Qu’est-ce qu’une couleur ?

Ce ruban de coton, de soie, de velours uni, fleuri, gaufré, brodé, ou encore marqué au fer chaud, porté par les membres des différentes sociétés compagnonniques du XVIIe siècle à nos jours, permet d’identifier la profession du compagnon qui l’arbore soit au chapeau, en cravate, à la boutonnière, à la ceinture, ou en écharpe selon les rites et traditions de chaque compagnonnage.

Deux compagnons boulangers du 19e et deux compagnons boulangers et pâtissiers du 21e siècle.

Certains des compagnons du XVIIIe siècle nomment leurs couleurs « livrées ». Il s’agit d’un vocable appartenant plus particulièrement à l’Ancien Régime, qui n’est pas sans rappeler ces bandes d’étoffes de couleurs uniformes placées sur le pourtour des poches, des boutonnières ou des pièces du costume des laquais, aux couleurs du blason de leur maître, de la famille au service de laquelle ils sont.

De même ces bandes d’étoffes distinguaient la compagnie pour les officiers, la ville ou la province pour les consuls, échevins, gardes ou archers. Il était interdit de prendre une combinaison de couleurs déjà utilisée, les livrées faisaient l’objet de la même protection que les noms ou les blasons. Le port de ces livrées était rendu obligatoire par ordonnance royale.

Ces livrées étaient le symbole ostentatoire de la fonction de « service » de leurs porteurs envers (ou chez) un maître, un supérieur, matériel ou immatériel. Il est à noter que livrée est également le nom, lors des mariages au XIXe et au début du XXe siècle, des rubans attribués aux différents invités, afin de les différencier en fonction de leur position familiale.

À l’origine, ces livrées sont de simples rubans que les compagnons se procuraient chez les boutiquiers, ne comportant aucun symbole ou signe particuliers. Il n’est pas donc difficile en 1810-1811, pour ces nouveaux compagnons boulangers se prétendant du Devoir, de se procurer et porter ces rubans. Nous ignorons à quelle période les livrées, faveurs ou autres rubans du vocabulaire compagnonnique perdent leur dénomination pour recevoir celle de couleurs.

Rubans portés au bras pour une convocation en assemblée générale en 1821.

Ne serait-ce pas lors de l’apparition de la légende de Maître Jacques (certainement ultérieure à la révolution de 1789) avec toute la symbolique des souffrances du maître lors de son assassinat – comme nous allons le découvrir ci-dessous – que le mot « couleur » entre dans le vocabulaire compagnonnique et que celui-ci se répand progressivement à tous les Devoirs ? Les couleurs des livrées d’avant la Révolution ont éventuellement une symbolique purement religieuse, comme de nombreuses choses au XVIIe et XVIIIe siècles.

Par l’apparition de la légende de l’assassinat de Maître Jacques, elles épousent une autre symbolique en rapport direct avec cette légende et un supposé Maître fondateur.

Comme le compagnonnage qui leur a donné naissance malgré lui, celui des doleurs du Devoir, les compagnons boulangers ont toujours porté leurs couleurs à la boutonnière. ( À partir de 1947, avec leur adhésion à l’A.O.C.D.D., ils adoptèrent la couleur jaune de velours portée en écharpe de l’épaule droite à la hanche gauche.)

Dans la demande de reconnaissance adressée par les compagnons boulangers aux compagnons passants tailleurs de pierre du Devoir de Bordeaux en 1829, il est dit :

Nos couleurs sont emblématiques aux douleurs qu’éprouva le premier compagnon qui fut victime de sa faiblesse…

Les compagnons boulangers portent donc en 1829 plusieurs couleurs, cinq comme le décrit le symbolisme des compagnons du Devoir basé sur la légende de Maître Jacques ( bleu, blanc, rouge, jaune et vert ) apparu, semble t-il, au début du XIXe siècle.

