30 ans de la baguette tradition.

Trente ans de vécu depuis le 13-09-1993

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Inévitablement un bilan dans lequel les opinions s’orientent souvent vers « un goût de trop peu ».
D’abord ces additifs quand même autorisés, les farines de fève et de soya, la poudre de gluten vital et les amylases fongiques.

Pour bien comprendre ce texte légal qu’est le décret sur le pain de tradition, il faut savoir que les règlementations mêmes du marché national devaient avoir l’aval de la communauté européenne.

Ce fut un obstacle que les promoteurs du décret (la confédération des boulangers) devaient contourner, afin de protéger, dans un espace de « libre marché » que se voulait être (et se veut toujours être) l’Europe, un pain qui avait une notion et une acceptation particulière à la France.

Ils arrivèrent à s’entendre sur le fait que si l’Allemagne avait su obtenir un texte protégeant la bière « de tradition » spécifique à l’Allemagne, la France avait droit d’avoir ce même droit pour le pain. Il nous faut alors voir ce qu’est cet encadrement légal de la bière issu de la « Reinheitsgebot » ou « loi sur la pureté de la bière », qui est enracinée dans la culture germanique depuis 1516.

Historiquement, c’est un fameux parcours.
Ce n’est pas sans intérêt de relater brièvement le vécu de près de 500 ans de cette loi sur la pureté de la bière. Bavaroise à l’origine, elle n’acceptait comme ingrédient que l’orge, le houblon et l’eau.
La levure n’entrera dans la composition que lorsqu’elle fut reconnue par le monde scientifique.
Peu après l’unification dans un grand état germanique à la fin du XIXᵉ siècle, la loi s’appliquera à toute l’Allemagne actuelle en 1906, évinçant au passage des bières brassée de manière traditionnelle, notamment celle a la cerise, faites dans le nord de ce nouvel état germanique.
Dans la bière de tradition allemande, pas une seule enzyme n’est autorisée.

Ce qui n’est pas le cas du pain de tradition française qui accepte l’amylase fongique, un auxiliaire technologique (processing aid en anglais) pas référencé comme additif.
Voilà le maître-mot pour la compréhension de ce texte légal, pas d’additif !
Comme la farine de fève, la farine de soya et le gluten sont des produits naturels, ils sont naturellement acceptés dans la composition d’un pain de tradition.
Passons ces trois ingrédients en revue avant de parler du statut d’auxiliaires technologiques et des enzymes.

1.La farine de fève, Le professeur Calvel écrivant l’éditorial dans la revue «Le boulanger-pâtissier» et particulièrement dès mai 1981 dans « Avoir raison … malgré tout » mentionne l’effet néfaste de cet ajout de farine de fève. Il reprenait ainsi les études faites conjointement par l’INRA et le Conservatoire des Arts et Métiers par R.DRAPRON, Y.BEAUX, M.CORMIER, J.GEFFROY, J.ADRIAN et GUILBOT.
Lorsque Roger DRAPRON décrit l’action de la lipoxygènase dans la pâte, en 1974, il en dépeint plutôt les aspects négatifs.
Ce n’est pas tellement l’enzyme lipoxygénase native (de la farine de froment) qu’il met en cause.
Mais plutôt celle que l’ajout de la farine de fève apporte en excès (100 fois plus efficiente).
Celle-ci couplée à « l’augmentation de l’intensité du pétrissage, généralisée depuis une vingtaine d’année, modifie considérablement l’importance de l’effet de la lipoxygènase ».
C’est dans un autre éditorial de la même revue « Le boulanger-pâtissier » en décembre 1986, intitulé ; « Des idées qui font leurs chemins », que le professeur Calvel apprenait que dans certains moulins importants, les farines sans fève représentaient de 30 à 40% des ventes. Ce qu’il considère comme un acquit positif.
Depuis lors, l’emploi de farine de fève s’est réduit fortement jusqu’au point de disparaître.

