Belgique – Jeton Boulangerie Fédérale Coopérative Hutoise (Huy)
Section Amay
Belgique 10 – Collection privée
20 mm. Cuivre. Rond et percé. Avers : BOULrie FEDle HUTOISE / SECTION / DE / LA COOPER ve / AMAY.
Revers : BON POUR / 1 / 0 / Kg / DE PAIN
Huy est une ville francophone de Belgique située en Région wallonne, chef-lieu d’arrondissement en province de Liège. Huy est située sur la Meuse au confluent avec le Hoyoux à mi-chemin entre Namur et Liège. Les habitants de Huy s’appellent les Hutois.
Le blog Rouges Flammes Grandes figures de chez nous présente : l’histoire de Huy, inspirées des écrits de Joseph (Victor) Thonet (1883-1973), fils du peuple : « Son souvenir est toujours présent chez les anciens, mais sa mémoire, permet de sortir de l’ombre le riche passé de luttes, et de combats sociaux, culturels et politiques de notre région, dès la moitié du XIXᵉ, siècle ».
Et de partir sur ses traces à travers les vieilles rues de la ville…
Huy était à cette époque au centre d’une région très industrielle : les carrières et fours à chaux des vallées du Hoyoux, de la Meuse et de la Mehaigne, les fonderies (Nestor Martin, Porta, Dautrebande, Fondeurs Hutois), les usines à zinc (Corphalie, De Laminne), les papeteries Godin, les ateliers mécaniques Thiry, les tôleries Delloye, les automobiles Springuel, la sucrerie de Wanze etc.
Ville éminemment ouvrière donc dans ses quartiers périphériques, mais aussi, bien sûr, dans ses beaux quartiers, « ville de millionnaires » de la bourgeoisie enrichie par la force de travail des premiers.
Et toujours aussi, ville de la noblesse d’Ancien Régime tapie dans les dizaines de nobles demeures aux confins de la ville (Châteaux d’Ahin, de la Neuville , de Vierset etc. )
Fils du Peuple
Joseph (qu’on appellera aussi par son 2ème prénom Victor) Thonet est né à Huy le 2 janvier 1883 d’un père ouvrier de meunerie et d’une mère ménagère. Ils habitent rue Sainte Catherine à Huy.
Il perd sa mère à 3 ans. Son père travaille 11 heures par jour, de 5 h du matin à 6h du soir avec 1/2 jour de congé par semaine, le dimanche après-midi et 1 jour de vacances par an, le jour de la Sainte Catherine.
« Dans mon enfance, ce n’était pas la fête tous les jours à la maison… On mangeait un petit morceau de viande le dimanche. Le vendredi, de temps en temps, nous mangions du stockfish, le bifteck des pauvres …
Le beurre était réservé à mon père pour ses tartines. Il nous en restait si peu que nous le grattions sur notre pain. Pour aller à l’école, nous étions chaussés de taloches et ma sœur me confectionnait un bonnet avec des morceaux de drap.
Les privations et la misère préparent admirablement à la lutte contre le régime capitaliste.
Le quartier Sainte Catherine était un des quartiers ouvriers de Huy où étaient établies nombre d’entreprises, des fonderies, trois ateliers de construction et une boulonnerie, qui occupait gamins et gamines en bas âge. « Quand l’inspecteur du travail venait, on les cachait dans des tonneaux à boulons… et le patron recevait son certificat de bonne conduite »
Les papeteries Godin occupaient aux portes de Huy et Marchin, entre Sainte Catherine et Fleury,
1200 personnes dont nombre de femmes qui venaient de tous les villages avoisinants et qui avaient des conditions de travail et de salaire terribles. (Si un employé gagnait 90 f /mois, un ouvrier à peu près pareil, 2,25 à 3fr/jour, les femmes, elles gagnaient à peine la moitié 1,25 à 1,5 fr/jour) En hiver, par mauvais temps, elles ne pouvaient pas rentrer et logeaient chez l’habitant dans des conditions d’hygiène et de salubrité terribles. »
Huy était soumise aux crues de la Meuse ou du Hoyoux. En janvier 1893, la rue de la famille Thonet, (Sainte Catherine) fut transformée en torrent ; il y avait 1 mètre d’eau dans la maison. Catastrophe pour les pauvres gens, en plein hiver !
Inondation Grand Place à Huy – Date inconnue
Les Coopératives
A 20 ans, Joseph Thonet, vend au porte à porte les produits d’une société coopérative de semences et graines « Les Campagnards de Tihange ».
Créée à la fois pour permettre aux ouvriers qui cultivaient leur potager, et surtout, aux agriculteurs désireux de se libérer des fournisseurs de graines et semences qui s’enrichissaient avec ce commerce très lucratif.
Collection Michèle Launoy
Il devient ensuite, professionnellement secrétaire comptable mi-temps de la coopérative, en même temps que rédacteur au journal hebdomadaire du POB hutois : « Le Travailleur ».
