Le Devoir des doleurs transmis ? 2/2

 

Règlement des compagnons doleurs du Devoir de la ville de Beaune datant de 1840

Grâce aux sentiments fraternels et généreux du compagnon tonnelier-doleur du Devoir, Éric Fourthon, Bordelais Noble Cœur, historien de son compagnonnage, un recoupement fut possible entre les compagnons doleurs cités dans cette lettre du nommé Bavarois Beau Désir et le livre-registre des réceptions des compagnons de ce compagnonnage :

Bourguignon l’Espérance, cité comme Second en ville ; reçu à Clairac à la Pâques 1803, fini à Beaune en 1806. Il fut refondu, son nom originel était Bourguignon Bel Amour.
Tourangeau Bien Aimé, reçu à Angers à Pâques 1805, fini à Beaune.
Bourguignon la Fidélité, reçu à Chalon-sur-Saône à l’Ascension 1800.
Bourguignon la Couronne, reçu à Orléans à la Saint-Jean 1805. Aucune trace de réception au titre de compagnon de :
Bavarois Beau Désir.
Nantais le Soutien, cité comme Premier en ville des doleurs de Beaune le 24 septembre 1811.
Montpellier Beau Désir
Angoumois la Prudence
Angoumois la Constance
Montpellier la Belle Conduite
Angevin le Soutien
Angoumois la Fidélité.

Nous observons que 65 % des compagnons cités ne sont pas inscrits dans le registre de réceptions des compagnons doleurs du Devoir. En ce qui concerne les compagnons cités, il y a de fortes probabilités pour que Bourguignon la Fidélité, reçu en 1800 et Bourguignon l’Espérance reçu en 1803 ne fassent plus partie du corps actif de leur société à cette date. Ces quatre compagnons n’étant que des noms connus de mémoire par le ou les compagnons boulangers rédacteurs de ce document.

Pour la réception (Article deux) : « Aucun aspirant ne pourra être reçu sans qu’il soit connu au moins de deux compagnons bons et sans reproches qui devront le connaître ainsi que sa famille et s’être assurés qu’il n’a jamais fait d’autre état que celui de tonnelier , on ne pourra non plus recevoir aucun aspirant fils de boulanger ou qui aura appris cet état et ceux qui serviraient à cette réception seront rayés et inscrit comme parjures. »

Nous retrouvons cet article dans le règlement de La Rochelle daté de 1861, archives de la Société des compagnons tonneliers-doleurs du Devoir.

Un autre élément concerne l’adresse de la Mère des compagnons doleurs de Blois. Elle est située par Bavarois Beau Désir, rue de la Petite Poste. Aucune rue de la Petite Poste n’a été trouvée à cette époque mais il existe une rue de la Vieille Poste.

Deux ans auparavant, en 1809, les compagnons doleurs de Blois font mère chez Mme Plantin, rue du Sermon. Les compagnons doleurs auraient-ils changé de Mère en 1810 pour rejoindre cette rue de la Petite Poste inconnue à ce jour…

Étrange… et, cerise sur le gâteau, si j’ose dire, le cachet des compagnons doleurs de Beaune apposé en bas du certificat dudit Bavarois Beau Désir est inconnu à ce jour des compagnons tonneliers-doleurs du Devoir, et aucun des cachets de cette cayenne ne ressemble de près ou de loin à celui-ci.

Tous ces éléments, cités les uns après les autres, nous engagent sur la voie d’un faux document.

Similitudes entre le texte de Libourne le Décidé et le parchemin dudit Bavarois Beau Désir

  • La ville de Blois est concernée ;
  • Un compagnon doleur est à l’origine des compagnons boulangers ;
  • Un premier compagnon se nomme Nivernais Frappe d’Abord ;
  • Quatre compagnons se rendent chez la Mère des doleurs pour se faire reconnaître compagnons du Devoir.

Il est à noter qu’une activité importante est constatée à Blois autour du 1er novembre 1811, jour de la Toussaint, date choisie par les compagnons boulangers du Devoir comme date de leur fondation.