C’est ce que nous découvrons dans Le Compagnonnage – Son histoire, ses coutumes, ses règlements et ses rites, d’Étienne Martin Saint-Léon, ouvrage de référence, édité en 1901 par Armand Colin puis réédité en 1977 par la Librairie du Compagnonnage et en 2010 par les éditions Jean-Cyrille Godefroy :

  • Combien y a-t-il de couleurs ?
  • Cinq et une de cachée.
  • Nommez-les.
  • Le bleu, la blanche, la rouge, la jaune et la verte.
  • Que signifie la bleue ?
  • Les coups que Maître Jacques a reçus pour nous.
  • Que signifie la blanche ?
  • Les larmes qu’il a versées pour nous.
  • Que signifie la rouge ?
  • Le sang qu’il a versé pour nous.
  • Que signifie la jaune ?
  • La persévérance (à garder ses secrets).
  • Que signifie la verte ?
  • L’espérance (à sauver sa vie).

Nous trouvons également ces questions-réponses présentées d’une façon mélodieuse, sur un disque du groupe musical « Malicorne », intitulé « L’extraordinaire tour de France d’Adélard Rousseau, dit Nivernais la Clef des Cœurs, compagnon charpentier du Devoir », édité en 1978.

Dans la demande aux compagnons tailleurs de pierre, il n’est pas fait allusion aux couleurs de la Sainte-Baume et à leur symbolique gaufrée, mais à la symbolique de la couleur des rubans proprement dite.

 

LES RUBANS DE DÉVOTIONS DANS LA RELIGION CHRÉTIENNE

Sainte Apolline contre les maux de dents à Ouville-la-Rivière (Seine-Maritime)
Apolline est martyrisée en 249. Elle est capturée lors d’une émeute au cours de laquelle tous les chrétiens sont tués après avoir assisté au pillage de leurs maisons. On lui casse alors les dents et les mâchoires, puis elle est traînée hors de la ville. On lui demande de renier sa foi en la menaçant du bûcher. Pour tromper ses bourreaux, Apolline demande à réfléchir et, leur échappant, elle se jette dans le feu. Représentée avec la tenaille avec laquelle on lui aurait arraché les dents, elle est invoquée pour soulager les maux de dents. La pierre sur laquelle on peut se recueillir est située dans la petite rue de l’église à Ouville-la-Rivière. Des dizaines de petits rubans ornent la pierre de Sainte Apolline. Un pèlerinage qui se répète de génération en génération.

Saint-Germain-des-Fossés (Allier)
La statue de la Vierge Miraculeuse de Saint-Germain se trouve exposée dans le chœur de la basilique Notre-Dame. Cette statue représente la Sainte Vierge sous l’aspect de piété.
« Un jour, le 2 juillet, des mariniers de Saint-Germain, montés sur leurs barques, descendent l’Allier. Arrivés près de la Beaume-Poënat, à la limite des paroisses de Billy et de Saint-Germain, ils furent soudain immobilisés au milieu de la rivière par une force mystérieuse que tous les efforts ne purent briser. Étonnés, ils se demandaient quelle pouvait être la cause de ce prodige, lorsqu’ils aperçurent, « au milieu des essalis », un ruban qui flottait sur l’eau. Ils s’en approchèrent, et le tirant à eux, ils découvrirent la statue dont nous parlons. »
Le pèlerinage à Notre-Dame de Saint-Germain des Fossés date de la découverte « merveilleuse » effectuée au XVIIe siècle de la statue de la Vierge dans les eaux de l’Allier. La curiosité qui amène d’abord les habitants des paroisses avoisinantes fait bientôt place à un vif sentiment de piété. Le 2 juillet devient jour de fête religieuse. Des rubans bénits, images et souvenirs pieux sont découpés et distribués au cours du pèlerinage qui donne encore lieu de nos jours à de nombreuses cérémonies.