Installée dans une grange de ferme à Tihange, la coopérative déménagea vite au centre de Huy, avec un magasin rue Sous le Château et un autre rue Neuve. Plus tard, c’est à la rue des Jardins que les bureaux et dépôts s’établiront. Thonet y travaillera jusqu’en 1920
L’occasion de nous pencher sur cette expérience oubliée des coopératives socialistes. Dans la région de Huy, elles se sont développées dans différents domaines
- L’Imprimerie coopérative : fondée d’abord pour imprimer le journal local et échapper aux imprimeurs privés, elle élargit son activité à la vente de papeterie, à proximité de 6 établissements scolaires puis à la fabrication et la vente de sachets en papier. Véritable entreprise industrielle, elle occupe un vaste bloc d’immeubles au centre-ville, en coin de rue, avec presses, machines à composer, etc.
En 1897, Joseph Thonet adhère aux Jeunes Gardes Socialistes de Huy le jour de l’inauguration du nouveau siège de la boulangerie coopérative « Les Prolétaires Hutois » Rue de l’Industrie (aujourd’hui, rue de l’Amérique).
- Les coopératives de distribution : boulangeries, épiceries, boucheries, vente de farines, beurres, etc ; avec comme but de fournir à ses coopérateurs des produits avec ristourne et d’échapper ainsi aux prix imposés sur le marché.
La plus importante fut « Les prolétaires Hutois » créée en 1892 par des ouvriers d’usine ; elle commença par vendre du café, de la chicorée, et du sirop.
Ensuite, affiliée au POB, elle développa des activités de boulangerie, avec ateliers et bureaux avenue de l’Industrie (Av d’Amérique) ; elle fournissait (à hauteur de 3 000kg par jour) ses magasins à Huy, des succursales à Gives, Vinalmont, Nandrin et toutes les coopératives de la région.
- Les coopératives de production : avec comme but, sans doute utopique de substituer à une gestion capitaliste privée des moyens de production une gestion collective, coopérative, mais dans un environnement social et commercial dominé par le marché et la concurrence. Elles sont créées à l’initiative de militants socialistes des premiers noyaux syndicaux.
On vit ainsi naître des carrières coopératives, des fonderies coopératives (l’Union Métallurgique de Huy, affiliée au POB et les Fondeurs Hutois).
Les Fondeurs Hutois auront une histoire mouvementée, signe de l’ambiguïté de cette forme coopérative : conflits entre le syndicat et la coopérative, transformation de celle ci en société anonyme, comportement patronal de la direction « socialiste » (avec même en 1924 menace de lock out patronal dans une grève des métallos)
Joseph Thonet, dans ses souvenirs, détaille l’action de la gauche radicale, incarnée par les JGS, au sein des coopératives socialistes :
« Nous considérions ces institutions coopératives comme des organisations de lutte, mais également comme des exemples de ce que les travailleurs pouvaient faire en se groupant même dans le régime capitaliste. Nous avions décidé de luter contre la passivité le piétinement et l’hésitation des « vieux »qui avaient peur d’avancer et … étaient réfractaires aux réformes progressistes tant ils avaient rencontré des difficultés pour réunir, sou par sou, le petit capital de départ. »
20, Rue des Jardins, L’ancien local des Campagnards de Tihange
Après avoir pris des parts de coopérateur et participé aux assemblées générales, ils entrèrent à quelques-uns dans les conseils d’administration des « Prolétaire hutois », des « Campagnards de Tihange » de « l’Imprimerie Coopérative » de « l’Union Métallurgique de Huy »
« Quand je fus membre du CA du « Prolétaire Hutois », je proposai la suppression du travail le dimanche dans les magasins de détail, ce qui fut admis malgré une vive opposition des « vieux »
Les magasiniers étaient contents ; les clients firent leurs achats en semaine. La vente progressa en raison de la fidélité coopérative.
Deuxième mesure : alors que « les magasins fermaient tard le soir à 8h30, voire à 9 h, je proposai de les fermer progressivement à 6 heures du soir, ce qui fut réalisé.
Nous proposions aussi des augmentations de salaire, et le grand débat se fit sur les vacances annuelles.
Jusque-là, les ouvriers n’avaient droit à aucun jour de vacances, alors que les bourgeois allaient « se reposer » 2 ou 3 mois à la mer ou à la Côte d’Azur.
C’est pourquoi, nous avions proposé au « Prolétaires Hutois », puis dans les autres coopératives, 6 jours de congé par an, avec salaire payé pour les ouvriers et employés. »
Les années passèrent. Un temps secrétaire de la Fédération JGS de Huy Waremme, membre actif du POB, à ce titre, et comme administrateur de coopératives, Joseph Thonet fut élu au Comité fédéral Huy Waremme du POB, devint secrétaire fédéral Huy Waremme, et puis trésorier fédéral, tout en se positionnant toujours comme un socialiste de combat. Jusqu’en 1920-21, il fut gérant des « Campagnards de Tihange ».
Source : Rouges Flammes Grandes Figures de chez nous
CPA AMAY – Chaussée de Liège
Environs de HUY Moulin de Modave
Par Jean-Claude THIERRY