En effet, les nommés Bironneau et Prugnat sont signalés en prison pour des troubles dans la ville, par le sous-préfet de la préfecture de Loir-et- Cher, dans un courrier daté du 15 octobre 1811. Le nommé Limousin est signalé comme incarcéré le 5 novembre 1811, pour des faits de troubles dans la ville antérieurs au 11 octobre 1811. (A.D. Loir-et-Cher, 1 M 12.)

Les pérégrinations de l’acte de fondation

Extrait du règlement mis en place par le congrès de Blois en 1895 :

« En 1840 la Cayenne de Rochefort qui s’était toujours distinguée, possédait l’acte de naissance de la société en bonne et due forme, par l’entremise du Frère Laprade, Angoumois Franc Cœur, employé au bureau de la marine du port militaire, homme dévoué et intelligent qui le tenait d’un vieux frère, qui l’avait sauvé lors d’une malheureuse affaire entre autres arrivée à Blois au commencement de la fondation de la société, où furent anéanties beaucoup d’antiquités, mais copie de l’original des règles et archives avait été transportée à Orléans, Tours et Bordeaux lors de la fondation du Saint Devoir dans ces villes, rien ne fut perdu le mal pouvant être réparé, et il reste toujours des preuves convaincantes de nos droits. »

Plus tard vers 1846 « la chambre de Paris avait envoyé en délégation à Rochefort, le frère Languedoc l’Enfant Chéri pour aller chercher le certificat (Acte de naissance qui lui fut remis) et le Tour de France, d’accord avec Rochefort et la fondation, octroya la chambre de Paris de le garder en dépôt »

L’énigmatique Bavarois Beau Désir

Bavarois Beau Désir, il n’existe pas un nom mieux adapté à la situation de ce Bavarois qui offre le Devoir à ces boulangers. Interrogeons-nous sur le bateau « Woodésie ».

Roger Lecotté, conservateur du musée du Compagnonnage de Tours, avait engagé une recherche sur ce bateau à la capitainerie de Bordeaux, mais il ne trouva aucune trace de celui-ci.

Du nom Beau Désir, enlevons la première lettre « B », et la dernière « R », ce qui nous donne « Odési », étrange similitude avec « woodésie »…

Et puis, pourquoi partir aux États-Unis pour disparaître du Tour de France, lorsque l’on est Allemand ?

Il suffisait à ce Bavarois de rentrer tout simplement en Bavière, afin d’être à l’abri d’un coup mortel porté par un doleur, vengeur de son corps d’état.

Une recherche approfondie dans les archives des compagnons boulangers du Devoir semble indiquer que cette version, à savoir la naissance des compagnons boulangers grâce à ce providentiel Bavarois Beau Désir, apparaît vers 1850.

Une lithographie de Ménager François, Nantais le Résolu

La lettre laissée par le fameux Bavarois Beau Désir sera lithographiée et diffusée sur le Tour de France.

Son auteur, François Ménager, Nantais le Résolu, est reçu à Troyes à la Toussaint 1851.

Ce document a donc été réalisé entre 1852 et 1865. Cette lithographie porte à sa base la mention :

« Vu pour copie conforme à l’original déposé aux archives de la chambre des compagnons boulangers de Blois. »

Les Enfants de la Vérité, 1920

Extrait de l’assemblée du 16 juillet 1920 des compagnons boulangers du Devoir dit Les Enfants de la Vérité :

« Le 14 avril 1810, Michel Eugène Corbineau dit Nivernais Frappe d’Abord, compagnon doleur initie Pierre Martel dit Nivernais Frappe d’Abord et Alfred Monbard dit Beauceron l’Inviolable, ces trois hommes que nous vénérions et dont les noms évoquent dans notre mémoire tant de gloire et tant de considération. »

Page suivante : Le manuscrit du soi-disant Bavarois Beau Désir lithographié, Dédié à la Société des Compagnons boulangers du Devoir, par Ménager, Nantais le Résolu.

