MOULIN DE BEAUCE

« MOULIN DE BEAUCE », PAR EDMOND ROCHER (1928)

Les moulins, à vent comme à eau, ont fasciné les poètes. Leur architecture insolite, le bruit du vent dans leurs ailes ou celui de l’eau qui se déverse sur la roue en mouvement, leur fonction capitale dans l’alimentation humaine, relais entre l’agriculteur et le boulanger, ont inspiré les poètes et les chansonniers qui ont écrit de beaux vers sur ces grands édifices.

Voici ceux qu’Edmond ROCHER (1873-1948) publia sous le titre « Moulin de Beauce » dans son recueil de poèmes Les Dieux cachés, en 1928.

« MOULIN DE BEAUCE

A Armand Got.

Les ailes du moulin tournent dans l’air d’octobre
Sur la Beauce rasée en une ligne sobre.

Des îlots de verdure et des meules de blé
Dressent le vœu puissant d’un village isolé.

Et, broutant les regains, par troupeaux innombrables,
les moutons lourd-lainés regagnent les étables.

Le vieux moulin de bois sur son socle penchant
De ses ailes de toile écorche le couchant.

Il est le dieu vivant de la plaine fertile
Et l’émerveillement des enfants de la ville.

Sur l’immense étendue, interminablement
Il broie à chaque tour un monceau de froment.

Et des charrois gonflés de ses lourdes moutures
Traversent le tapis varié des cultures.

Poursuis ton rythme lent de sûre volonté
En abattant l’orgueil du ciel illimité !

Des meules ont fondu sous tes dents, botte à botte,
O vieux moulin de Beauce, erreur des don Quichottes !

Des chimères ont pu s’agripper aux clous d’or
Qui viennent, chaque nuit, fixer ton vieux décor.

Mais toi, moulin vibrant des forces que tu crées,
Tu sais les faire choir des voûtes azurées ! » (1)

  1. Dans ces quatre derniers vers Edmond ROCHER veut peut-être évoquer les corbeaux – « des chimères » – qui se posent sur les ailes du moulin au repos durant la nuit, mais qui sont chassés dès la reprise de leur mouvement.


Dédicace d’Edmond Rocher à Gabriel Tallet, autre poète de sa génération, en 1930.

Qui était Edmond ROCHER ? Né à Issy-les-Moulineaux (Hauts-de-Seine) le 2 novembre 1873, il perdit ses parents très tôt. Placé dans une famille d’accueil, puis chez un oncle tonnelier à Vendôme et enfin chez sa grand-mère à Pezou (Loir-et-Cher), il découvrit le charme de la vallée du Loir. Ses talents de dessinateur lui permirent d’entrer sur concours comme professeur à la prestigieuse école Estienne à Paris, école des métiers du livre et aujourd’hui des arts graphiques. Son investissement dans l’enseignement technique et l’apprentissage lui firent mériter la Légion d’Honneur en 1927.

E. ROCHER continua à réaliser des gravures et des lithographies et illustra de nombreux livres. Mais parallèlement, dès 1896, il publia près d’une trentaine de recueils de poésie qu’il illustra souvent lui-même. Il connut une certaine renommée de son vivant mais il est aujourd’hui presque complétement tombé dans l’oubli. Le site Wikipédia lui consacre une notice et le site anthologialitt.com, sous la plume d’Irène de Palacio, l’a fait redécouvrir par un article intitulé « Edmond Rocher, illustrateur et poète ».
Edmond ROCHER décéda à Paris-XIIIe le 23 février 1948.

Edmond ROCHER, photographie illustrant l’article d’Irène de Palacio sur le site anthologialitt.com.

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