LE RESPECT DU PAIN PAR LE FOLKLORE
Le pain, dont la consommation a diminué ces dernières années, ce pain que l’on retrouve malheureusement dans les déchets ménagers.
Ce pain était un élément indispensable à la vie de nos grands-parents, nous devrions en être conscients.
Pour nous y aider à être conscient de la place qu’il prenait, nous pourrions reconstituer la manière d’être, de vivre avec le pain, de le manipuler comme cela se pratiquait à l’époque ancienne en Wallonie.
La graine qui donne l’épi, l’épi qui donne la farine, la farine et l’eau qui donnent le levain, le levain qui donne le pain, autant de « mystères » que la religion a célébrés et utilisés.
Dès lors, il est bien normal que toutes sortes de croyances gravitent autour du pain.
Ainsi que l’on gardait une petite partie de la récolte de grain pour semer l’année suivante, l’on gardait aussi un peu de pâte pour ensemencer la fermentation des prochains jours, c’était le levain. Il était conservé dans un plat, avec une croix imprimée en creux dans la pâte. Ce creux était rempli de gros sels, pour la conservation, disait-on.
Sur le couvercle de la maie, lorsque la pâte levait grâce au levain, on ne pouvait rien déposer, au risque de malheur.
Une fois le pain roulé, levé, cuit, ressué, souvent même rassis, on l’apportait à sa place d’honneur, la table.
Tout d’abord, il fallait faire le signe de croix sur le pain avec la pointe du grand couteau sur son côté inférieur. Alors la mère (c’était fréquemment elle) tenait le pain contre sa poitrine et l’entamait.
On devait éviter d’emporter l’entame hors de la maison.
C’est sous peine de malheur également qu’il fallait se garder de placer le pain à l’envers sur la table, sinon… le diable dansait dessus.
Le pain bien entamé, on pouvait couper des tartines au travers le pain
La tranche de pain ne s’appelait pas toujours tartines, l’on disait aussi en wallon, une tranche ou une bande de pain.
Généralement, on coupait plus d’un pain pour les provisions de bouche des hommes.
Les gros mangeurs étaient connus dès leur naissance, car une grosse lèvre signifiait gros mangeur de pain.
Si par malheur, une personne ne savait pas couper le pain au couteau, qu’elle tailladait celui-ci, la mère s’énervait pour ravoir la tranche du pain droite.
La jeune fille qui coupait mal le pain, n’était pas apte à se marier, contrairement à celle qui savait le cuire.
Une tartine coupée mince s’appelait tartine de béguine, une autre coupée grosse et beurrée sur son plus petit côté s’appelait tartine de marâtre.
La tartine de pie était une tartine dont la garniture de maquée et de sirop de Liège (genre de poiré) rappelle les couleurs de la pie.
La future maman, elle, avait droit à beurrer copieusement sa première tartine de la journée. C’était fâcher les parents que de manger des légumes ou de la viande sans manger de tartine. La jetée, un crime !
Une tartine de deux tranches de pains différents (souvent noir et blanc) superposées avait son expression wallonne « on tchantê », expression parfois utilisée pour désigner le repas-collation qui venait vers 16 heure.
Pour manger des œufs à la coque, on faisait de petites tranches étroites et longues que l’on appelait « apprête ».
Au bout du pain revenait la croûte, qu’il arrivait que l’on se dispute.
C’est en tout cas un morceau de choix pour « faire » les dents du bébé.
Tout ce découpage donne des rognures ou miettes de pain que la bonne règle (celle qui commande de ne pas jeter du pain) faisait ramasser soigneusement.
Mais la meilleure tartine était certainement celle que le père rapportait du travail et que l’on donnait aux enfants en disant, c’est du pain de coucou, c’est lui qui n’a donné ses tartines.
Si le respect du pain gagné à la sueur de son front, sont tant soit peu redécouverts par ces quelques lignes récoltées dans plusieurs vieux écrits wallons, votre prochain repas où le pain sera sur la table, y gagnera peut-être en chaleur de vie.
Marc Dewalque
Artisan boulanger et administrateur de Boulangerie.Net
super ces informations sur l’ ancien temps.