Extrait de l’acte de reconnaissance des compagnons doleurs pour les Enfants de la Vérité du 2 mai 1921 :

« Nous reconnaissons les C∴B∴D∴D∴ dit Les Enfants de la Vérité et reconnaissons très valable leur acte de naissance du 10 avril 1810, et attestons que le Pays Eugène Corbineau était bien compagnon doleur et qu’il leur donna la lumière du Devoir à Blois. »

Il est surprenant que ces compagnons doleurs de 1920 puissent nommer par son nom de famille et son prénom un compagnon doleur de 1810, alors que nous savons que ce n’est qu’à partir de 1822 que ce compagnonnage enregistre les noms et prénoms dans ses registres de réceptions.

Divers mots

-Extrait du discours d’Abel Boyer, Périgord Cœur Loyal, compagnon maréchal-ferrant du Devoir, pour le 125e anniversaire des compagnons boulangers du Devoir, Blois, 1936 :

Les boulangers connaissaient les liens de solidarité qui unissaient les compagnons, leur discipline de fer. Ils voulaient se constituer à leur image, mais on les repoussait. Ce fut un bien énigmatique personnage que ce Bavarois Beau Désir que les doleurs affirment ne pas connaître, mais qui, sans doute, recelait un anonymat mystérieux et qu’il eût été dangereux de détruire pour la sécurité de quelques existences…


-Autoportrait de Claude Dupot, Dauphiné Sans Rémission (*) en 1843, compagnon doleur du Devoir, l’on remarque la doloire suspendue à l’oreille droite et une très grande canne avec cordon simple et court, Coll. Eric Fourthon.
* Originaire de Saint-André (38), il est reçu à Tours à Pâques 1843, fini à Cognac à la Saint-Jean 1845 et il remercie la société des compagnons doleurs en 1847. Il est actif au sein de la cayenne de Cognac au moins jusqu’en 1863.

-Extrait d’un livre d’instruction des compagnons boulangers du Devoir, fin XIXe siècle :
« …mais comment arracher des héros le secret de leur organisation, eux qui tant de fois ont fait le sacrifice de leur vie sans rien avouer, ont refusé des fortunes avec le plus profond mépris, il n’у fallait pas songer. II fallait un traître, il se trouva dans la personne de Bavarois Beau Désir, compagnon doleur du Devoir, lâche et ambitieux avec cela dans la misère, loin de chercher à améliorer son sort par le travail, vendit ce qu’il savait du Devoir pour une somme modique. »

-Jean Joguet, Rochelais le Courageux, compagnon boulanger du Devoir, le 10 février 1888 dans le journal : Le Ralliement des Compagnons du Devoir :
« Les C.B.D.D […], les mystères furent transmis à leurs pères par le vieux compagnon doleur Nivernais Frappe d’Abord...»

Chien blanc sur une pelle à enfourner, surnom donné à leur naissance aux compagnons boulangers
Musée du Compagnonnage de Tours.

 

Analyse de l’ensemble des noms du fondateur et des premiers compagnons boulangers cités dans cette recherche

1829 : Fondateur : Pierre Laforêt dit Bourguignon la Tranquillité.

1840 : Fondateur : Bavarois Beau Désir, compagnon doleur.
Premiers compagnons boulangers : Nivernais Frappe d’Abord, Montbart I’Inviolable. (Montbard est une commune de Côte-d’Or).

1859 : Fondateur : Michel Eugène Corbineau, Nivernais Frappe d’Abord, compagnon doleur.
Premier compagnon boulanger : Pierre Martel, Nivernais Frappe d’Abord.

1888 : Fondateur : Nivernais Frappe d’Abord, compagnon doleur. 1920 : Fondateur : Michel Eugène Corbineau, Nivernais Frappe d’Abord, compagnon doleur.
Premiers compagnons boulangers : Pierre Martel, Nivernais Frappe d’Abord, Alfred Monbard, Beauceron l’Inviolable.