Notre-Dame la Noire, basilique de la Daurade (Toulouse)
Depuis des siècles, les pieuses Toulousaines en attente d’enfant invoquent Notre-Dame la Noire, et se ceinturent d’un modeste ruban de satin en demandant par ce geste la protection de Marie au cours de leur grossesse et de leur délivrance. Ce ruban-ceinture est long de 115 à 120 cm, large de 15 cm, il est en satin blanc. À l’une de ses extrémités, en impression encrée, se trouve l’image de Notre-Dame la Noire entourée de l’inscription « Basilique la daurade Toulouse ». Dans l’enveloppe qui contient la ceinture on trouve aussi le texte d’un bref exposé sur la dévotion, suivie d’une présentation du chapelet avec les « mystères » qui en accompagnent la méditation. Une invitation à prier et une modeste médaille de la Vierge entourée de l’inscription Notre-Dame la Noire s’ajoutent à ces supports.

Sainte-Radegonde à Franchesse (Allier)
Princesse née vers 518 à Erfurt en Allemagne, décédée à Poitiers en 587, reine et moniale, sainte Radegonde est la fondatrice du monas- tère Sainte-Croix. Elle est fêtée le 13 août et le 28 février sous le nom de Sainte-Radegonde d’hiver. « Les quelques pèlerins du voisinage laissaient des rubans et des fleurs devant la statue de la Sainte et faisaient des neuvaines pour obtenir la guérison de diverses maladies.» (GAGNON Camille, Le Folklore bourbonnais, rééd., Roanne, Horvath, 1979, tome 2, p. 89.)

La croix de Saint-Léonard, à Bacqueville-en-Caux (Seine-Maritime)
Cette croix est recouverte de rubans de tissu. La tradition veut qu’une prière soit faite, ou un rituel effectué puis une offrande déposée. Par exemple, faire le tour du calvaire avec un enfant dans les bras puis déposer une de ses chaussures (une seule pour éviter le vol de la paire !) ou un ruban, apporte la promesse que l’enfant marchera dans l’année.

Saint-Firmin-des-Prés (hameau Révillon-lez-Vendôme, Loir- et-Cher)
Chaque personne qui a accompli le pèlerinage de dévotion à Saint-Vrain dans le village de Saint-Firmin-des-Prés fait bénir deux rubans, l’un qu’elle place sur la statue du saint et l’autre qu’elle emporte après l’avoir frotté contre la statue (ou le reliquaire avant qu’il ne soit dérobé).

Pèlerinage de Lamirande
Une sainte Marie-Madeleine est exposée à l’église de Soursac. Celle-ci, pour perpétuer le pèlerinage en son honneur à Nauzenac (village englouti par les eaux lors de la construction d’un barrage hydroélectrique), est transportée à Lamirande le 22 juillet de chaque année. Auparavant, elle était revêtue de sept robes superposées sur lesquelles les pèlerins accrochaient des rubans multicolores qui restaient pendant la cérémonie. À la fin, chacun en emportait un morceau, gage de protection de la sainte et souvenir du pèlerinage. Depuis sa restauration en 1996, et pour mieux en apprécier sa beauté, les rubans sont posés sur une table aux pieds de la statue.

 

LES COULEURS DE SAINTE-BAUME

Depuis 1842, les compagnons boulangers peuvent se procurer des imitations des couleurs dites de Sainte-Baume grâce à la fabrication des compagnons tisseurs-ferrandiniers du Devoir de Saint-Étienne. C’est en 1860, qu’apparaissent les vraies couleurs de la Sainte-Baume chez les compagnons boulangers.

Différents modèles de couleurs de la Sainte-Baume.

Dans la constitution octroyée par les compagnons tondeurs de draps, cordonniers, et blanchers-chamoiseurs, il est prévu à l’article 10 ce qui suit :

Les compagnons boulangers du Devoir porteront leurs couleurs à la deuxième boutonnière de gauche de l’habit ou de la redingote. Elles sont au nombre de cinq: rouge, blanc, vert, bleu, jaune. Ils s’engagent en outre à donner à leurs nouveaux reçus deux couleurs, rouge et bleu, de Sainte-Baume ou imitation.

Ces couleurs de Sainte-Baume sont celles vendues par Félix Hotin à Saint- Maximin (sur place ou par correspondance) tandis que les imitations sont celles confectionnées par les compagnons tisseurs-ferrandiniers du Devoir de Saint-Étienne à partir de 1842.

