Il existe des vrais et des faux blés polonais.
Tout d’abord que veut dire «polonais» au cours de l’histoire.
Le généticien, spécialiste en céréales Stefan SYMKO, dans un chapitre sur l’ «Histoire du blé ukrainien», signale que lorsque qu’une partie de l’Ukraine occidentale était «occupée» par la Pologne, c’était avant 1772, le blé importé était inscrit sous le nom de « blé polonais », pas d’Ukraine, ce dernier pays n’acquit son indépendance que récemment, fin du XXème siècle. D’où d’après l’ukrainien S.SYMKO, ce nom assez général de «blé de Pologne».
La Pologne a vu ces frontières se changer assez bien ces derniers siècles, elle était située plus à l’Est autrefois.
En fait beaucoup de variétés de blés anciens réputés que ce soit de France (blé Noé), du Canada ( blé Red Fife), des Etats-Unis (blé Turkey) proviennent d’Ukraine occidentale ou orientale.
Un blé de Pologne est déjà renseigné par A.A.PARMENTIER, dans son Traité complet sur la fabrication et le commerce du pain, fin XVIIIème siècle, comme «le plus recherché des blés venant du Nord », il s’agirait probablement ici, d’un blé tendre de printemps.
Il existe un piège pour les personnes qui veulent identifier clairement par la classification scientifique qui définit dans les variétés de blé dur (durum wheat en anglais et Triticum turgidum durum en latin), le triticum polonicum qui est différent au niveau génétique et technique (2 paires de 7 chromosomes tandis que le blé tendre ou froment actuel à 3 paires de 7 chromosomes).
Mais cela on ne le saura qu’à la moitié du XXème siècle, lors de la découverte des chromosomes, bien que le test de « mise sous la dent » en vigueur autrefois repérait facilement la dureté ou le côté tendre des blés.
Ce blé dur ci, était d’ailleurs surnommé en Amérique «Diamond Wheat» = blé diamant, vu la dureté qu’il avait dans le test « sous la dent ».
M.PELIGOT différencie en 1849, lors d’une des premières enquêtes sur la composition du blé, le «blé Poolish Odessa» venant de la «Pologne russe» et le blé «de Pologne» originaire de l’Afrique septentrionale.
H.VILMORIN nous donne une autre description en 1880: «Le blé de Pologne n’est guère cultivé, en dépit de son nom, que dans le nord de l’Afrique et en Algérie ».
Michel CHAUVET dans son catalogue en ligne de l’exposition «Les céréales en Egypte ancienne» va éclaircir cet énigme en écrivant «Le « blé de Pologne » n’a jamais été cultivé en Pologne. Son nom scientifique résulte d’une confusion -du classificateur- Linné entre la Galice, région d’Espagne où il était cultivé, et la Galicie, région située au sud-est de la Pologne et à l’ouest de l’Ukraine.
Les deux régions se disaient Galicia en latin, et Linné a dû relire hâtivement ses notes ou ses planches d’herbier… ».
Comme quoi, on peut être une sommité scientifique dans un domaine qui devrait mettre de l’ordre (la nomenclature) on n’est pas à l’abri d’une erreur.
Il nous faut quand même reconnaître les difficultés que dut rencontrer Carl Von LINNE en 1753 lorsqu’il publia Species plantarum (les espèces des plantes) où il décrit en deux volumes environ 8000 végétaux différents pour lesquels il met en application de manière systématique la nomenclature à double nom latin que nous utilisons encore et dont il est le promoteur.
Michel CHAUVET donne aussi un des noms allemand du blé (dur) de Pologne ; «Riesenroggen» soit «seigle géant» puisque l’épi est effectivement impressionnant en taille et que ce critère de choix devait lui donner une prévalence dans les choix variétaux d’ensemencement.
Malgré que ce soit surtout la cosse qui est impressionnante, le grain n’étant pas lui proportionnel à l’emballage.
Un photo d’un des plus grand blé, le blé dur polonicum à côté
du pichoto espèuto ou « petit épeautre » de Haute Provence qui lui peut revendiquer d’être un des plus petit.
Un autre blé dur que l’on a classé dans un premier temps sous l’appellation scientifique «triticum polonicum» est celui qui est plus connu sous l’appellation « légendifiée » « Kamut » suivi d’un petit ® (= âme de la terre) et dit parfois trop vite d’origine mystérieuse.
En fait, la probable prise de blé dur d’un soldat U.S. en campagne et rapporté chez ses amis agriculteurs puis redécouvert ensuite, n’était qu’un blé dur que l’on trouve couramment en Afrique du Nord.
Aujourd’hui, on le classe plus justement, toujours comme un blé dicoccocum (2 paires de 7 chromosomes), mais du nom de Khorasan (qui est une province au nord de l’Iran).
Il a suffit d’un long marketing pour dépasser en réputation le nom de l’espèce qui était son nom d’origine.
Et malgré l’envoi de recours juridique pour défendre l’utilisation du nom Kamut ® , le blé Khorasan n’a pas peur de vous le dire en vous regardant en face, quasi droit dans les yeux.
Marc Dewalque – Artisan Boulanger – Belgique.