer plusieurs de mes chansons ; j’en extrais seulement deux de mon chansonnier qui sont dignes du temps présent, comme ci-joint : Le Jardin du Compagnonnage, fait à Blois en 1848, pour l’alliance des corps. Car j’ai toujours sapé d’un bras d’Hercule les vieux abus et les préjugés de toutes espèces, ces fils de l’ignorance et de l’absurdité, qui ont amené presque toujours nos haines et nos collisions sanglantes.
Tous les C ؞ étaient des Frères au temps jadis ; mais la brutalité et nos vieilles chansons haineuses ont amené la discorde. Cependant, nos premiers fondateurs avaient dit : aimez-vous les uns les autres et multipliez-vous, on les a mal compris.
Toutes mes chansons tendent au progrès et à la régénération compagnonnique. Je suis un rejeton de Vendôme la Clef des Cœurs, C؞ Blancher-Chamoiseur.
C؞ Pays, je ne suis pas un rentier comme le dit la suscription de votre lettre, et j’ai pour devise ce refrain :
Le travail est mon seul maître,
Aussi sais-je en vigneron,
A le bien servir, tout mettre,
Car je suis bon biberon.
Je cultive encore deux hectares de vigne, tant à la charrue qu’à la main, et trois hectares de terres et prés avec mon gendre car j’ai encore mon fils, mais il est soldat.
Vous témoignerez ma reconnaissance et mon amitié fraternelle à Miolan dit Maconnais la Vivacité, le seul C ؞ avait qui j’ai voyagé de Saumur à la Rochelle par Angers et Nantes.
Recevez mes sympathiques amitiés et mon accolade fraternelle.
Pernin, dit Chalonnais le Génie du D؞
Le Jardin du Compagnonnage
Air de La Neige… ou Un polonais vieux soldat de Lelster
1er couplet
Il nous faudrait bien un bon jardinier
Pour cultiver le riant Tour de France
Et supplantant Agricol Perdiguier * Avignonnais la Vertu C؞M؞ D؞ L؞
Cultiver enfin et Concorde et Science
Et puis alors que chaque Compagnon
S’unisse à lui et prête son courage ;
Puis aide enfin avec juste raison
A faire éclore l’Amitié, l’Union,
Qui sont la base de l’ouvrage (bis).
2e
Accourez tous, accourez à grand pas
Hommes sensés du beau Compagnonnage
Ce beau jardin vous offre des appas
A lui rendez votre sincère hommage
Pour commencer de la division
Arrachez donc l’odieuse semence
Puis mes amis que sans distinction
L’on fasse tous des semis d’Union
Facilitons-en la croissance (bis).
3e
De ce jardin éloignons le souci
Qui vit longtemps, s’accroît en abondance ;
Et que toujours l’olivier règne ici,
Auprès de lui des fleurs de jouissance
Plantons, amis, dans toutes les saisons
Et pénétrés d’une vive allégresse
L’arbre joyeux, l’arbre de la raison
Et du progrès, faut semer à foison
Pour cueillir des fruits de sagesse (bis).
4e
Science aussi que ton arbre enchanté,
De ses rameaux couvre le tour de France,
Et que ces mots : Union, Fraternité
Soient burinés sur cette tige immense.
Que chaque corps ne forme qu’un faisceau,
Soient tous rangés sous sa divine ombrage,
Et que l’on soit tous Frères et tous égaux,
C’est le moyen de guérir tous nos maux,
Voilà le vrai Compagnonnage (bis).
5e
Que les abus et les vieux préjugés
Soient tous bannis de cette noble enceinte,
Qu’un bras d’Hercule en les ayant jugés
Les chasse au loin de l’Union la sainte.
Chassons aussi les athlètes fameux,
Semant partout l’odieuse discorde,
Le mauvais grain n’est jamais à mes yeux
[Qu’]un grain semé par quelques envieux.
Amis, semons tous la Concorde (bis).
6e
Mais quel sera dans ce lieu si famé
Ce jardinier plein d’esprit, de clémence,
C’est Chalonnais que l’on a surnommé
Le beau génie du riant Tour de France,
Par son amour et son petit talent
C’est lui qui peut connaître chaque plante,
C’est lui qui peut en brave devoirant,
Régénérer ce jardin si charmant
Si personne ne le supplante (bis).
Fin. Blois, 1848
Chant bachique et fraternel des C؞
Air du Chant des Ouvriers (Pierre Dupont)
Refrain
Compagnons de chaque Devoir
Que la franche gaité rallie
Chassons toute mélancolie
Et puis, gaîment, le soir
Chantons, buvons, jusqu’à la lie.
1er
Songeons amis que tous nos maux
Ne sont pas ici sans remède,
Nous avons de bien durs travaux
Faisons quelquefois intermède.
Dans le fraternel concert
Buvons la liqueur rubiconde
Et que dans le vin qu’on nous sert
Le chagrin file au bout du monde.
Compagnons, etc. en chœur.