Un changement aura lieu ultérieurement, une seule couleur sera remise aux nouveaux compagnons, couleur correspondant à leur date de réception ( la couleur bleue aux compagnons reçus à Pâques, la blanche à la Saint-Honoré, la rouge à l’Assomption, la jaune à la Toussaint, et la verte à Noël ). Nous ignorons à ce jour quand cette pratique fut mise en place et quelle en était la raison. Peut-être une pénurie de couleurs sur le Tour de France vers la fin du XIXe siècle ?

Les jeunes compagnons portent cette couleur remise le jour de leur réception, mais cherchent généralement à compléter leur « jeu », suivant leurs possibilités financières. Ils pouvaient s’en procurer chez la Mère ou chez un compagnon chargé de les vendre à l’ensemble des dévoirants de la ville, ou tout simplement dans des commerces spécialisés dans les objets compagnonniques – couleurs, boucles d’oreilles, épingles de cravate – dont l’adresse est communiquée dans la presse compagnonnique à partir de 1880.

Il y a d’autres façons, pas très orthodoxes il est vrai, de se procurer ses couleurs manquantes : à La Rochelle, en 1852, André Bru, Nivernais Franc Cœur, est exclu pendant deux ans et condamné à passer cinq tours d’épreuves, pour avoir volé un jeu de couleurs dans la Cayenne.

Derey Baptiste, Bourguignon l’Ami du Devoir, déjà exclu en 1867 pour une période de dix ans pour vol à la cayenne de Troyes et remis en règle par la Cayenne de Dijon, récidive en volant un jeu de couleurs et d’effets et en diffamant la société. Il est exclu à vie par la cayenne de Rochefort.

La couleur de réception était portée, pliée en deux, les autres se plaçant à l’intérieur de celle-ci, ce qui avait pour conséquence que cette couleur était à la fois la première visible et celle la plus proche du cœur.

Ce port des couleurs à la boutonnière est pratiqué jusqu’en 1947, et non en 1941, à la création de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir (A.O.C.D.D ), comme on pourrait le croire. En effet, ce n’est qu’en 1946, lors de leur congrès de Nîmes, que les compagnons boulangers et pâtissiers votent leur adhésion à l’A.O.C.D.D.

Ils continuèrent donc, jusqu’en 1947, à recevoir selon les anciens rites. Les compagnons boulangers et pâtissiers adoptèrent la nouvelle couleur de velours mise en place au sein de l’A.O.C.D.D, portée en écharpe, avec symboles marqués aux fers chauds lors de l’adoption et de la réception.

Le dernier compagnon boulanger, à recevoir ce type de couleur lors de sa réception, fut le compagnon Pierre Belloc, Bordelais l’Inviolable en 1947 à Tours.

Nous retrouvons au sein de l’A.O.C.D.D., les cinq couleurs symboliques, mais d’une façon différente, chaque famille professionnelle portant une couleur : famille du cuir, vert ; les métiers du feu, rouge ; ceux de la pierre, blanc ; ceux du bois, bleu; et ceux de l’alimentation, jaune. Y a-t-il une couleur plus adaptée aux compagnons boulangers ? Je ne le pense pas, jaune comme le blé bien mûr, jaune comme la mie de pain, souple et onctueuse qui vient nourrir aussi bien les plus grands de ce monde que le plus simple et le plus humble des ouvriers, jaune comme un symbole de persévérance, cher aux compagnons boulangers et pâtissiers.

Les compagnons boulangers et pâtissiers en 1947, pour ne pas oublier ces cinq couleurs, avaient décidé de conserver trois d’entre elles, qui sont attribués comme signe distinctif aux hommes en place, blanche pour le premier en ville (PEV), verte pour le second en ville (SEV) et rouge pour le rouleur. Ils avaient justifié cette décision, en écrivant ceci :
« Nous n’avons aucune raison d’abandonner cette coutume qui est très ancienne. La signification de nos anciennes Couleurs est reliée à la source, alors que les nouvelles n’y ont aucune référence.
Les reléguer aux antiquités serait amorcer une glissade vers l’abandon d’un patrimoine qui nous fut confié en 1811 et que nous avons su conserver intégralement. »

Il a été décidé lors de la fondation de la Société des Compagnons Boulangers, Pâtissiers Restés Fidèles Au Devoir, le 16 mai 2011, de reprendre les couleurs originelles, une couleur verte unie brodée d’un épi de blé, portée à la boutonnière, est remise à l’aspirant lors de son adoption et les cinq couleurs originelles sont remises aux nouveaux compagnons reçus.

