Jetons Boulangerie Société de Consommation de l’Est
À Chalons sur Marne. (51-Marne)
CREBESC – 47 – Collection Jean-Claude THIERRY.
21mm. Cuivre. Hexagonal. STE/DE/CONS/DE/L’EST/A/CHALONS*BOULANGERIE. Au centre, dans un cercle : 5c/. L’ensemble est dans un grènetis. L’avers et le revers sont identiques. (Inédit Elie).
Source : Archives de la Marne
« Certains patrons mettent en place des systèmes qui pallient, au moins en partie, la faiblesse des salaires : distribution chez Moët et Chandon à Épernay de bons de denrées alimentaires utilisables dans plusieurs commerces ; création d’une boulangerie en 1898 par la Société coopérative des Chemins de Fer de l’Est à Épernay et Châlons où les clients acquittent leurs achats avec des jetons ».
Collection privée – 21.5mm.
Collection privée – En 2c (26mm) ; 5c, (21mm) ; 10c, (22mm) ; 1F, (22mm). Elie 30.1 à 30.5
Collection privée – Ovale en 5F, 18 x 24 mm. Elie 30.6 et 30.7. Agrandi 2 fois.
Collection privée – 26mm. En 2 F. contremarqué. Elie 30.8. Agrandi 2 fois.
La Société Coopérative des Employés de l’Est est fondée en 1882, son siège Sociale est basé à la Gare de Chaumont, elle comprend 365 Sociétaires et réalise un chiffre d’affaires de 185.000 francs, la Boulangerie voit le jour en 1898.
Un siècle d’avancées sociales dans la Marne, 1850-1950
1 – Introduction
2 – Des cités pour les ouvriers
3 – Les cités-jardins
4 – Les sociétés de consommation
5 – Les jardins familiaux
6 – Les sociétés de secours mutuels
7 – Hygiénisme et santé
8 – La prise en charge de l’enfance
9 – S’instruire hors l’école : cours gratuits, conférences, voyages…
10 – Développement de l’enseignement professionnel
11 – Vers une société de loisirs
12 – Parcs publics : entre loisirs en santé
13 – Léon Harmel
14 – Remerciements
1 – Introduction :
Après avoir reposé durant des siècles sur l’agriculture et l’artisanat, l’économie française s’installe au cours du XIXe siècle dans l’ère industrielle. Les conséquences sociales de ces mutations économiques sont d’une ampleur jusqu’alors inconnue. Ainsi, le passage d’une industrie familiale à une grande industrie manufacturière, à Reims notamment, l’émergence de puissantes maisons de négoce de vins de champagne, pour ne citer que ces deux exemples, traduisent un formidable essor des moyens de production qui modifie la condition de l’ouvrier.
Passer de la campagne à la ville, de l’atelier à l’usine, c’est, pour les uns, s’éloigner de la terre nourricière, rompre avec le village et sa communauté protectrice, c’est pour les autres, s’éloigner de sa famille durant la journée, se priver d’un apprentissage familial, en un mot « s’exposer », alors que rien ou presque n’a été prévu quant aux besoins fondamentaux : se loger et se nourrir, se protéger et se soigner, s’instruire et se divertir.
Face à ces besoins, l’État semble alors indifférent. La législation sociale en France prend du retard sur les pays voisins. Sur qui les Marnais confrontés à la misère peuvent-ils compter durant ce siècle de transformations ? Quelques noms, quelques réalisations s’imposent spontanément : l’hôpital Auban-Moët à Épernay, la cité du Chemin Vert de Georges Charbonneaux à Reims, et surtout Léon Harmel, figure du catholicisme social, et son œuvre au Val-des-Bois, à Warmeriville.
D’autres personnalités moins connues, comme Martin Massez à Courtisols ou Maurice Denonvilliers à Sermaize-les-Bains méritent de figurer parmi les bienfaiteurs, philanthropes, mécènes qui ne sont pas restés insensibles à la misère de leur temps. Mais c’est aussi par eux-mêmes, à partir du moment où le législateur leur en a donné la possibilité, que les contemporains ont réussi, grâce à la solidarité et à l’esprit d’association, à faire naître des sociétés mutuelles et autres coopératives destinées à soulager une existence difficile pour le plus grand nombre.