Nous observons entre 1829 et 1859, trois fondateurs différents. À partir de 1859, Nivernais Frappe d’Abord qui était boulanger en 1840, devient par les écrits d’Arnaud, doleur et cela est repris en 1888 et 1920.

La version de 1920 réunit le Nivernais Frappe d’Abord doleur et le Nivernais Frappe d’Abord boulanger.

Apparaît en 1920, un Alfred Montbart, reprenant le nom de province d’un des deux premiers compagnons boulangers de 1840, Montbard l’Inviolable. Celui-ci est nommé Beauceron l’Inviolable.
(Notons que le qualificatif  l’Inviolable est utilisé dans certaines légendes de Maître Jacques, comme étant son nom de compagnon.)

Cette analyse, en sortant du cadre des compagnons boulangers, nous fait découvrir la façon dont peuvent se construire les légendes compagnonniques, les évolutions et transformations au fil du temps.

 

Reconstitution et hypothèse

L’origine des compagnons boulangers du Devoir est donc complexe, pour ne pas dire obscure, mais considérant que dans tout écrit réside une part de vérité, j’ose proposer une hypothèse :

Le nommé Pierre Laforêt, ouvrier boulanger sur le Tour de France, en accord avec le groupement d’ouvriers boulangers auquel il appartient, change sciemment de profession et épouse celle de doleur, afin de percer le fameux mystère des compagnons du Devoir.

Il intègre le compagnonnage des doleurs du Devoir et se fait recevoir compagnon doleur à Blois à la Saint-Jean 1808, sous le noble nom de Bourguignon la Tranquillité.

Au grand malheur des ouvriers boulangers, Bourguignon la Tranquillité, est appelé à servir la grande Armée de Napoléon, sans avoir été fini (sans connaître les mots et gestes des reconnaissances).

Les ouvriers boulangers de son groupement ne se nomment donc pas compagnons, mais donnent naissance aux Sociétaires boulangers du Tour de France.

Mot d’ordre est donné aux sociétaires boulangers de se rapprocher des compagnons doleurs par tous les moyens afin de connaître ces fameuses reconnaissances qui permettront de s’affirmer compagnon du Devoir.

L’occasion se présente à Blois, le 14 avril 1810 où un vieux compagnon doleur fréquente la Mère des ouvriers boulangers, et cherche à se venger de son corps d’état qui l’aurait abandonné lors d’une rude maladie, mais surtout à gagner une belle somme d’argent.
Il vend 1 400 francs aux boulangers les reconnaissances des compagnons doleurs et les enseigne à Pierre Martel qu’il baptise Nivernais Frappe d’Abord.

L’honneur des Compagnons doleurs dédié à la Cayenne de Beaune 1818. Dessin et calligraphie à l’encre par Jean-Baptiste Grivot, Bourguignon la Prudence, reçu compagnon doleur du Devoir à Beaune à la Saint-Jean 1800. (Inv, 58.3.4, musée du Vin de Bourgogne, Beaune, photo : musées de Beaune).

Le doleur ayant trahi son corps d’état, sachant que son acte provoquera la colère de ses membres, préfère quitter la France pour les États-Unis et s’embarque à Rouen pour le Nouveau Monde.

En novembre 1811, les sociétaires boulangers ayant choisi la voie de la scission pour fonder le Devoir, se proclament compagnons boulangers du Devoir et déclarent leur première Cayenne à Blois, ville fondatrice.

Cette ville est celle où trois ans plus tôt, Bourguignon la Tranquillité, fut reçu compagnon doleur du Devoir et où il initia les sociétaires boulangers au compagnonnage du Devoir.

L’enseignement fait tache d’huile et rapidement le Devoir se répand chez les boulangers du Tour de France, ce qui provoque la haine des compagnons doleurs envers le traître et les compagnons boulangers nouvellement déclarés.

Les boulangers refusant d’appartenir aux Enfants de Maître Jacques sont surnommés par ces derniers Rendurcis vu leur refus d’adhérer à cette société composée de prétendus compagnons.

