Tatouage

Le tatouage était utilisé par les compagnons du tour de France, mais nous n’avons guère de traces des motifs représentés. Un très beau tatouage se trouvait il y a quelques années au musée de l’Homme à Paris, il s’agissait d’un carré de peau parcheminée orné d’un blason de compagnon charpentier.
Agricol Perdiguier nous dit, dans ses Mémoires d’un compagnon, que les maréchaux-ferrants sont des adeptes du tatouage « sur le torse et les avant-bras ».

Voici quelques lignes de Calendal, écrites par Frédéric Mistral, relatant une rixe dans le massif de la Sainte-Baume :

On y voyait avec la face morne

Qui avait perdu, sanglant affront,

L’oreille et le pendant : ils grognaient à l’écart

En brandissant l’arme homicide

Beaucoup aussi en couleur bleue

Sur leurs bras nus à l’aiguille piqués

Mystérieusement avaient des signes peints.

 

Ne perdons pas de vue qu’au XIXe siècle, le tatouage est très répandu dans le milieu du voyage (marins), carcéral (jusqu’en 1840, lieu assez fréquenté par les compagnons !) et les armées d’Afrique (de nombreux compagnons servaient sous les drapeaux des colonies).

Dans les registres des prisonniers de la Grande Roquette à Paris en 1842, est enregistré un détenu compagnon charpentier, ayant sur le bras droit tatoué : « Vive les compagnons charpentiers, à mort les boulangers, vive Sicard ».

Il ne m’a pas encore été possible à ce jour d’identifier ce Sicard, peut-être un héros sanguinaire de son compagnonnage ?

Tatouage d’un compagnon pâtissier, 1997. >

En 1852, le compagnon boulanger du Devoir Toussaint Jean Morin, Rennois la tendresse, est condamné à trois mois de prison pour vol, nous trouvons sur le registre d’écrou de la prison de Tours lors de son enregistrement :
« Signe particulier, tatoué sur le bras gauche, St Honoré et les outils de boulangers, sur le bras droit, un compagnon.» *

* AD 37, cote 2 Y 259, n° d’écrou 1025. Né le 4 novembre 1823 à La Guerche (35), reçu compagnon boulanger du Devoir à Orléans à l’Assomption 1846.

 

< Tatouage d’un compagnon boulanger, 2009.

En 1910, c’est Louis Billion, Champagne Plein d’Honneur, qui est tatoué, mais qui verse, lui, dans le romantisme.

Au bras gauche « Qui m’aime », à l’avant-bras gauche un mousquetaire et sur le bras droit deux fleurs croisées.

Mon arrière-grand-père Espérance Eugène Bourcier (1876- 1914) qui avait servi dans les armées d’Afrique lors de son service militaire avait tatoué sur le dos un lion couché sous un palmier, la légende familiale rapporte qu’ayant trouvé la mort le 26 septembre 1914 à Vaulx-Vraucourt (62) – décapité par un éclat d’obus – il aurait été identifié grâce au tatouage.

 

De nos jours, le tatouage est devenu une mode et n’est plus réservé aux marginaux, mais avec un sens bien différent.

En effet, à cette époque, il représentait une appartenance ou une période très importante de la vie de celui qui l’avait gravé sur le corps.

Tatouage d’un compagnon boulanger, 2019. >

Aujourd’hui, ce sont des motifs de décorations, d’ornements, utilisés par toutes les couches de la société, de la même façon qu’est porté un bijou, un vêtement, ou tout autre accessoire qui permet de mettre le corps en valeur.

Avec cette démocratisation actuelle du tatouage, nous retrouvons, tout de même, à nouveau des symboles compagnonniques dessinés sur la peau de quelques compagnons du tour de France, représentant leur appartenance, mais cela reste une véritable minorité.

 

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D. Extrait du livre  LE PAIN DES COMPAGNONS

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