Tain, le pain des soldats serbes – symbole et salvation.
Pendant la Première guerre mondiale, l’armée serbe était confrontée à de nombreux malheurs, dont le plus difficile était la famine, très présente pendant le retrait à travers l’Albanie. La pénurie de la nourriture et avant tout du pain était le plus grand ennemi des combattants serbes, devant lequel de nombreux ont succombé, restant impuissants et enterrés dans la terre étrangère.
Cependant, à cette époque, de même qu’avant et après, le pain était non pas seulement l’aliment principal, mais aussi un symbole multiple à significations diverses. Le pain symbolisait le rattachement spirituel entre les membres d’une famille, de leurs ancêtres jusqu’aux descendants, il était l’indice de la force éthique, et, le plus important, le symbole de la survie et de la victoire de la vie sur la mort. Un tel rapport envers le pain, la nourriture fondamentale et la plus saine, comme le croyaient les Serbes, l’a rendu objet de vénération particulière, en tant que protecteur de tout homme de sa naissance jusqu’à sa mort.
Le „tain“, pain militaire avec lequel se nourrissaient les soldats serbes pendant la Première guerre mondiale, avait toutes ces caractéristiques. Son nom provient de la langue turque, où le mot „tain“ signifie portion ou la nourriture prescrite et obligatoire pour les soldats. C’était un pain de bonne qualité, préparé avec 30% de farine de blé et 70% de farine de seigle, du sel et de l’eau. Il était souvent azyme ou l’on y ajoutait parfois la levure traditionnelle – komlov. Selon les critères militaires, qui étaient à l’époque en vigueur dans l’armée serbe, chaque soldat devait obtenir deux tains, soit un kilogramme de pain, tandis que le reste de la nourriture dépendait des circonstances. Il est intéressant de noter que la portion de pain militaire chez les Serbes pendant la Première guerre mondiale était plus grande que celle des Allemands, dont le soldat obtenait 750 grammes, ou des Français, qui prenaient 800 grammes chacun.
Tain était très important pour l’armée serbe, notamment dans les phases ultérieures de la guerre, lorsqu’il avait de moins de moins de nourriture et lorsque le pain est resté le seul moyen pour survivre. Chaque distribution du pain militaire semblait comme un acte sacré et en raison de la pénurie, le pain était distribué comme pour la communion, pour durer autant de jours que possible. Les soldats serbes qui se retiraient à travers l’Albanie disaient qu’ils mangeaient et partageaient avec les autres le pain en miettes, qui leur sauvaient la vie.
Il existe de nombreux témoignages qui confirment le respect énorme du pain chez les Serbes, en tant que protecteur de la vie dans un sens supérieur. Ainsi aujourd’hui encore, dans le sud de la Serbie, on se souvient de l’histoire du soldat Aleksa Zdravkovic de Pirot, qui a participé dans toutes les trois guerres entre 1912 et 1918. Pendant huit ans, respectant le vœu de sa mère, il portait sur lui sa première potion de pain, comme une amulette. Aleksa a évité de nombreux malheurs et dangers pendant les longues années de guerre et il croyait qu’il avait survécu grâce au tain, qui avait obtenu un pouvoir divin, protecteur, par la volonté et le souhait de sa mère. Le tain d’Aleksa Zdravkovic est gardé aujourd’hui encore dans le Musée de la région de Nisava à Pirot, comme symbole de la puissance et de l’indestructibilité non pas seulement d’un homme, mais du peuple serbe entier.
Auteur Olivera Milovanovic, publié sur Radio Serbie Internationale.