Relayées par des municipalités ou des institutions comme l’École, épaulées par des donateurs anonymes ou qui le sont restés même si leurs noms figurent sur les listes des nombreuses structures qui virent le jour un peu partout dans le département, ces initiatives, modestes, n’ont pas laissé de traces « patrimoniales » autres que celles conservées dans la mémoire collective ou les documents d’archives. En tout cas, ces exemples témoignent que les Marnais, au-delà du travail, surent être généreux en ces temps d’existence précaire.
2 – Des Cités pour les ouvriers
Au XIXe siècle la Marne s’industrialise partiellement et s’urbanise de façon inégale sous l’effet de l’exode rural. Si les arrondissements ruraux de Sainte-Menehould et Vitry-le-François déclinent, ceux de Châlons-sur-Marne, Épernay et Reims se développent grâce aux industries, notamment lainières, verrières et viticoles. D’après des enquêtes réalisées entre 1896 et 1902 il ressort qu’il n’y a guère plus d’une centaine de logements à Châlons pour les ouvriers des brasseries et du chemin de fer, 71 à Vitry pour ceux des minoteries, briqueteries et tuileries.
À Reims les quartiers ouvriers des faubourgs de Laon, Clairmarais, Neufchâtel, etc. se sont développés sans plan d’ensemble et sans se soucier de salubrité. Plusieurs actions sont cependant entreprises pour créer des habitations à bon marché, par l’Union foncière, société mutuelle pour la propriété créée à Reims en 1870 pour favoriser l’accession à la propriété, ou par la Société anonyme rémoise pour l’amélioration des logements à bon marché, créée en 1882 pour construire puis louer en ville des logements aux ouvriers, ou bien encore par Gilardoni frères à Pargny-sur-Saulx ou Gustave Jémot à Épernay par exemple.
De leur côté, certains patrons créent des cités ouvrières : entre 1 000 et 1 200 logements en 1900 dont près de la moitié pour les verreries de Reims, La Neuvillette, Courcy et Loivre, ainsi que pour les industries de la vallée de la Suippe. L’habitat est collectif, mais plus souvent individuel, composé de deux à quatre pièces, les toilettes et les fontaines à eau étant communes. Moët et Chandon fait construire 140 maisons d’ouvriers vignerons dans cinq localités du vignoble de 1870 à 1890, soit beaucoup plus que les autres maisons de champagne. Procédant d’initiatives personnelles plus que collectives, ces réalisations témoignent de l’impérieux besoin en matière de logement.
3 – Les cités jardins
Georges Charbonneaux, fondateur du Foyer rémois, lance, en 1919, l’aménagement de la cité-jardin du Chemin Vert à Reims d’après un concept mis au point par l’Anglais Ebenezer Howard entre 1898 et 1900.
Avec ses 600 logements et 3 700 habitants en 1924 cette cité, édifiée sur les plans de Jean Marcel Auburtin, en est l’application rémoise la plus réussie : des magasins d’alimentation répartis sur deux îlots, une boulangerie et une boucherie fournissant des produits meilleur marché grâce à une subvention du Foyer rémois ; la maison commune – centre d’éducation et de loisirs pour les familles avec salle des fêtes de 500 places, cercle réservé aux hommes, école ménagère, bibliothèque, bains-douches, gymnase ; la Maison de l’enfance avec une crèche, une garderie, des consultations prénatales et de nourrissons, un service de la « goutte de lait » assurant la distribution de lait stérile pour les bébés ; une école.
Un jardin rue Lanson et un terrain de sport complètent la cité dans les années 1930. Le principe hygiéniste « air-lumière-soleil » préside à la construction des logements, dotés de larges ouvertures. Avec trois chambres au minimum, les maisons sont équipées d’un porche, d’une buanderie, de toilettes, de l’eau courante et de l’électricité, éléments d’un confort jusque-là réservé aux catégories sociales supérieures. Un jardin jouxte chaque maison avec remise, poulailler et clapier.
D’autres cités-jardins sont aménagées à Reims et Pontfaverger dans les années 1920 et 1930 par le Foyer rémois et d’autres organismes privés. Malgré son succès, ce concept est abandonné après 1950, les grands immeubles collectifs étant alors considérés comme la seule solution à l’ampleur de la demande en logement.
4 – Les sociétés coopératives de consommation
Les sociétés coopératives de consommation sont l’une des réponses au défi alimentaire quotidien. Acheter en gros afin de baisser le prix du « vivre », améliorer la qualité des produits, obliger le paiement au comptant, tels en sont les principes de base.
