Pain de pomme de terre sans mélange de farine

Manière de faire le pain de pomme de terre sans mélange de farine

On le sait Antoine Parmentier (*1737-†1813) a écrit énormément sur le pain.
Sur les 189 travaux que cet auteur prolifique a publié, 46 sont dédiés à la filière pain.
Assez vite il oriente ses recherches, elles «n’ont d’autre but que le progrès de l’art et le bien général. La nourriture du peuple est ma sollicitude, mon vœu c’est d’en améliorer la qualité et d’en diminuer le prix».
Lors du retour de Paris à Montdidier au décès de sa mère (1776), le temps de mettre de l’ordre dans la succession, il approfondit l’art de faire du pain de pomme de terre.

À moins de 25 kilomètres de Montdidier, la famille Dottin cultivait déjà en 1766, la pomme de terre à Villers le Bretonneux.
En 1777, il publie «Avis aux bonnes ménagères des villes et des campagnes sur la meilleure manière de faire le pain», et un an plus tard, plus professionnel ; «Le parfait boulanger ou traité complet sur la fabrication et le commerce du pain». Ces deux derniers livres auront beaucoup de succès.
Encore un an plus tard, en 1779, il écrit pratiquement un plaidoyer « afin d’enrichir la liste des subsistances » dans un publication ou il veut convertir « ces racines en pain » sans mélange de farine.
Tous ces écrits l’autorisera dans la foulée en 1780, à ouvrir avec d’autres, rue de la Truanderie près des halles, l’école de la Boulangerie en compagnie de son ami de toujours, aussi altruiste que lui, Antoine Alexis Cadet de Vaux.
Cadet de Vaux, (*1743 – †1828) dit Cadet le jeune, par Parmentier, sera orphelin de père à 2 ans. Il fut confié à une famille de boulangers de Vaux sur Seine- d’où Cadet de Vaux. Il était le frère de Cadet de Gassicourt.

Nous avions déjà publier sur BoulangerieNet sur le gâteau et pain de pomme de terre.
Lors de cette communication, une recette de pain de pomme de terre était reprise. C’est Alain qui donnait la recette du livre de 1778 avec de belles illustrations ou se mélangeait farine de froment et purée de pomme de terre pratiquement à part égale.

Après avoir effectué la lecture de l’autre livre de 1779 plus spécifiquement dédié au pain de pomme de terre, je me suis aperçu que la recette qu’Antoine Parmentier développe est encore différente et est le fruit de nombreuses recherches menée avec Cadet de Vaux et suivie par des académiciens-chercheurs notamment Benjamin Franklin, alors ambassadeur auprès de la France de la toute jeune confédération des États-Unis d’Amérique.
Très précautionneux vis à vis des contradictions que risquait de soulever son étude, Parmentier n’hésite pas à écrire que déjà, il « entend des voix s’élever sur le double embarras » que nécessite le résultat de ces recherches. Une recette , 100% patates, complexe ou la pulpe cuite et réduite en purée est liée avec de l’amidon de pomme de terre qu’il extrait par dissolution et décantation, puis le tout fermenté à l’aide d’un levain de pomme de terre également.
En effet, ce pain de pomme de terre se veut de relever le défi de se réaliser sans le mélange d’autres farines.
Pour ce faire, il veut l’obtenir en le composant de moitié d’amidon de pomme de terre et moitié pulpe cuite (purée) de pomme de terre.

L’amidon, il l’extrait en râpant les pommes de terre puis en les trempant dans l’eau afin de récupérer l’amidon qui se dépose au fond par décantation.
Ensuite il épure celui-ci et le sèche pour en extraire « l’humidité surabondante ».
En effet la pomme de terre n’est pas comme « la semence qui se réduit facilement en farine, c’est une racine aqueuse » (± 70 % d’humidité pour ± 15 % aux graines).
Il signale le manque d’outil pour se faciliter cette tâche d’extraction de l’amidon par la râpe et il appelle à une recherche de machine proche à ce qui se pratique pour un autre pain (plutôt des galettes) réalisée avec une autre plante racine (le manioc) pour le pain dit de cassave.
Avec l’amidon de pomme de terre, nous avons là, la moitié des ingrédients qui sera issu de pomme de terre rondes, grises et farineuse, les variétés rouges ont, dit-il, plus de viscosité et conviennent mieux pour l’autre moitié des ingrédients ou la racine sera réduite en purée.
Il faut dire que Parmentier disposait à l’époque, d’une collection de pommes de terre importées du Nouveau-Monde et qu’il transmettra cette collection à son ami Philippe de Vilmorin (*1746 – †1804).
Cet ex-mosan a repris vers 1779, la graineterie de son beau-père Pierre d’Andrieux, installée quai de la Mégisserie à Paris, voir plus sur cette famille, ici..

Pour extraire la partie « pulpe » de la pomme de terre, Parmentier indique qu’il faut laisser bouillir l’eau avant d’y jeter les pommes de terre dedans et couvrir la casserole par un couvercle.
On les cuit ± ¼ d’heure, jusqu’à ce qu’elles « se crevassent et fléchissent sous la pression des doigts qui les pressent ».
On les pèle à la sortie du feu, les écrase et les travaille longtemps afin d’obtenir une masse lisse et sans grumeaux.
Dans le meilleur des cas pour réussir la pâte finale, on essaye de garder la masse chaude ou l’utiliser après la réalisation de la purée.

Après la réalisation de l’amidon et de la purée, vient la réalisation du levain.
On prend 250 gr. d’amidon de pomme de terre, et 250 gr. de purée et y mélange 125 gr. d’eau chaude, laisse reposer pendant 48 heures , on renouvelle cette opération chaque jour et ce pendant 6 jours pour obtenir un levain qui puisse agir comme un levain-chef.
Dans les remarques que Parmentier n’arrêtent pas de disséminer dans son livre de 55 petites pages, (il a bien conscience que l’on en est qu’aux premiers essais) il précise que ce levain-chef n’acquiert au bout des 6 jours qu’une activité faible et qu’elle obtient sa pleine maturité qu’après plusieurs panifications avec ce levain-chef que l’on retire à chaque journée de panification de la pâte du jour avant de la cuire.

Pour faire la pâte, on la réalise sur deux rafraîchis, un le soir et le second le matin, et il faut un levain de seconde qui prend la moitié de la pâte avec une hydratation de 20%.
A cause de la fadeur des pommes de terre épluchées, et par le fait « la fermentation ne relève pas suffisamment » le gout, Parmentier ajoute ± 4 grammes au kilo de sel, (0,4 %) ce qui est assez semblable que pour le pain de froment tamisé à son époque.
On a déjà relever pus haut dans le texte de Parmentier qu’il valait mieux utiliser l’incorporation de la purée « proche de l’état bouillant », « ce qui concourt à sa formation ».

A peine fini d’être pétrie, on divise la pâte et la met en pannetons bien farinés.
On laisse alors fermenter bien couvert pendant 6 heures, car « il faut deux fois plus de temps que le froment ». Le pain de pomme de terre « demande une fermentation et une cuisson lente »
L’apprêt idéal de la pâte de pomme de terre est dit par l’auteur « lent et peu avancé », en prenant soin de maintenir une croûte molle.
On doit observer à l’apprêt, « un gonflement, des petites crevasses et un peu d’élasticité à la superficie ».
Au final « le pain de pomme de terre à un gout herbacé et sauvage » qui lui appartient.

Pour télécharger ce livre de Parmentier sur Gallica, cliquez ici

Par Marc Dewalque

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