Collection privée
30mm, Cuivre, uniface
Avers : plein champ sur six lignes ; LE 19 JANV-R 1871 / LE PAIN / EST RATIONNE A 300 G-ES / PAR PERSONNE / ET 250 G-S POUR LES / ENFANTS.
Siège de Paris de 1870
En 1870, la France est en guerre contre la Prusse et une coalition d’Etats allemands. La défaite est cuisante côté français et, en septembre, Paris est encerclé. Commence alors un long siège pour les Parisiens, qui débouchera sur la proclamation de la Commune de Paris en mars 1871.
Pendant cette période difficile, l’alimentation est une question centrale. Comment nourrir les milliers d’habitants de la ville alors que l’approvisionnement est très compliqué, pour ne pas dire impossible.
Des mesures d’urgence sont prises. Le pain, pilier des repas français, devient très vite une denrée rare dont il faut contrôler la production et la distribution.
Son prix est d’abord fixé par la ville (on parle de « taxe du pain »). Il est ensuite rationné : 300 grammes par jour sont accordés à chaque personne, 250 grammes pour les enfants. La farine des particuliers, lorsqu’elle dépasse cinq kilos, est réquisitionnée. Les boulangeries ne doivent servir que leurs habitués ou les personnes qui peuvent prouver qu’elles habitent le quartier.
Malgré ces mesures, la farine de blé vient à manquer. Il faut alors trouver de nouvelles recettes, la composition et l’aspect du pain (ou plutôt des pains) changent. Les descriptions par les témoins de l’époque sont peu appétissantes : certains sont « gris bleuâtres » et comparés à de la cendre diluée dans de l’eau, d’autres sont jaune terreux ou gris… Leur seul point commun est d’être très mauvais ! Zola le décrit ainsi dans son livre La Débâcle : « Depuis que le blé manquait, le pain, fait de riz et d’avoine, était un pain noir, visqueux, d’une digestion difficile » (Emile Zola, La Débâcle, 1892. Edition Le Livre de poche, p.574).
Si vous voulez tout de même imaginer le goût de ce pain de siège, sachez que différentes recettes sont parvenues jusqu’à nous, grâce à des chroniques ou des mémoires de Parisiens de l’époque. Voici un exemple :
« Une livre de ce pain renferme : un huitième de farine commune de blé, 4 huitièmes d’un mélange de fécule de pomme de terre, de riz, de lentille, de pois cassés, de vesces, d’avoine et de seigle moulus dans des proportions anormales, 2 huitièmes d’eau, 1 huitième de paille et détritus d’enveloppes de grains de légumes. » (Paradis, Jacques-Henri, Journal du siège, par un bourgeois de Paris, 1872, p.769, à consulter sur Gallica) (Musée d’Arts et d’Histoire – Paul Eluard).
Article détaillé : Chronologie du siège de Paris (1870).
Lors de la guerre de 1870, Paris est assiégé et le rationnement est mis en place.
6 octobre 1870 : rationnement de la viande et création des boucheries municipales.
29 et 30 novembre 1870 : les éléphants Castor et Pollux du Jardin des plantes sont abattus et vendus 13 500 francs, chaque, à la boucherie anglaise du boulevard Haussmann, qui écoulait la viande des animaux du Jardin, sous la dénomination de « viande de fantaisie ».
4 décembre 1870 : le quotidien Les Nouvelles publie un menu de circonstance, utilisant toutes les ressources alimentaires dont les Parisiens peuvent encore disposer :
Consommé de cheval au millet
Brochette de foie de chien à la maître d’hôtel
Émincés de râble de chat sauce mayonnaise
Épaule de filet de chien sauce tomate
Civet de chat aux champignons
Côtelettes de chien aux petits pois
Salmis de rats à la Robert
Gigot de chien flanqué de ratons
Plum pudding au jus de moelle de cheval
16 décembre 1870 : les vivres diminuent, la viande qui était rationnée manque totalement, ainsi que le bois et le charbon.
Le gouverneur de Paris ordonne que l’on procède au réquisitionnement des chevaux pour les abattre, et les manger. Les queues s’allongent pour un morceau de pain. On mange du chat, du chien et on chasse le rat.
Menu du 25 décembre 1870 – 99e jour du siège, servi au café Voisin, 261, rue Saint-Honoré. Il s’agit d’un menu de siège dont le prix n’est pas indiqué, reproduit sur l’image ci-après.
31 décembre 1870 : pour fêter son élection en tant que maire du 3e arrondissement de Paris, Théodore-Jacques Bonvalet offre un repas à vingt de ses amis, servi au restaurant Noël Peter’s 95, rue de Richelieu – 24, passage des Princes. Les mets sont composés d’animaux du zoo du Jardin des Plantes.
18 janvier 1871 : le pain, qui constitue alors la base de l’alimentation, est rationné : 300 grammes à 10 centimes pour les adultes, 250 grammes pour les enfants. Ce pain, officiellement, doit ne contenir que du blé, du riz et de l’avoine, mais il est essentiellement fait de paille moisie hachée. Parfois, les municipalités font des distributions de viande séchée, de haricots, d’huile, de café, mais la misère est vraiment terrible dans les quartiers populaires.
8 février 1871 : le maire de Paris, Jules Ferry, prend un arrêté indiquant la fin du rationnement du pain et son prix.
Arrêté du maire de Paris
« Le membre du gouvernement, maire de Paris,
ARRÊTE :
Art.1er. À dater du 10 février, le rationnement du pain cessera d’avoir lieu.
En conséquence, l’arrêté du 18 janvier est rapporté.
Art. 2. Sont également rapportés les arrêtés du maire de Paris, du 3 décembre 1870, limitant les livraisons de la caisse de la boulangerie ; du 12 décembre, défendant la vente des farines ; du 5 janvier 1871 défendant la sortie du pain du 12 janvier, interdisant la fabrication et la vente de pain de luxe, et le blutage des farines par les boulangers.
Le commerce des farines, la fabrication et le colportage du pain, sous quelque forme que ce soit, ne seront désormais soumis à aucune restriction, sauf la taxe municipale, qui est maintenue jusqu’à nouvel ordre.
Art. 3. Le pain sera désormais taxé au prix de centimes 47 ¹⁄₂ le kilogramme, comme avant l’arrêté du 18 janvier dernier.
Fait à Paris, le 8 février 1871
Le maire de Paris,
Jules Ferry »
France 94 – par Jean-Claude THIERRY