Dans le paysage compagnonnique contemporain, les sociétés qui portent des couleurs à la boutonnière sont :
– Les Menuisiers et Serruriers du Devoir de Liberté (Fédération des compagnons du tour de France)
– Les Peintres Vitraillistes du Devoir (Fédération des compagnons du tour de France)
– Les Boulangers, Pâtissiers restés fidèles au Devoir (Fédération des compagnons du tour de France).
– La Fraternité compagnonnique des Anciens Devoirs.

 

Quelles sont les représentations figurant sur les couleurs ?

Sous une banderole portant l’inscription Noli me tangere, une corbeille contenant sept fruits, surmontée d’une couronne de douze fleurs, ayant en son sommet les initiales J. et B.. Il s’agit peut-être des initiales du nom et du prénom du fabricant de couleurs, comme nous le dit Laurent Bastard dans Fragments d’histoire du compagnonnage numéro 12, page 20 : « À en croire ce compagnon – J. Philip, Provençal Cœur Humain– qui semblait bien renseigné, car natif de la région, les- Frères Beillon furent les premiers détenteurs de la machine à frapper les rubans […] J’avais pensé y trouver l’explication des initiales J. (D ?) et B. figurant sur l’un des motifs des rubans (il n’est pas certain de lire un D. entre le J. et le B., mais peut-être plutôt un signe de liaison. Ce B. serait l’initiale de Beillon et le monogramme constituerait une marque de fabrique familiale. »

La couronne peut symboliser ce qui est au-dessus de l’homme, mais aussi en dessous de lui ; en marquant aussi les limites qui en tout autre que lui séparent le terrestre du céleste, l’humain du divin. La cou- ronne est également dans la religion catholique une promesse de vie éternelle.

Marie-Madeleine, près du tombeau reconnaissant Jésus sous les traits d’un jardinier (Passage de l’évangiles selon Saint Jean, XX, 15.), lui dit « Rabbouni » c’est-à-dire « Maître », et Jésus lui répond : Noli me tangere qui signifie Ne me touche pas, car je ne suis pas encore monté vers mon père. Mais va trouver mes frères et dis leur que je monte vers mon père et votre père, vers mon Dieu et votre Dieu (on traduit aussi Noli me tangere par Ne me retiens pas).»

Le divin jardinier symbolise la séparation des bonnes plantes et des mauvaises herbes. Il plante et aide le bourgeon à éclore, fleurir et devenir fruit. Il laboure, trie le grain, le met en terre pour qu’il se putréfie, d’où naîtra le germe, et renaissant, la plante fleurira et se multipliera, d’où l’image de l’homme responsable devant sa race. Sur la gauche : un tronc d’arbre mort d’où renaissent de jeunes pousses à son sommet, symbole de mort et de résurrection.

« Une corbeille d’osier tressé, de laquelle sortent trois rubans, un miroir carré, une raquette, un masque, surmontés de trois fleurs, un œillet, une rose et un lys. Les objets et les fleurs symbolisent les « vanités » du monde, les plaisirs et beautés éphémères. Les fleurs peuvent aussi, a contrario, exprimer les vertus d’amour spirituel, de pureté et d’énergie.

Marie-Madeleine, avec ses très longs cheveux, est agenouillée, priant les mains jointes, la tête auréolée, entourée de quatre anges, qui symbolisent le transport de la sainte au lieu appelé ensuite Saint- Maximin. On tient aussi par tradition, qu’elle était transportée chaque jour par les anges au sommet du Saint-Pilon.

Une coupe, de laquelle jaillit le cœur flamboyant de sept flammes, sur laquelle est inscrit le monogramme IHS (Iesus Hominum Salvator – Jésus sauveur des hommes), entouré de sept fleurs.