En 1866 Étienne Lesage fonde les Établissements économiques des sociétés mutuelles de la ville de Reims, la première société de ce type. Ils vendent bon et à bon marché dans des succursales ou points de vente accessibles initialement uniquement aux membres d’une société mutuelle, puis ouverts à tous les clients. Forts de près de quarante succursales vers 1900, « les Écos », dont le statut évolue, parviennent néanmoins à conserver l’image d’une société philanthropique d’alimentation censée redistribuer aux adhérents, en fin d’année, les bénéfices réalisés.
Le succès de l’entreprise suscite d’autres expériences : Les Docks rémois créés en 1888 qui firent de Reims une des capitales du succursalisme en France ; la Société économique de Notre-Dame de l’Usine et de l’Atelier en 1891, La Laborieuse en 1894, Le Peuple, boulangerie coopérative, en 1897, la Société coopérative châlonnaise de consommation en 1913…
Parallèlement, certains patrons mettent en place des systèmes qui pallient, au moins en partie, la faiblesse des salaires : distribution chez Moët et Chandon à Épernay de bons de denrées alimentaires utilisables dans plusieurs commerces ; création d’une boulangerie en 1898 par la Société coopérative des Chemins de Fer de l’Est à Épernay et Châlons où les clients acquittent leurs achats avec des jetons.
À défaut d’avoir donné naissance à des coopératives de production, inexistantes dans le département, l’esprit d’association, encouragé par la loi de 1884 sur les syndicats, s’est concrétisé à travers ces coopératives de consommation qui surent, pour la plupart, s’ouvrir à tous afin d’assurer leur succès.
5 – Les jardins familiaux
Les jardins ouvriers et familiaux sont une autre façon de relever le défi alimentaire. Alors qu’à la campagne l’entretien d’un potager et d’une basse-cour fait partie intégrante de la vie quotidienne, en ville, coupés de leurs racines paysannes, les citadins n’ont plus de contacts avec la terre, même si les alignements de maisons des cités ouvrières masquent des jardinets permettant une modeste production de légumes.
L’Œuvre rémoise des jardins ouvriers est fondée en 1898 par Marie Changeux-Heidsieck, dans un but économique, social et moral. Productrice d’une partie de sa nourriture, la famille apprend à vivre sans subsides et, tandis que l’ouvrier se détourne du cabaret et ses enfants de la rue, l’amour commun de la terre contribue au rapprochement des générations. Parés de toutes les vertus les jardins ouvriers se multiplient rapidement grâce à des initiatives privées et publiques.
En 1899 le conseil municipal de Reims crée une commission chargée des jardins ouvriers municipaux. La Ville met à disposition des familles remplissant certaines conditions de nationalité, ressources et mode de vie, plusieurs groupes de jardins. À Châlons, la Société des jardins ouvriers regroupe 464 jardins en 1939. Quant à l’intérêt de cette œuvre, on estime dans les années 1900 qu’un jardin peut rapporter 100 F par an, soit un peu moins d’un mois de salaire d’un ouvrier textile.
6 – Les sociétés de secours mutuels
À défaut d’un système généralisé de protection sociale, les sociétés de secours mutuels, qui se multiplient légalement avec le décret du 26 mars 1852, offrent des réponses ponctuelles en cas de maladie et face à la vieillesse.
Certaines fonctionnent pour une ville, telle l’Association de secours mutuels des hommes de Châlons, Fagnières et Saint-Memmie fondée en 1850, d’autres sont réservées aux employés d’une entreprise comme la Société de secours mutuels des ateliers des chemins de fer de l’Est à Épernay créée en 1856, ou sont d’origine patronale, ainsi la Caisse de Secours et de Retraite des Usines Saint-Hubert, usine d’optique de Sézanne.
Elles donnent des soins médicaux, prennent en charge les frais pharmaceutiques, versent une indemnité durant la maladie, une partie des frais funéraires et des secours extraordinaires à la veuve et aux orphelins. Certaines prévoient également le versement d’une pension à un âge qui varie de 55 à 70 ans, après au moins quinze années de cotisations (les Verriers et similaires de Reims par exemple), le plus souvent après quarante années. Mais en général cette fonction ressortit à des sociétés distinctes, comme la Société mutuelle de prévoyance pour la retraite initiée par É. Lesage à Reims ou les caisses de certaines maisons de champagne (Vve Pommery, G. H. Mumm ou encore Moët et Chandon).
