« Le pain dans la grande guerre » (30)

L’OFFENSIVE DES CENT JOURS

L’offensive des Cent-Jours est le nom donné à l’ultime offensive conduite par les Alliés sur le Front de l’Ouest, du 8 août 1918 au 11 novembre 1918. En français on l’appelle aussi  « Les cent jours du Canada » en référence au rôle important joué par le Corps canadien sous commandement  britannique lors de  cette offensive qui eut pour résultat la démoralisation définitive des armées allemandes et leur retraite, conclue par l’Armistice signée à Compiègne le 11 novembre 1918.

Ernest LANGLET est boulanger à Corbie (Somme). Après avoir quitté la région à cause des bombardements de mars et avril 1918, il décide au début du mois de septembre 1918 de retourner dans sa ville libérée.

Boulangerie d’Ernest LANGLET a Corbie, trou d’obus dans la façade

 Par un courrier du 7 septembre 1918, il informe son épouse Marie de ses constatations :

« Ma Chère Marie,

Je suis arrivé ce jour à une heure de l’après-midi, transporté par un camion automobile, d’Amiens à Pont-Querrieux et Laneuville. J’ai descendu en face de la maison Mellier, pour rejoindre à pied notre chère demeure. Depuis la Neuville jusque dans Corbie pas une maison n’est épargnée plus ou moins. Certaines sont effondrées, l’orphelinat, il ne reste que les murs ; l’église sur le côté école des filles est très amochée, découverte et effondrée sur le côté de la petite porte d’entrée. J’ai pénétré à l’intérieur, c’est désolant. J’arrive sur la place, la maison Lesieur jusque chez Mme Boulanger et l’hôtel de la poste : des murs ;  de chez Gond jusqu’à la ruche : des murs. Également le pâté de maisons de chez Dubaite à Pregalders ainsi que le derrière : des murs seulement ; la maison Galhaut très abîmée. J’ai visité chez lui, c’est un désastre, on prend ce qui reste, quelques soldats fouillaient encore.

Chez nous, c’est bien triste également, presque toutes les toitures sont à refaire sur la façade, il y a au moins trois gros obus qui ont percé d’un mètre de circonférence le mur entre les deux grandes portes, un gros a brisé la fenêtre de ma chambre et brisé mon lit et les deux petits placards, le service à café est cassé par-dessus les décombres, avec un vaste trou dans le plancher sous mon lit ; la cloison n’existe plus, cela a rendu ma chambre plus grande.

À la boutique, quelques carreaux de carrelage cassés et au-dessus du gaz un grand trou.
Il ne reste plus de chaussures, ni de chapeaux. Dans la cuisine, quelques plats, dans l’armoire sur la rue, le réchaud à gaz y est encore. Il y a quelques petits verres dans la buanderie avec tous les coquetiers et quelques plats. Dans le fournil tout y est encore, même les courroies.
Dans la chambre de Palyte, plus rien, à côté également.

Dans le grenier au-dessus des chambres, des pots à confiture et quelques livres, les combles. Enfin dans la buanderie, les baquets y sont encore, mais en désordre et le linge par terre ; il est tombé aussi des obus dans ce coin. Ainsi que sur l’hôtel, côté Mr Vaneux les toitures sont bien endommagées. J’ai retrouvé le charbon à côté de chez Vignon, du bois il en reste pas mal, mais le tombereau a été changé, c’est un vieux que j’ai trouvé à la place.

Je vais tâcher d’aller à Daours et faire enlever ce qui reste, car j’en ai surpris qui volaient mes sacs vides. Chez Galhaut, on fouillait quand je suis arrivé. Il faudrait que Camille puisse venir, mais voilà, rien à boire et rien à manger. Nous sommes 4 ou 5 civils, Mme Boulanger qui parle  déjà de repartir, n’ayant rien à manger. Moi-même je vais aller à Daours demain et essayer de faire déménager le peu qui reste. Ce qu’il faut ce serait de faire couvrir. Je vais sans doute voir venir le maire et on s’arrangera.

Je couche à la maison ce soir sur un sac, avec 80 soldats qui viennent d’arriver du front.
Corbie est dévastée, il faudrait des années pour l’habiter ; j’ai été jusqu’au pont de Mme Lardière, tout est brûlé chez elle, et chez Mr Bulot là […] brûle ; Dubois brûle.
Je t’embrasse bien fort ainsi que René. Jean doit venir me voir pour trois jours, il demandera trois jours de permission pour Corbie… »

Boulangerie de la Gare, lieu inconnu,, 28 octobre 1918, fabrication du Pain de la Victoire

Le président Poincarré, le 26 juillet 1918, félicitant les boulangers qui n’ont pas déserté Château-Thierry, malgré les combats et l’occupation allemande.

Decarsin Victor, posant sur les ruines de sa boulangerie 21 rue Saint Fursy à Peronne, ville libérée le 2 septembre 1918 par les troupes australiennes.

 

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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