Quand on se prend pour le responsable du goût de la mie et que l’on veut le reproduire et ainsi inévitablement maîtriser, c’est clair qu’il devient intéressant de disposer d’un panel de méthode et de jongler avec elle pour composer.
C’est déjà un avantage remarqué chez les boulangers bien impliqués sur l’objectif « panif au levain » qui dispose souvent de différents levains-chef.
Avoir plusieurs levains-chef, n’est pas une obligation, surtout pour ceux qui pratiquent le levain sur plusieurs rafraîchis. Ceux-ci permettant de rectifier la donne de départ en diluant celle-ci à l’arrivée : farine complète / farine blanche, liquide / solide, seigle / froment, avec ou sans sucres, par exemple.
Ce qui est important aussi, c’est de bien marquer les définitions du levain. Comme une autolyse qui doit rester une pré-pâte sans ferment et pas un simple pause avec de la pâte levurée, le levain doit rester une auto-fermentation de la farine et eau. Non pas par orthodoxie et passion dérivant en fanatisme, mais pour disposer des notes de goût précises et d’élargir votre panel de technique. Non pas pour dire que l’ajout de levure dans le levain est une hérésie, mais pour dire que le résultat d’un pain qui a bénéficié d’un vrai levain, aider dans sa pousse par un faible ajout de levure, n’aurait pas pu exister sans respecter cette limite de définition, certes rigoureuse, simplement parce qu’elle se veut précise.
Pour revenir sur l’autolyse, simple mélange d’eau et farine, signalons qu’elle fait presque double emploi lorsqu’on utilise le levain, puisque la détente ou relaxation qu’elle apporte à la pâte, par la lente dégradation des enzymes natifs de la farine est également occasionné par le temps de fermentation levain. Mais cela n’empêche pas de considérer que cette dégradation de l’amidon et des chaînes de protéines développe un espace goût doux. Certains vainqueurs du grand-prix de la baguette de Paris ne s’y trompent pas en déclarant que l’autolyse n’est pas un simple temps d’accommodement de l’eau et de la farine, mais qu’elle est aussi la première phase de formation du goût, en transformant l’amidon en dextrines et maltose par exemple, et non pas en acide ou alcool comme le font les microorganismes, absent de l’autolyse, c’est une douceur qui sied bien à des pâtes blanches.
La pré-pâte à l’aide de levure, soit solide -sponge- ou liquide -poolish-, n’est pas forcément un concurrent du levain, encore une fois, ce n’est, soit ni l’un ou l’autre, elle pourra se marier au levain naturel avec un apport que l’on peut doser suivant le goût recherché.
L’apport de pâte pré-fermentée est ce que Raymond Calvel décrivait habilement dans un éditorial intitulé « Vite et bien » avec ses mots : « Il faut faire avant ce qui est difficile de faire après ». Là encore, soyons précis, la pâte pré-fermentée, comme le disait d’ailleurs R.Calvel en 1980, ce n’est pas un reste de pâte conservé de manière non soignée. Celle-ci risque de finir, si elle se délite, à remplacer l’apport d’extensibilité pour contrer un gluten tenace, d’une autolyse, voire de levure désactivée. Mais cette pâte pré-fermentée est de nouveau une championne au niveau organisationnel vis-à-vis de cette concurrente pré-pâte à la levure. Elle est souvent à disposition, tandis que la « poolish » ou le « sponge » nécessitent une mise œuvre préalable.
Le goût lacté viendra fréquemment d’un levain peu riche en nutriments -farine blanche- et fréquemment freiné par le froid. Il sera aussi assuré par un levain plutôt liquide qui n’aura que deux heures de fermentation et pas le temps d’aigrir, acide qui est la signature d’un levain de « longue garde ».
Marié diverses fermentations est un peu comme le viticulteur qui mélange habillement ces cépages.
On en arrive presque à être comme un pianiste devant toutes les 52 touches blanches et 36 touches noires et avec les pédales qui seraient la donne température.
Soyons le compositeur qui est groupie et interprète, et qui s’y reprend à plusieurs fois pour apporter là, un bémol, là un dièse en recherche d’harmonie.