Les blagues professionnelles

L’ouvrier boulanger, au XIXe siècle, est dans le fournil chaque jour de la semaine, et ne dispose que de très peu de temps pour fréquenter les guinguettes, auberges et autres bordels. Mais ses sorties sont bien souvent accompagnées de débordements, ce qui lui vaut très souvent l’étiquette de perturbateur de l’ordre public.

Ce manque d’amusement à l’extérieur est compensé, entre autres, par des blagues au travail. Comme dans toutes les professions artisanales, la victime malheureuse de ces blagues est toujours l’apprenti, c’est grâce à lui, et malgré lui, que l’on rit !

En voici quelques-unes que j’ai récoltées, certaines plus contemporaines que d’autres :

– La boîte de buée, par Lyonnais le Fier Courageux :
Lorsque j’étais installé à Lyon, j’ai envoyé un apprenti chercher une boîte de buée chez le Pays Fousserau, derrière les voûtes de Perrache, pour ceux qui connaissent, sur sa mobylette, je lui avais attaché un bidon en fer d’environ 40 cm de diamètre sur environ 80 cm de haut, le Pays averti l’attendait donc. Vendôme lui a rempli ce dit bidon de briques et de pailles d’emballage.
Deux heures plus tard, ne le voyant pas revenir, je téléphone donc au Pays Fousserau, celui-ci me répond que l’apprenti est parti depuis longtemps, et je le vois en effet qui arrive tout doucement, transpirant, tout rouge sur sa mobylette, je lui demande : Qu’as-tu foutu tout ce temps ?
Il me répond : Votre collègue m’a dit de rouler très lentement, sans secouer, car ça risquait d’exploser !

Dans le même esprit de recherche de matériel chez un collègue, nous trouvons l’échelle à monter les blancs, la rallonge du four, la pierre à affuter, les coupe-pâte, des poids et des briques à poser sur le four pour en maintenir le dessus quand le feuilletage se développe, le couteau à désosser le foie gras, le fer à friser le persil, le moule à croissant, la pompe à alvéoler ou à faire lever la pâte dans le pétrin !

Voici une autre blague racontée par Agenais la Tolérance :
Cela se passait dans le sud-ouest, dans les années 1960… L’on faisait croire à l’apprenti que le pain, c’était comme le gruyère, plus il y a de trous, plus on vend de l’air, et comme l’air pèse lourd, plus il y a d’air, plus on gagne de l’argent ! Il faut dans un premier temps que l’apprenti aille chez un boulanger la chercher, la fameuse pompe à alvéole !

Puis une fois qu’il en est muni, et de retour, il faut qu’il cherche la valve du pétrin, qui forcément se trouve sous la cuve, seule la position à plat ventre peut permettre de la trouver ! Avec ma bicyclette, je suis allé chez plusieurs boulangers des communes avoisinantes chercher cette fameuse pompe…

Il y a aussi cette petite boîte métallique ou petit bocal de verre, ouvert délicatement par un ouvrier en disant à l’apprenti : Tiens, sens bien fort, c’est de la vanille ! Le pauvre jeune pâtissier tend son nez, inspire fortement, et là, une odeur acide et amère lui pénètre les sinus pour venir finir sa course au cerveau ! Accompagné d’un grand recul de la tête ! Ce n’est pas cette douce vanille de Tahiti, mais du bicarbonate d’ammonium utilisé dans la fabrication des madeleines !

J’en parle en connaisseur, c’est la première blague que j’ai subie lors de mes premiers pas dans le métier, chez un pâtissier de Méru, M. Doré, place de l’Hôtel-de-Ville.

Pour terminer cette série, la fameuse éponge gorgée d’eau froide que l’on vient appliquer fermement sur le postérieur de son jeune collègue, réaction immédiate !

Extrait du livre « Le pain des Compagnons » L’histoires des compagnons boulangers et pâtissiers

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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