Entre 1810 et 1830, toutes les archives de Blois sont volontairement détruites (ce que rapporte Jean-Baptiste Entraygues, Limousin Bon Courage) lors d’un conflit entre compagnons boulangers.

Ultérieurement, les compagnons boulangers rédigent ce faux certificat où un certain Bavarois Beau Désir apparaît pour la première fois. Ce faux est dans l’air du temps ; En effet, lors de la première moitié du XXe siècle, les compagnons réalisent des arbres généalogiques des corps d’état. Certains, ayant des naissances discutables voire inconnues, ne vont pas hésiter à écrire leur propre l’histoire à l’aide de faux parchemins comportant de fausses dates, faisant remonter la naissance de leur métier à des périodes héroïques, légendaires ou historiques.

Les rédacteurs en profitent pour égratigner la fraternité des compagnons doleurs. Bavarois Beau Désir ne recevant aucun secours de ses frères en Devoir lors d’une maladie est une attaque discrète aux règlements et pratiques de ce compagnonnage.

Les compagnons boulangers conservent ce certificat pendant plusieurs années jusqu’à la période des reconnaissances (1860-1870), où il est présenté au grand jour pour affirmer une naissance honorable.

Afin de propager cette version sur le Tour de France, une opération de communication est mise en place, par l’impression d’une lithographie, reproduction de la lettre de Bavarois Beau Désir, réalisée par François Ménager, Nantais le Résolu.

Bavarois Beau Désir, devient histoire et vérité…

 

Une mystérieuse médaille

Claude Frédéric Maurel, ami numismate passionné, possède dans sa collection une médaille bien mystérieuse.

Référencée sous le numéro 515 dans l’ouvrage de Marc Labouret sur la numismatique maçonnique « Les Métaux et la Mémoire. » de Labouret Marc, (Les métaux et la mémoire, la Franc-Maçonnerie française racontée par ses jetons et ses médailles. Paris, éd. Maison Platt, 2017.)

Cette médaille mesure 32 mm X 26 mm. L’avers porte en bordure les mentions « EMBLÈME DU DEVOIR 3011 », et est orné en son centre d’une équerre et d’un compas entrecroisés. Le revers est orné d’une couronne de lauriers entourant la mention : « BLOIS AN DE GRÂCE 1808 ».

Marc Labouret présente cette médaille ainsi : 515. Blois, loge inconnue.

À Blois, en 1808, il existe deux loges : Sainte-Bonne des Amis Réunis (1787-1845) et Unité d’Arts et Métiers (1803-1872).

La médaille, donnée comme maçonnique par Blanchet, Bramnsen et HZC, présente deux originalités :

D’une part, en ne mentionnant pas de nom de loge, d’autre part, en évoquant deux notions qu’on ne rencontre pas ailleurs dans la numismatique maçonnique : Celle d’an de grâce et celle d’emblème du devoir.

Le numéro 3011 est inexpliqué. Peut-être la médaille n’est elle pas maçonnique, mais compagnonnique.

À cette date, il semble qu’il faille écarter l’idée d’un usage mutualiste.

3011” ; Coll. C. F. Maurel.

BLOIS AN DE GRÂCE 1808 – EMBLÈME DU DEVOIR 3011

Nous savons désormais que 1811 n’est pas la seule et unique date importante dans la Fondation à Blois des compagnons boulangers du Devoir, nous avons désormais deux dates :

  • 1808, date de réception à Blois par les compagnons doleurs du Devoir du boulanger Pierre Laforêt, compagnon doleur du Devoir sous le nom de Bourguignon la Tranquillité.
  • 1811, premières réceptions de compagnons boulangers par des compagnons boulangers, cette date étant reconnue comme acte de Fondation de la cayenne de Blois.

La comparaison de ces deux dates à celles inscrites sur la médaille ne manque pas de nous interpeller.

1808-1811

1808-3011

Seule la datation 3011 interpelle. Je vais y répondre par une autre question. Les jeunes compagnons boulangers, n’auraient-ils pas cherché, en transformant 1811 en 3011, à se donner des racines anciennes, comme cela se pratique d’une certaine façon dans la Franc-maçonnerie avec son calendrier de la vraie lumière ?