En 1900 on recense 125 sociétés dans la Marne dont 49 à Reims, ce qui induit un émiettement préjudiciable. Vingt ans plus tard, les difficultés financières et le renouvellement insuffisant des adhésions semblent imposer une réorganisation du système.
7 – Hygiénisme et santé
Grâce à une propagande importante et à des initiatives privées et publiques, l’hygiène et la propreté pénètrent dans la maison au XXe siècle, sous l’impulsion de médecins inspirés par les théories de Louis Pasteur. La médecine fait alors des progrès considérables et s’organise par la fondation d’hôpitaux publics et privés dont le champ d’intervention s’élargit.
Les principaux fléaux du mode de vie citadin sont attribués à la saleté et aux mauvaises odeurs, individuelles et collectives, dues à l’insalubrité de certains faubourgs. Pour y remédier, les équipements d’adduction d’eau potable et d’assainissement sont lentement mis en place par les Villes, qui ouvrent en outre des bains et lavoirs publics à prix abordable. Les règles d’hygiène sont diffusées par l’École, des cours ménagers – ceux de la cité du Chemin Vert à Reims par exemple – et toute une littérature pédagogique.
Parallèlement, l’hôpital reçoit la mission d’assistance publique par la loi du 7 août 1851. Les initiatives privées de quelques généreux donateurs renforcent ce développement : ainsi l’hospice Roederer-Boisseau créé à Reims en 1899 grâce à un don de Marie-Louise Roederer-Boisseau. L’hôpital-hospice Auban-Moët est construit à Epernay entre 1887 et 1893 grâce à une donation de 1 600 000 F de Camille-Victor Auban et Sidonie Rachel Moët.
Cité en exemple à maintes reprises cet hôpital est composé de pavillons indépendants où sont répartis les différents services, selon les principes les plus novateurs au moment de son ouverture. Se soigner reste cependant cher.
8 – La prise en charge de l’enfance
De nombreuses œuvres et initiatives nouvelles permettent une prise en charge et une protection de l’enfance, ainsi que l’apprentissage de règles élémentaires d’hygiène. Les crèches doivent libérer les mères qui ont besoin de travailler en assurant aux enfants une sécurité et un encadrement approprié : ainsi celles créées à Reims par la Société protectrice de l’Enfance, fondée en 1877, ou par l’association de la Maison de l’enfance de la cité du Chemin Vert proposant une garderie et des consultations pour nourrissons.
L’attention se porte également sur les enfants fragiles, accueillis dans des structures destinées à améliorer leur santé, essentiellement grâce aux bienfaits du grand air. Des colonies scolaires privées proposent des activités physiques en plein air aux enfants d’ouvriers de santé fragile, comme le fait l’Amicale du boulevard Carteret à Reims, qui emmène chaque jour 50 enfants au Clos Colbert.
L’aspect médical est davantage présent encore dans le mouvement des écoles de plein air. À l’origine de ces écoles, créées en premier lieu pour les enfants pré-tuberculeux, on trouve le plus souvent des médecins et des architectes, unis dans la volonté d’associer pédagogie, suivi médical et cadre architectural approprié.
La création d’une telle école à Châlons fédère les bonnes volontés : le bureau de bienfaisance, M. Sipeyre qui donne le terrain, un comité de dames bienfaitrices pour gérer la cantine, etc. Autant d’actions révélatrices d’une volonté commune, de la part des institutions publiques et de bienfaiteurs privés, de protéger les enfants et d’améliorer leurs conditions de vie.
9 – S’instruire hors l’école : cours gratuits, conférences, voyages.
Parallèlement à l’école obligatoire, laïque et gratuite à partir des années 1880, ceux qui souhaitent compléter leurs connaissances dans les disciplines les plus variées peuvent assister à des cours gratuits et des conférences populaires, tels ceux donnés à Châlons par les professeurs du collège municipal ou ailleurs par les instituteurs.
Des « projections lumineuses », collections de vues prêtées par le musée pédagogique ou le comité rémois de la Ligue de l’Enseignement, les rendent plus attrayants. Villes et campagne sont également touchées, même si les résultats varient d’une année sur l’autre, voire d’un secteur l’autre.