Marie-Madeleine, en pénitence dans la grotte, priant devant un livre ouvert, une tête de mort et une croix, les rayons de la grâce l’illuminant. La tête de mort rappelle le cycle initiatique de la mort corporelle, prélude de la renaissance à un niveau de vie supérieur.

 

Nous observons quelques différences entre les trois couleurs présentées ci-dessus, ce qui nous permet d’affirmer qu’il existait plusieurs rouleaux à gaufrer les couleurs.

Le compagnon Lambert, Provençal la Fidélité, en donne l’explication lors d’une conférence au musée du Compagnonnage de Tours et publiée dans Fragments d’histoire du Compagnonnage.

En résumé, celui-ci nous explique que les rouleaux à gaufrer les couleurs de Sainte-Baume se trouvaient à Saint-Maximin, depuis une période sûrement antérieure à la révolution de 1789.

 

Extrait du livre de compte de Félix Hotin, première mention d’un envoi de couleurs à un compagnon boulanger du Devoir : Le 2 mai 1862, j’ai expédié à M. Constant Boutin, cinq grandes couleurs pour la somme de 25 f que j’ai reçu, à Paris rue du Temple n°96. Constant Boutin, Saumur Plein d’Honneur, compagnon très actif au niveau national et au sein de la cayenne de Paris.

 

En 1842, les compagnons tisseurs-ferrandiniers de Saint-Étienne décident de leur propre chef de frapper eux-mêmes des couleurs identiques à celles de la Sainte-Baume, en réponse aux refus des différents corps d’état de les reconnaître.

Ces couleurs se répandent sur tout le Tour de France, et bien sûr en priorité chez les compagnonnages non reconnus, dont font partie les boulangers et les cordonniers.

Mais les couleurs de la Sainte-Baume, sont-elles des couleurs compagnonniques au sens contemporain du terme ?

Ne sont-elles pas plutôt des rubans dont la fonction est simplement religieuse, comme nous l’avons suggéré dans le paragraphe précédent ?

 

– Couleur de compagnon boulanger sur laquelle sont apposés les cachets de Félix Hotin et de la Cayenne des compagnons boulangers du Devoir de Nantes, coll. J. Philippon.

Mr Laurent Bastard enrichi nos connaissances à ce sujet en 2014 :
« Après la Révolution, c’est bien un (compagnon ?) charron nommé Félix Hotin, qui commence à commercialiser vers 1815-1820 les rubans dits « couleurs de Sainte-Baume » auprès des compagnons du Devoir. Le fait qu’il ait épousé la fille d’un tailleur d’habit qui vendait des objets de piété à Saint-Maximin permet d’émettre l’hypothèse qu’Hotin a recueilli puis « recyclé » la machine à rubans religieux de son beau-père pour lui faire produire les mêmes rubans, mais destinés désormais aux « vrais » compagnons du Devoir.

Les successeurs de Hotin furent deux compagnons tourneurs du Devoir : Pierre AUDEBAUD, Saintonge la Fidélité (1825-1904) et son fils Louis Octave, Provençal la Fidélité (1857-1922). Et c’est Pierre AUDEBAUD qui créa, à la suite d’Hotin, vers 1865, un nouveau modèle de couleurs, avec des figures différentes des précédentes.

Il associa aux images religieuses de Marie-Madeleine en pénitence et rencontrant le Christ, des motifs cette fois-ci de nature compagnonnique : Le compas et l’équerre, le chien fidèle et le temple. Ces couleurs se sont perpétuées jusqu’à nos jours, avec de petites variantes. Ce sont elles, par leurs motifs, qui présentent un caractère compagnonnique réél, les précédentes étant ornées de figures exclusivement religieuses qui laissent penser qu’elles étaient uniquement destinées avant la Révolution aux nombreux pèlerins qui se rendaient à St-Maximin et à la Ste-Baume. »

Extrait du livre « Le Pain des Compagnons » L’histoire des compagnons boulangers et pâtissiers

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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