Les divers classements du blé

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Tentons un petit historique de la différenciation entre blés et surtout ; blé dur / blé tendre au début des descriptions.

Né à Cadix en Espagne et ayant plus que probablement connaissance de la fameuse agriculture arabo-andalouse fort riche pour cette époque, COLUMELLE, agronome de la première heure et du premier siècle de notre ère est encore cité en 1600 dans l’ouvrage d’ Olivier de SERRES.

Pour l’agronome dit «romain», on classe les blés suivant leurs apparences et la période d’ensemencement. Il en existe quatre sortes avec barbes, deux «raz» (= sans barbe) et le blé dit «marsé», c’est à dire semé au mois de mars dit aujourd’hui blé de printemps.

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C’est du classement visuel repris en partie par Matthias DE LOBEL, Kruydtboeck oft Beschrijvinghe, chez Chr. Plantin, 1581 qui étudia à Montpellier auprès de Guillaume RONDELET dont il hérita les manuscrits.

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Pas de différences entre le blé dur (propre aujourd’hui à la semoulerie et aboutissant souvent à la confection des pâtes alimentaires) et le blé tendre (propre à la panification) appelé généralement de nos jours, froment.

Deux curiosités dans l’ «herbier» de M.De LOBBEL. Premièrement, le blé Loca, que la classification d’un professeur de l’Institut agronomique de Grignon (PHILIPPAR) place dans le groupe des monocoques à ce début du XIXème siècle ; «froment locular» (M.BENOIT, p.15) puis en décrivant l’épeautre, le même manuel Roret donne plus loin (p.154), les synonymes d’épeautre ; «locular et locar» avec d’autres appellations (Dinkelkorn en allemand, triticum spelta chez LINNE, Zea en Grèce et en Italie, biada en Toscane, hais en arabe et la farine d’épeautre en espagnol s’appelant crimnon, rolum et farina artorcolada).

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Alexandre Henri TESSIER dira dans l’encyclopédie méthodique, vol 4, p.189 au mot épeautre que les expressions «locular ou locar» sont «des espèces de froment qu’on cultive en Allemagne, en Suisse et dans quelques parties de France».

Le manuel de meunerie allemand rédigé par F.BAUMGARTNER et I.GRAF dans les années 1930 traduit aussi «loca» par épeautre. Dans ce cas, cet épeautre serait un épeautre rameux, caractéristique bien connue du blé dit miracle.

Alexandre Henri TESSIER écrit en 1784 de ce blé de miracle, dit aussi blé de Smyrne, qu’il «ne sème que par curiosité dans beaucoup de pays, et par conséquent en petites quantités», (M.BENOIT, p.8)

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Deuxième curiosité ; le Briza, (déjà traité de Monococcum par un autre flamand Rembert DOEDENS, un contemporain de De LOBBEL) il est classé à part et semble bien ressembler au «picolo espeutiau», l’engrain de Haute-Provence ayant reçu une IGP (Indice Géographique Protégée ) en 2004.

La classification d’un professeur de l’Institut agronomique de Grignon (PHILIPPAR) place dans un deuxième groupe, les monocoques en reprenant tous les noms recensés au début du XIXème siècle ; «engrain, ingrin, froment locular, petit épeautre, froment uniloculaire niverio, T.monococcum, Zea monococca, Zea briza dicta monococca, niveria monococcum» (M.BENOIT, p.15)

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Dans le siècle des lumières (le XVIIIème sc.), Paul J. MALOUIN qui fait autorité en publiant un des premiers ouvrages sur la boulangerie en 1767 et en participant par cette référence à l’encyclopédie de DIDEROT & d’ALEMBERT donne un avis «en raccourci» sur la question, dans le vocabulaire du boulanger publié dans l’encyclopédie.

«De tous les grains, les blés sont les plus propre à faire du pain et de tous les blés, le froment le fait meilleur».

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Carl (Von) LINNE a évidement fait entrer les blés (triticum en latin) dans sa nomenclature des plantes. Cinq puis six familles font partie de son classement (P.JONARD)

En 1784, Alexandre Henri TESSIER est aussi dans les premiers à faire une distinction entre le blé dur et le blé tendre. Après bons nombres d’expériences et de classification, il en conclut que les blés tendres sont favorisés par les climats du Nord et le blé dur par la plus fréquente sécheresse du Sud voire même d’Afrique.

Antoine A .PARMENTIER (ami de Philippe de VILMORIN) en 1778 parlant du choix des variétés de blés pour faire le pain, parle du blé de Barbarie (nom de l’époque pour l’Afrique du Nord touchant la Méditerranée excepté l’Egypte) «il est si compacte et si sec qu’il se brise avec une peine infinie sous la dent». Il ne fait peut être pas partie des blés dit de première qualité, puisque PARMENTIER faisant référence à la pratique des commerçants du marché du blé dit que celui-ci doit «se casser nettement sous la dent ».

Là, on passe à un classement moins visuel et plus caractéristique.

Henri de VILMORIN (petit-fils de Philippe de VILMORIN) qui fait partie d’une famille de grainetiers connue dans le métier depuis le XVIIIème siècle essaye de clarifier les choses lors de la publication de son livre «Les meilleurs blés» en 1880. Il voudrait classer suivant 5 familles ; le blé tendre, le blé poulard, le blé dur, l’épeautre et l’engrain.

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C’est loin d’être fini, l’évolution analytique par les diverses sciences occasionnera des classements toujours plus pointus et là plus question du visuel ou de l’appréciation du côté cassant du grain, on rentre dans des critères invisibles à l’œil nu et au « sous la dent ».

Les classements prendront alors des critères tantôt plus agro-économiques, notamment par CLARK et consorts en 1939 aux États-Unis qui fait décliner de hard à soft la teneur en protéines. Ou, d’un autre point du Monde, feront plus attention comme dès VAVILOV puis en 1935 par FLAKSBERGER à l’écotype sans tenir compte de la morphologie en suivant le classement de l’école russe (P.JONARD).

Entre les deux guerres c’est grâce à l’évolution des  connaissances génétiques que l’on juge et classifie. La découverte de l’importance des chromosomes dans l’hérédité s’opère dans les années 1920 et c’est l’Américain Thomas H.MORGAN qui donna les apports décisifs, au point d’obtenir le prix Nobel de physiologie et de Médecine en 1933 pour ces travaux. Avant l’apport de ce nouvel éclairage, Léon BOUTROUX, écrit, en 1897, « que les blés durs et blés tendres ne présentent pas de différence au niveau de leur compostions chimiques et ce n’est que des caractères extérieurs qui les distinguent ».

« Même au niveau de la richesse en azote (aujourd’hui, lisez protéine et gluten ici), ils n’offrent pas de différence notable », écrit-il encore.

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