Des voyages scolaires sont organisés : excursions de la Ligue de l’Enseignement et voyages récompensant les enfants les plus méritants de l’Œuvre des Voyages scolaires, soucieux d’offrir aux élèves des écoles rurales les mêmes possibilités qu’à ceux des villes. Les municipalités aussi contribuent au financement, telle celle de Sermaize-les-Bains pour un voyage à Genève et Chamonix des élèves reçus au certificat d’études primaires en 1934.
Autre initiative visant à répandre l’instruction en dehors de l’École, mais avec son soutien, l’Université populaire de Châlons (créée par l’inspecteur d’académie de la Marne, J. Payot avec 478 ouvriers sur 564 membres) organise conférences et représentations théâtrales publiques.
En matière d’instruction, le monde de l’Enseignement, soutenu par les communes, paraît conscient de l’immense besoin auquel les institutions, seules, ne peuvent répondre.
10 – Développement de l’enseignement professionnel
Ouvriers et patrons tentent de répondre au besoin de formation professionnelle par les écoles de fabrique, les écoles manuelles d’apprentissage et les cours professionnels, à l’origine d’une élite ouvrière de contremaîtres ou agents de maîtrise.
Les écoles de fabrique sont intégrées à l’entreprise, non sans quelques arrière-pensées de la part de leurs promoteurs, comme Léon Harmel au Val-des-Bois qui y voit le moyen de repérer les bons apprentis, ou Raoul Chandon de Briailles qui crée en 1895 l’école de viticulture de Fort Chabrol pour lutter contre le phylloxéra. Quant à l’École d’apprentissage de la Compagnie des chemins de fer de l’Est à Épernay, avec une cinquantaine d’apprentis recrutés parmi les fils d’agents de la société en 1900, c’est une école professionnelle qui prépare directement aux métiers du rail.
Les écoles manuelles d’apprentissage sont fondées par les municipalités, telle celle annexée au Collège municipal de Châlons ou l’École pratique de Commerce et d’Industrie de Reims. Les écoles ménagères inculquent aux jeunes filles les règles pour tenir leur maison, mais donnent aussi des cours pour devenir couturière, repasseuse ou lingère.
Les cours professionnels relèvent d’associations privées, de syndicats patronaux ou ouvriers comme la Société industrielle de Reims ou l’Union fraternelle des tailleurs à Reims.
Certains patrons, Moët et Chandon par exemple, encouragent leurs ouvriers à suivre régulièrement ces cours d’adultes gratuits dont les frais sont payés en partie par les collectivités, par les cotisations des syndiqués, voire par des subventions du Département ou de l’État.
11 – Vers une société de loisirs
La lente diminution du temps de travail, l’institution du repos hebdomadaire en 1906 et des premiers congés payés en 1936 tendent vers une société de loisirs, tandis que se développe une culture de masse citadine au détriment de celle, traditionnelle, de la campagne.
L’explosion de la presse dans la seconde moitié du XIXe siècle accompagne la multiplication des bibliothèques, sociétés et cercles de lecture d’initiative privée : bibliothèque construite par l’industriel Jonathan Holden à Reims, legs de livres précieux par Raoul Chandon de Briailles à la bibliothèque d’Épernay, bibliothèques paroissiales et roulantes de la Conférence de Saint-Vincent-de-Paul de Châlons, bibliothèques intercommunales roulantes créées en 1910 par l’inspecteur primaire de l’arrondissement de Vitry-le-François.
Vers 1900 le théâtre occupe une place privilégiée dans les loisirs. Les salles de spectacles anciennes (Châlons dès 1770, Épernay en 1810) sont rénovées ou complétées par de nouvelles comme le cirque en dur de Châlons en 1899. L’offre est ainsi très large : représentations des classiques proposées par les universités populaires de Châlons ou de Sainte-Ménehould (créée en 1933-1934), théâtres ambulants et animations de foires… Apparues en 1907 les projections de cinéma ont lieu à partir des années 1920 dans des salles spécialisées, des salles de patronage ou en plein air.
Les associations sportives et musicales se multiplient au XXe siècle, créant de nouvelles sociabilités, au sein d’entreprises (fanfares Moët et Chandon à Épernay ou Léon Harmel à Warmeriville), ou dans les quartiers et villages, tout comme les sociétés de tir, clubs de gymnastique et d’athlétisme, les équipes de football. Les équipements sportifs se développent, souvent à partir d’initiatives personnelles : à Châlons, par exemple, le vélodrome créé par René Lemoine en 1904 ou les « Grands bains de la Marne » dont la Ville reprend l’exploitation à partir de 1936.