2. la farine de soya, dont on a raison de dire qu’elle peut contenir du soya OGM puisque les États producteurs de soya OGM le mélange à d’autres non OGM et évitent ainsi la traçabilité de l’OGM.
Mais gardons-nous de lancer des attaques inutiles sur sa présence dans le pain, puisque si l’activité de l’enzyme lypoxygénase de la farine de fève est 100 fois supérieure à l’activité de la lipoxygénase du blé. Elle peut être encore triplée (300 X), s’il s’agit de farine de soja plutôt que de farine de fèves, comme le communique Philippe ROUSSEL en 1998 dans le livre « Les industries de première transformation des céréales » chez Lavoisier.
Du coup, son autorisation d’incorporation dans la farine panifiable est de 0,5% pour 2% pour la farine de fève.
Là aussi, remarquons que dans une farine de tradition, si potentiellement (vue légale) on peut en incorporer, il faut le signaler et comme pour la farine de fève, on ne peut pas dire que les meuniers en mettent dans la farine actuellement, surtout la farine de tradition.
C’est devenu hors sujet cette recherche de blancheur et on évite cette mie ouatée dû à une oxydation excessive à la fois au pétrissage et par l’apport de produit oxydant fus-ce-t-il naturel.
C’est une mie couleur « crème » qui est recherchée aujourd’hui.

3. L’ajout de gluten, point qui a pris le plus d’ombrage médiatique sur cette dernière décennie, la glutenophobie étant fort prisée actuellement.
Il faut bien remarquer que par la voie de la sélection des semences, la teneur en gluten a déjà augmenté.
Alors l’ajout de poudre de gluten vient parfois pour répondre à une intensification du travail de la pâte qui doit vivre un pétrissage intensif, une division faite parfois de compression, un façonnage mécanisé (moins flexible), et notamment une congélation et une décongélation.
L’ajout vient souvent dans la transformation artisanale comme un réflexe trop rapide face à une demande de solution dans un manque de « panifiabilité » lors d’une discussion meuniers-boulangers.
Alors que la réponse peut venir par des méthodes de panification, tel les pré-fermentations et surtout le levain naturel.

À la panification d’anciennes variétés d’origines locales, on ne peut que remarquer que les analyses (Zélény, Alvéographe) qui déclassent ces blés en essayant de prédire la valeur technologique, le font avec de moins en moins de valeurs réelles, puisqu’on obtient dans le fournil des pains valables.
Les référents actuels, sans devoir être totalement remis en cause, (moins que cette évaluation, ce serait pire) devraient s’adapter et prendre en compte les méthodes artisanales et non les méthodes intensives.

D’autant que les méthodes artisanales ont évoluées (travail avec moins de contrainte infligée à la pâte avec les diviseuse-formeuse), l’introduction de levain liquide, entre-autres.

L’évolution ou la critique ne pointe pas assez son nez, est l’ajout de ces auxiliaires technologiques (donc pas de code additif) dont font partie les enzymes.

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Et c’est normal, puisque l’aspect de l’ajout enzymatique était souvent occulté, il faut donc aller chercher l’information. Voir plus sur l’ajout enzymatique ici.

Sur les 20 dernières années, les firmes fournisseuses d’ingrédients pour la boulangerie sont passées de l’additif à l’auxiliaire technologique et les autorisations d’enzymes dans la farine ont plus que doublé. Plus d’infos sur le dossier l’amélioration du pain et les améliorants
Hélas des enzymes comme les oxydases non natives dans la farine ne sont pas facilement repérables par analyse, hélas aussi les hémicellulases peuvent parfois passer sous l’appellation amylases à effet secondaires. Or ces hémicellulases ne sauront être efficaces dans la pâte qu’avec l’ajout de glucose-oxydase, non natives.
Compliqué tout cela, n’est-ce pas ! Seule l’amylase fongique (produit par des moisissures) est autorisée dans le pain de tradition. C’est un courrier de la DGCCRF du 19 novembre 1993 qui autorise, ± 2 mois après, l’introduction de gluten et d’amylases fongiques (puisque ces dernières ont le statut d’auxiliaires technologiques), voir Les Nouvelles de la Boulangerie, n° 420 du 15-12-1993, p. 3.
Aucune autorisation pour les gluco-oxydases, on devrait pouvoir oxyder sa pâte de tradition par la fermentation panaire, la meilleure voie s’il faut en choisir une.

Marc Dewalque Artisan Boulanger Belgique

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