Le pain, symbole et nourriture essentielle à la vie, le gâcher ou le jeter porte malheur.
Vous aurez faim un jour ou l’autre, dit la superstition. Pas étonnant que le pain et le blé soient doués de vertus prophétiques.
Voici quelques croyances et leurs origines:
Le pain à l’envers, la plus connue :
Présenter le pain à l’envers sur une table attire le diable. Cela vient du fait que le boulanger gardait le pain destiné au bourreau à l’envers sous l’Ancien Régime.
Ou encore, on ne pose pas le pain à l’envers, car selon la croyance cela voudrait dire qu’on le gagne sur le dos ou encore on disait que cela allait faire pleurer le petit jésus.
Faire toujours une croix sur le pain avant de le manger, une coutume populaire, encore très répandue dans l’Ouest, le Centre et le Sud de la France, réclame que l’on fasse de la pointe du couteau un signe de croix sur l’envers du pain, certaines personnes, même non-croyantes, le font systématiquement.
On ne jette jamais du pain, car la superstition veut que l’on mourrait de faim.
Une femme qui pique une miche de pain avec une fourchette ou un couteau ne sera jamais une jeune fille ou une jeune femme heureuse, signifie qu’une femme qui ne parvient pas à cuisiner correctement un aliment aussi vital que le pain ne possède pas l’expérience requise pour assumer les dures tâches du ménage.
Une miche qui se fend sur le dessus en cuisant annonce des funérailles.
La vieille expression treize à la douzaine pourrait avoir des origines superstitieuses, surtout si l’on songe au proverbe : Douze pour le boulanger, une pour le diable. Mais la vérité est bien plus terrestre. A l’origine, le pain était vendu à la livre et puisque les miches perdaient du poids après un moment, le boulanger ne voulant pas recevoir de plaintes à ce sujet, ajoutait une pesée à chaque livre pour respecter le poids du pain.
Si on laisse, par mégarde, tomber du pain à terre, ce bien garder de l’y laisser. Il faut le relever immédiatement, car autrement, on pourrait s’en repentir durement.
Si un pain vous échappe des mains alors que vous le coupez, attendez-vous à des heurts et à des dissentiments dans la famille.
Un trou au milieu du pain représente un cercueil, dit-on, et annonce la mort imminente d’un des vôtres.
Une superstition européenne garantit que le pain pétri la veille de Noël ne moisira pas.
Jeter des miettes aux oiseaux est un acte bienveillant.
Laisser brûler un pain porte malheur.
Une tranche de pain qui tombe du côté non beurré annonce une visite.
La nuit de Saint-Sylvestre, pour connaître ce qui vous arrivera l’année d’après, regardez dans le four tout noir et écoutez bien les bruits que vous entendrez. Ce procédé n’est pas à la portée des gens dépourvus d’imagination. Le four est ici un équivalent magique du sein de la Terre. Le four à pains (Extrait de Tacuinum Sanitatis – XVe siècle)
En cette même nuit, piquez un couteau dans le pain pour une heure ou deux. Si des miettes adhèrent, année pluvieuse. Si la lame est humide, année de disette.
Voulez-vous tirer au sort, jetez sur la table cinq boulettes de pain, si elles tombent en croix, réponse affirmative, elle est négative si elles affectent tout autre forme.
Pain cuisant, en partie se déchirant, noces prochaines.
Pain cuit fendu tout à fait et séparé en deux ou trois tronçons, tristes nouvelles, mort d’un proche, cœur blessé.
En Normandie :
Georges Poulain
Bulletin de la
Société préhistorique
de France
1915
Sur l’île de Houat. Voici quelques détails sur la manière de faire le pain à l’île de Houat qui ne compte que 270 habitants. On n’y cuit le pain que le vendredi et le samedi. Pas de boulanger dans l’île, chacun fait son pain. Tous les ménages sont divisés en une dizaine de groupes de trois ou quatre ménages chacun. Chacun a à sa tête une femme. Chaque groupe chauffe le four à son tour. On fait ordinairement deux fournées le vendredi et deux autres le samedi, tout le monde doit, cuire à l’une ou à l’autre de ces quatre fournées, et pour cela, il faut s’entendre d’avance avec les quatre femmes qui y président. Le tour de chaque groupe revient après neuf ou dix fournées. Avant d’enfourner, on tire au sort pour savoir qui sera le premier, le second, le troisième. Pour cela on bande les yeux à une dès commères, puis chacune de celles qui cuisent leur pain à cette fournée dispose un de ses sabots dans le tablier de celle qui ne voit pas. On secoue le tablier pour mélanger les sabots. Celle qui ne voit pas tire de son tablier les sabots l’un après l’autre. La propriétaire du premier sabot sorti du tablier, enfournera la première et ainsi de suite. Dans le pays de Vannes, on fait ordinairement le signe de la croix, avec le couteau, sur le pain avant de l’entamer. Le pain est le bien du bon Dieu, il ne faut pas le jeter par terre. P.-M. LAVENOT.
Grenoble, et seulement dans l’église de Saint-André, qui selon une croyance populaire aurait été bâtie par les Maures, on distribuait encore il y a vingt-cinq ans, le jour de la fête de Saint-Antoine de Padoue, des petits pains ronds, plats, ayant ainsi la forme d’une demi-boule et du diamètre d’une pièce de cinq centimes. Les fidèles donnaient une offrande et plaçaient chez eux dans les armoires ou autres endroits, ces petits pains dont la vertu principale était de préserver de la foudre et de l’incendie. Ce même jour, il fallait manger les petits pains de l’année précédente ou les brûler. Malheur à ceux qui les jetaient ou les laissaient manger par des animaux.—(Conté par M. Arnaud, âgé de 32 ans, dont la famille habitait près de Grenoble et que sa mère envoya plusieurs fois chercher des petits pains). A. CERTEUX.
Tour du monde:
En Angleterre, des pains unis dans un four annoncent un mariage. La bonne fortune attend une jeune fille qui, à l’heure du thé, mange le dernier toast, puisque la croyance lui promet un beau mari ou dix mille livres sterling de rente par an.
Dans le yorkshire, les ménagères disent que si le pain ne lève pas c’est qu’il y a ou va y avoir un mort dans le voisinage. Également, couper les deux extrémités du pain ferait entrer le diable dans la maison.
Aux Pays-de-Galles, des trous dans la mie présagent une naissance.
En Ecosse, il est interdit de chanter pendant sa cuisson.
Aux Etats-Unis, s’il n’y a plus de pain, le beau temps arrive.
Au Portugal, un morceau de pain avec le symbole d’un saint favorise la chance.
Au Maroc, manger du pain évite le bégaiement.
Les Indiens d’Amérique, eux, affirment qu’une miche de pain lestée de mercure et plongée dans un fleuve flottera et s’immobilisera au-dessus de l’endroit où le corps d’une personne décédée est étendu. Cette croyance est connue jusque dans les Îles Britanniques.
En Ukraïne quand on fait le premier pain du blé de la nouvelle récolte, on met sur la huche une couronne faite de sporyche (Poligonum aviculare) pour que le pain sporyvsia réussisse. Cette couronne doit rester sur la huche jusqu’à ce qu’elle devienne tout-à-fait sèche. Après cela on la porte au bord de la rivière et on la met dans l’eau.
Luxembourg, quand les femmes font le pain, il leur est défendu sous peine d’être sous la domination des sorcières de couper leur pâte avec un couteau. (Canton d’Arlon et de Verlon) ALFRED HAROU.
Laurent Bonneau, Normand la Fidélité, CBRFAD.