« LES BEIGNETS DES PYRENEES » PAR JEAN RAMEAU (1905)
Jean RAMEAU, de son véritable nom Laurent LABAIGT, est un écrivain et poète natif des Landes, à Gaas, en 1858, mort à Cauneille (Landes) en 1942.
Auteur prolifique (60 romans, 5000 contes, sans compter les poèmes), il est quelque peu oublié de nos jours mais reste une personnalité connue dans son département natal.
Jean RAMEAU ; photographie de 1888
La revue Le Mois littéraire et pittoresque publia en 1905, sur plusieurs numéros, Le Roman d’une laide, qui met en scène une jeune femme aux traits disgracieux mais à la grande beauté d’âme, et qui, pour gagner sa vie, trouve un petit emploi chez une marchande de beignets à Paris, rue des Pyrénées, dans le 20e arrondissement.
L’auteur nous décrit le modeste local (la « niche ») où l’on fabrique les beignets. On les trouve aujourd’hui sur les lieux de fêtes et foires, dans des boutiques ambulantes, mais aussi chez quelques boulangers, à la Chandeleur, à Mardi-Gras et en quelques autres périodes de l’année.
« Elle avait choisi elle-même cette nouvelle carrière : vendeuse de beignets chez Mme Gratichaud. La niche où opérait Mme Gratichaud était située chez un marchand de vins, au coin de la rue des Pyrénées et de la rue de l’Ermitage. (…).
Rudimentaire, l’installation de Mme Gratichaud. Au pan coupé de la maison, un trou large d’un mètre vingt, profond de quatre-vingt centimètres et haut d’un mètre quatre-vingt-dix : voilà le local. Le marchand de vins, qui le lui sous-louait pour cent francs par an, lui prêtait en outre l’intérieur d’une banquette pour loger le charbon. C’était à peu près tout.
Dans sa niche, la vendeuse de beignets avait placé un fourneau surmonté d’un bassin, un escabeau de bois rembourré d’un morceau de tapis, et deux boîtes, l’une pour le sel, l’autre pour le sucre. Il y avait trois clous en outre : l’un pour la fourchette, l’autre pour l’écumoire et le troisième pour des feuilles de papier destinées à la confection des bourses ou enveloppes.
La boutique des « Beignets des Pyrénées » – illustration du roman publié dans Le Mois littéraire.
Au-dessus de sa tête, afin de se garer du soleil et de la pluie, Mme Gratichaud avait appliqué la moitié d’une calotte de kiosque découvert dans un chantier de démolitions ; et sur cette calotte, elle avait fait inscrire en lettres qui aspiraient à être d’or : AUX BEIGNETS DES PYRENEES, enseigne que légitimait moins la nature des produits mis en vente que le nom de la rue où ces produits voyaient le jour.
Mme Gratichaud était fort vieille, et ses bras, noués de rhumatismes, n’avaient plus la force suffisante pour battre la pâte de froment, lui donner l’élasticité précieuse qui la fait ballonner au contact de la graisse bouillante. Aussi avait-elle été bien aise de prendre une apprentie ; cela lui permettrait de se reposer quelques heures, de temps à autre, et d’aller se dégourdir les jambes du côté des Buttes, les jours de musique militaire. »
Laurent BASTARD