Le pain est-il naturel en 2015 ?

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Le pain est-il naturel en 2015 ?

Depuis ses origines, le pain français bénéficie de l’image d’un produit naturel mais derrière ses ingrédients principaux, farine, eau, sel et levure, il existe toute une panoplie d’additifs et de contaminants autorisés sous un seuil de tolérance réglementé.

En boulangerie et en meunerie, il y a l’acide ascorbique (détruite à la cuisson), le malt, le gluten sec et des enzymes comme l’amylase fongique.
Mais la Directive 95/2/CE du Parlement européen et du Conseil, du 20 février 1995, en vigueur, concernant les additifs alimentaires autres que les colorants et les édulcorants, autorise environ 110 additifs supplémentaires, pas seulement pour le pain, mais pour tous les produits alimentaires, ingrédients qui; « s’ils ne sont pas suffisamment disponibles naturellement peuvent être fabriqués chimiquement par l’homme. »

Le pain de tradition française est lui un peu plus «Protégé» par la loi qui interdit l’usage d’additif autre que le malt, gluten sec, amylases (et dans sa pratique interdit l’usage de la surgélation). Dans tous les cas, l’usage d’ajout de gluten sec est autorisé, mais il semble soulevé des grandes interrogations en comparant son usage intensif depuis des années et l’explosion du nombre de malades intolérants au gluten. Egalement, l’usage des enzymes est autorisé, et là aussi de grandes interrogations, par les progrès récents dans ce domaine, la multiplication d’enzymes différents, les meuniers et surtout les boulangers manquent cruellement d’information claire à leurs usages et leurs présences dans les farines.

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Pour les contaminants, tout d’abord on peut retrouver dans les terres qui subissent l’épandage des boues des stations d’épuration par exemple, des métaux lourds qui peuvent être assimilés par le blé comme le plomb, cadmium ou encore du mercure. Les grains de blé sont enrobés d’un fongicide avant semis, pendant sa culture, le blé peut recevoir de 2 à 6 traitements de pesticides selon les années, un traitement aux hormones pour raccourcir les tiges afin d’éviter la verse et une dose importante d’engrais: 240 kg d’azote, 100 kg de phosphore et 100 kg de potassium à l’hectare en moyenne. Donc, il y a forcément des résidus de traitements chimiques des blés, herbicides, pesticides ou fongicides et enfin; Les traitements systématiques appliqués lors du stockage en ferme ou en silo coopératif, les grains sont fumigés au tétrachlorure de carbone et au bisulfide de carbone, puis arrosés au chlopyriphosméthyl.

Heureusement, si l’on peut dire, la plupart de ces molécules restent fixées sur les parois du grain et à la mouture, le meunier est obligé de laver et brosser le grain le plus possible.
Le son étant éliminé, la farine blanche se retrouve exempte des résidus de pesticides, mais les valeurs nutritionnelles du blé sont dans les enveloppes intérieures proches de l’amande farineuse au centre du grain et on les enlève… Le germe très riche est enlevé également pour avoir une farine avec une DLC plus longue. De plus le meunier est autorisé de mettre dans sa farine, du chlorure de nitrosyl, de l’acide ascorbique, de la farine de fève, du gluten sec et des amylases diverses et variées.

Donc, le risque existe, les contrôles sont primordiaux, souvent on retrouve certes à l’état de traces, des contaminants, heureusement en dessous des doses réglementaires admissibles. Une étude menée en 1999 par -60 millions de consommateurs- a conclu à la présence de pesticides dans 5 échantillons de céréales sur 12 testés. Même les céréales biologiques, quoi que plus sûr, ne sont pas exempte de risque comme le prouve une autre étude menée par -60 millions de consommateurs- en 1998, principalement due à la contamination par le vent, au stockage ou au transport des céréales bio dans les mêmes outils que les non bio.

Théoriquement, seules les doses supérieures aux limites maximales réglementaires de contaminant chimique, ont un effet négatif sur la santé mais rien ne prouve l’existence de lots de blés occasionnellement contaminés.

Les toxines produites par les moisissures sont aussi des contaminants, lorsque les conditions de stockage des blés ne sont pas bien respectées, des moisissures se développent qui sont nocives à l’homme, l’exposition aux mycotoxines entraine des dérèglements rénaux et des cancers. En France le risque est faible, mais rappelons que l’ergot de seigle frappait nos campagnes il n’y pas si longtemps, comme pour les autres contaminants, rien n’exclut que certains lots de blés puissent être contaminés accidentellement.

Sans incidents alimentaires majeurs jusque là, le pain semble au yeux du public, un produit sûr mais pour combien de temps ? Il est de plus en plus ternis par l’usage intensif d’ajout de gluten sec qui pose problème, de plus en plus connu du consommateur.

Au Moyen Âge et jusque vers 1700, il fallait en moyenne plus de trois heures de travail pour obtenir un kilogramme de blé, les céréales constituaient presque l’unique nourriture de base. Le blé étant très cher, c’était le méteil qui servait d’aliment aux Français les plus pauvres, 90 % de la population, car il fallait en moyenne deux heures de travail seulement pour un kilogramme de méteil. En 2015, il faut trois minutes de travail pour s’acheter un kilogramme de blé.

Dans l’histoire de la culture des céréales, le blé est le premier à bénéficier de l’usage d’engrais, la chaux d’abord, utilisée pour réduire l’acidité des sols, puis des engrais chimiques, le sulfate et le nitrate d’ammonium. Pendant plusieurs millénaires, le blé n’est cultivé qu’en faibles quantités et avec de très bas rendements, l’augmentation du rendement à l’hectare s’accompagne par l’augmentation de l’usage des engrais.

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Il est temps d’une remise en question de chacun des acteurs, qui pourrait permettre une utilisation pure et simple de la nature, qui possède la richesse nécessaire pour produire un pain beau, sain et bon :

  • L’état qui valide les variétés de céréales devrait le faire aussi sur la base d’analyses nutritionnelles et reconsidérer la richesse dans ce domaine des variétés anciennes de blé;
  • L’agriculteur et les coopératives en supprimant l’usage de produits chimiques, revenir sur des rendements à l’hectare respectant la terre et s’intéresser à la force des variétés anciennes de blé qui se passent d’engrais;
  • Le meunier en sélectionnant ses lots de blé en développant la traçabilité, réduire l’emploi d’additif et developper la mouture sur meule;
  • Et le boulanger en réapprenant la panification naturelle au levain.

En ces temps de COP21, la filière pain devrait aussi se sentir concernée.

Laurent Bonneau Artisan Boulanger Normand la Fidélité CBRFAD

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