Les épices et la fermentation panaire

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Peu d’écrits mentionnent l’influence des épices dans la fermentation panaire .
Pour le levain, par exemple, voici deux extraits glanés dans des lectures d’articles ou de passage de livre qui décrivent de manière un peu énigmatique, comment le levain de panification de certaines maisons peut être conçu.

C’est soit; un « subtil dosage de miel, jus de pommes, de vanille, de cannelle et d’anis », ou encore on parle d’ajout à la farine et l’eau pour démarrer son levain-chef, « d’un mélange à base de miel, de pomme et de clémentine, de vanille et de poivre « , témoignages recueilli en 2010 et 2012.
On sait aussi que certaines charcuteries comme le saucisson, subissent pendant 2 à 3 mois une dessiccation alliée à une fermentation. Cela se réalise en milieu salé avec ajout de poivre, ail et autres.
Des épices qui aident réellement la fermentation de la viande salée.
Les bières vivent une fermentation de plusieurs semaines où les épices viennent plutôt en aromatisation (coriandre, poivre, réglisse, cannelle, muscade, etc…)

Mais on le voit, ces fermentations sont souvent freinées (bien que l’on écrit plus avantageusement; affinée) par le sel, d’où l’expression salaisons, et dure des jours, si pas des semaines.
Ce n’est pas le cas de notre pâte à pain vivant la « quotienneté ».

Pour l’analyse, il faut encore séparer l’aromatisation et l’action bénéfique que l’épice peut jouer dans la fermentation.
C’est sur la deuxième action, où le ferment tire avantage de la présence d’épices, que je souhaite m’attarder.
Du coup ne seront pas repris, la cannelle qui a des propriétés antiseptique, étant une écorce contenant de grande quantité de tanins (inhibiteurs d’enzymes) et le poivre aux propriétés anti-bactériennes, qui réduit la fermentation.

Le miel ne saurait être vu comme une épice, mais bien en tant qu’apport de sucres fermentescibles, activant la vie des ferments en termes de nourriture.
La vanille subit une transformation plutôt enzymatique, qui va changer la couleur de la gousse d’orchidée, de verte en noire. Cela se passe en à peine 12 heures juste après une plongée dans une eau à 65°C, puis séchées dans des couvertures. Un séchage qui complétera l’ affinage et durera lui, une dizaine de mois.
Les jus de fruit (pommes, raisins) très souvent renseigné lors de l’élaboration d’un nouveau-chef, sont naturellement plus rapide en fermentation du fait de leur teneur en eau allant jusqu’à 80 à 90%, alors que le grain de céréales qui ne fait que ± 13 % d’humidité, n’a pas la même faculté à entrer en fermentation.

A.A.Parmentier décrira en 1778; ce qu’il appelle, les  » levains artificiels » -les « starters » de l’époque, dont la levure de brasserie faisait partie et également la présure, le vinaigre, le lait caillé.
Puis il écrit; « Les corps susceptibles de la fermentation, n’ont pas besoin de levain pour fermenter, l’hydromel, le cidre, le poiré, le vin, etc. s’obtiennent ordinairement sans aucun secours étranger. Il serait également inutile d’ajouter à la farine autre chose que de l’eau et de l’abandonner ensuite à l’air libre. Mais le principe fermentescible s’y trouve plus enveloppé, qu’il ne l’est dans le suc sucré des végétaux ».
En effet bien avant que l’on sache que les céréales n’ont qu’un peu plus de 1% de sucres directement fermentescibles pour ± 7% aux fruits, Parmentier définit les ajouts comme aides artificiels liant dans son approche, les savoirs de la science de l’époque et de l’empirisme professionnel.

C’est en 1910, dans une revue allemande consacrée aux céréales que Neumann et Knischewsky étudient l’action des épices sur la levure.

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Voici résumé en deux tableaux ce qui en résulte.

Tout d’abord en testant l’influence de divers ajouts, on remarque que pour la levure, la muscade et l’oignon sont un peu moins influent que la farine de froment, et dans l’ordre, le gingembre, les écorces de citron, la cardamone, le fenouil, l’anis favorisent la fermentation.
Le Diamalt, produit commercial qui bénéficie déjà de très fortes promotions de vente (marketting, aujourd’hui) est recensé par les deux chercheurs, il est a classer avec l’apport de miel, comme ajout de sucres fermentescibles.

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Le deuxième tableau donne l’action du cumin en fonction de la dose. Le cumin est toujours employé en boulangerie et reste l’épice la plus connue à l’Est de l’Europe.
Personnellement, je concassais quelques fois des graines de cumin dans un peu de farine afin de garder l’huile essentielle qui s’échappait dans le broyat. Je le faisais lorsque l’odeur de mon levain me semblait trop alcoolique à mon goût, pour rediriger la fermentation mixte du levain vers la fermentation lactique.
Le cumin, comme les autres graines d’ombellifères (anis, coriandre, fenouil, par ex.), a des propriétés galactogènes.

On remarquera que dans l’enquête de 1910, la dose ne doit pas être trop forte au risque de baisser en influence.
C’est vrai aussi pour le sucre qui dès une dose de 4 % et plus, voit décliner son action bienfaisante pour la fermentation à la levure.
Ce qui redonne le statut d’épice au sucre, comme autrefois.

Un dosage, que certains traiteront d’homéopathique, est donc à prendre en considération.

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Marc Dewalque
Artisan boulanger et administrateur de Boulangerie.Net

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