12 – Parcs publics : entre loisirs en santé
Dans la seconde moitié du XIXe siècle, influencés par les théories hygiénistes, municipalités et particuliers aménagent des parcs publics où la petite bourgeoisie donne le la. L’eau et la verdure deviennent des antidotes aux médiocres conditions de vie et de travail. À Châlons, le Jard, un des plus anciens parcs publics, réaménagé par la Ville, devient le lieu des fêtes populaires dans la seconde moitié du XIXe siècle, un kiosque à musique y est inauguré en 1885. À l’inverse, à Courtisols, le jardin public est dû à la générosité de Martin Massez (1812-1875), ancien maire et donateur également de la mairie, de l’école et du télégraphe.
Le marquis de Polignac va encore plus loin dans sa démarche en s’inscrivant clairement dans le mouvement hygiéniste. Héritier de la maison de champagne Pommery il confie en 1909 à Édouard Redont, architecte-paysagiste de renom, la conception d’un parc de jeux et de sports pour ses employés, afin de compenser le manque d’air et de lumière dû au travail dans les caves. La pratique d’exercices physiques apparaît comme une solution idéale aux problèmes de santé. Par la suite le parc devient public et les équipements sportifs continuent à y être développés : pistes, terrains de sport, cours de tennis, salle d’escrime, auxquels s’ajoute dès 1913 un collège d’athlètes comprenant gymnase couvert et piscine. Entre œuvre paternaliste et hygiéniste, le parc Pommery reste une création tout à fait atypique.
13 – Léon Harmel
Fortement imprégnée de catholicisme, l’œuvre de Léon Harmel (1829-1915) au Val-des-Bois près de Warmeriville apparaît comme une synthèse de toutes les innovations sociales de la seconde moitié du XIXe siècle.
D’origine belge, les Harmel transforment, en 1841, un ancien moulin à céréales de la vallée de la Suippe en un établissement industriel original, sorte de « béguinage industriel ».
Comme dans une « oasis » de chrétienté et en « Bon Père », Léon Harmel vit parmi ses neuf enfants et ses ouvriers logés dans sept cités modernes.
Pour eux, il prévoit une chapelle, une maison syndicale, un théâtre, une maison de famille offrant des logements et des repas, une boulangerie coopérative, un système d’achat de biens de consommation en commun, un cercle de lecture, un orphelinat, une école et une école ménagère.
Outre une politique salariale généreuse, il innove en créant des allocations familiales, une caisse des économies, une caisse de secours mutuels, des assurances pour les accidents du travail, un conseil d’usine pour les ouvriers préfigurant les comités d’entreprise et le repos dominical.
Avec Bertrand de Mun et René de la Tour du Pin, il est l’un des instigateurs du catholicisme social et milite pour le compagnonnage et une société corporative comme en témoigne son Manuel d’une corporation chrétienne de 1879. C’est aussi un proche de Mgr Langénieux qui a inspiré l’encyclique Rerum novarum. Nombre de réalisations du Val-des-Bois se sont généralisées au XXe siècle.
Remerciements
Exposition réalisée par les Archives départementales de la Marne.
Commissariat : Hélène Carrière et Bertrand Vergé, professeurs du service éducatif ; Ingrid Galand, Manonmani Restif et Isabelle Homer, Archives départementales.
Direction scientifique : Gracia Dorel-Ferré, présidente de l’Association pour le Patrimoine Industriel de Champagne-Ardenne.
Textes : Hélène Carrière, Ingrid Galand, Manonmani Restif, Bertrand Vergé.
Recherches : Hélène Carrière, Joëlle Colas, Ingrid Galand, Bertrand Vergé.
Crédits photographiques : Archives départementales de la Marne, Virginie Aréthens, Mickaël Krzywdziak ; Bibliothèque municipale de Reims.
Conception graphique : Elphège Barthe, Laurence Pelouard, Conseil général de la Marne.
Remerciements : Bibliothèque municipale de Reims ; Ville de Châlons-en-Champagne (archives, musée) ; Ville d’Épernay (archives, musée) ; Service régional de l’Inventaire Champagne-Ardenne ; Archives Moët & Chandon (Madame Véronique Fourreur) ; Messieurs Dominique Lemaire, Jackie Lusse, Daniel Remy, Olivier Rigaud et Christian Vandenbossche.
Source : archives-marne.
Par Jean-Claude THIERRY