2e
Rassemblons-nous gais devoirants
Quand le jour a clos ses paupières,
Pour Bacchus soyons déférents
Lui seul attendrit nos misères,
Fêtons-le d’un commun accord,
A son jus rendons noble hommage
Que chacun par son rouge bord
Honore le Compagnonnage.
Compagnons, etc.
3e
Après les fatigues du jour
Délassons-nous dans l’harmonie
En quelques joyeux chants d’amour
Surtout point de monotonie.
Les maux sont depuis fort longtemps
Hors de la boîte de Pandore
L’espérance est encor dedans
Pour nous de beaux jours vont éclore.
Compagnons, etc.
4e
Nargue des sots trop vaniteux,
Nargue de la sotte critique,
Boire à longs traits c’est être heureux
L’idée est bien démocratique.
Le vin dans los larges poumons
Donne à la voix le son du cuivre,
Le cabaret vaut les sermons.
Pour moi bien boire c’est vivre.
Compagnons, etc.
5e
Quand Dieu noya le genre humain
En punition de son crime,
Il dit, et sa puissante main
Lâcha les flots du grand abîme,
Les méchants périrent dans l’eau.
Dieu, sauvant Noé du naufrage,
Lui dit : « Bois de ce jus nouveau »
Le vin est la boisson du sage.
Compagnons, etc.
6e
Un buveur joyeux Compagnon
Poussé par la mélomanie,
A voulu vous laisser son nom
Lisez : Chalonnais le Génie.
Au fond d’un broc il a trouvé
Ces six couplets, chose notoire,
Si par vous, il est approuvé
Portez un toast à sa mémoire.
Compagnons, etc.
Fin
Autre
A Libourne le Décidé qui me reprochait de chanter Bacchus et l’Amour, et de laisser de côté le Devoir et la Société.
Air : Ma vieille tante Marguerite
1er
Un ami me faisait reproche
De chanter Bacchus et l’amour,
Pourtant je sens à leur approche
Leur feu m’embraser tour à tour.
Je suis esclave de ma Muse
Et rime selon son vouloir.
Mes amis voilà mon excuse
Sans oublier le beau Devoir. bis.
2e
Je suis le torrent qui m’inspire
Ma verve et ma folle gaîté
Et sur les cordes de ma lyre
Je chante en paix la liberté.
Toujours joyeux, jamais maussade
Je vais rimant du blanc au noir.
Soit pour l’ode ou pour la ballade
Sans oublier le beau Devoir} bis.
Bien souvent aux brunes bouteilles
Je dois mes vers et mes chansons,
Bien souvent leurs liqueurs vermeilles
De mon timbre augmentent les sons.
Si parfois Cupidon m’attire
Par le reflet de son miroir
Près de lui je vais boire et rire
Sans oublier le beau Devoir bis.
A tous trois j’offre mes services
C’est une sainte trinité
J’y trouve en goûtant leurs prémices
Bonheur, Joie, et Fraternité
Et jusqu’au bout je veux poursuivre
Ma carrière. C’est mon espoir
Car aimer et boire, c’est vivre
Sans oublier le beau Devoir.
Fin.
Sennecey-le-Grand, 1850.
Deux couplets extraits de la chanson intitulée La Réforme
(Chalonnais le Génie)
Air de Nostradamus.
3e
N’attisons plus la haine et la discorde
Comme ont toujours fait nos prédécesseurs
Que désormais l’union et la concorde
Soi[en]t les seuls cris qui sortent de nos cœurs.
Réformons-nous, cette persévérance
Du siècle alors sera la dignité,
Les Compagnons du riant Tour de France
Seront unis (bis) par la Fraternité.
5e
Oui, proscrivons cette vieille rancune
Qui peut un jour nous abâtardir,
Plus de combats sur la route commune
Jeux d’assommeurs qui font vraiment frémir.
Tous ces jours-là tendent à l’échéance
Car c’est descendre à la brutalité.
Faisons vibrer sur le beau Tour de France
Des chants d’amour (bis) et de Fraternité.
Blois, 1848
(Nota) Si vous laissez copier ces quelques chansons, qu’on copie textuellement, car il arrive souvent si l’un copie mal, un deuxième en fait pis et à la fin d’une dizaine de copies l’auteur ne reconnaîtrait sa chanson, tellement elle serait défigurée (note de l’auteur).
Je serre la main à tous les Compagnons boulangers qui pourraient avoir mon souvenir.
Mon adresse plus correcte :
Pernin-Pautet, propriétaire à Sennecey-le-Grand (Saône-et-Loire)
Pernin, dit Chalonnais le Génie D؞ D؞
C؞ Boulanger
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Merci à Frédéric Thibault, Provençal la Quête du Savoir, pour nous avoir communiqué ce superbe et rare document, merci à Laurent Bastard pour avoir apporté son oeil éclairé à la transcription du manuscrit et merci au Troubadour du Livre « à l’origine » 😉
Superbe, c’est bien dans l’élan d’émancipation de l’époque :
« Science aussi que ton arbre enchanté,
De ses rameaux couvre le tour de France,
Et que ces mots : Union, Fraternité
Soient burinés sur cette tige immense. »
Salut et Fraternité