– L’an un du calendrier maçonnique est l’« Année de la Vraie Lumière » — Anno Lucis en latin. Il marque le début de l’«Ère de la Vraie Lumière (VL)». Avant les termes Anno Lucis apparaissent à partir du XVIIIe siècle sur des documents anglais les termes Anno Masonry, puis Anno Latomorum, Anno Lithotomorum ou Anno Laotomiae (Ère des Tailleurs de pierre).
La datation de l’«Année de la Vraie Lumière» se baserait sur les calculs de James Ussher, prélat anglican né en 1580 à Dublin. Il avait élaboré une chronologie débutant avec la création du monde selon la Genèse, qu’il estimait à 4 004 av. J.-C., se basant sur le texte massorétique plutôt que sur la Septante.

Le pasteur Anderson l’a préconisée dans ses constitutions de 1723 pour affirmer symboliquement l’universalité de la maçonnerie en adoptant une chronologie supposée indépendante des particularismes religieux, à tout le moins dans le contexte britannique de l’époque.
La date choisie pour le début de l’Ère maçonnique est 4 000 av. J.-C. L’année maçonnique a la même longueur que l’année grégorienne, mais débute le 1er mars comme l’année julienne encore en vigueur à l’époque de la rédaction des Constitutions d’Anderson.
Elle prend le millésime de l’année grégorienne en cours, augmenté de 4 000, les mois ne sont désignés que par leur numéro ordinal.

Le 26 septembre 2013, mon ami Jean-Michel Mathonière, sur son très beau site Compagnons et Compagnonnages, nous dit ceci :

« Ce nombre 3011 n’est évidemment pas sans évoquer une datation autre que celle de l’ère chrétienne, du type de celle en usage dans la franc-maçonnerie pour qui notre année 2013 est 6013, quatre mille ans étant rajoutés au millésime de l’année grégorienne (et l’année maçonnique de la « Vraie Lumière » débutant le 1er mars). La mention 3011 pourrait-elle être celle d’une datation particulière ? En admettant que cette date « ésotérique » corresponde à « l’an de Grâce 1808 », cela fixerait le commencement de cette ère à l’année 1203 avant l’ère chrétienne. Ce qui, à première vue, ne me semble correspondre à rien dans l’histoire antique qui posséderait du sens par rapport aux compagnonnages…

Toutefois, si on admet que ce bond en arrière repose non sur une datation précise, historique, mais sur une approximation trouvant son fondement dans une légende ou dans une connaissance très superficielle de l’histoire, on peut faire l’hypothèse que le commencement de cette ère « compagnonnique » est en rapport avec la construction du temple de Jérusalem sous le règne de Salomon (vers 950 avant J.-C.), lieu et monument fondateur de la tradition compagnonnique et maçonnique selon de nombreux légendaires. Il faudrait explorer avec attention les chronologies peu ou prou « historiques » dont pouvaient avoir connaissance des Compagnons des années 1800-1810.

Il n’est pas à exclure que l’une d’entre elles ait proposé la construction du temple vers 1203 avant l’ère chrétienne. De fait, on peut remarquer que bien que nombre de légendes compagnonniques fixent la naissance des Compagnons tailleurs de pierre lors de la construction du temple « de Salomon », c’est pourtant seulement à l’année 558 avant J.-C. que les tableaux compagnonniques de préséance les plus connus situent la naissance de ce premier corps… Il y a là de quoi perdre son latin et son hébreu, ainsi que ne plus savoir compter !
Ou s’il s’agissait tout simplement d’une erreur de la part du graveur, d’une « coquille » ?…»

 

EMBLÈME DU DEVOIR : ÉQUERRE ET COMPAS.

Détail d’une Marque Secrète, vers 1825

L’équerre, le compas et la devise Emblème du devoir sont intéressants et peuvent être très facilement et avec raison associés, non seulement au rite de réception (au côté de la couronne de lauriers), mais aussi à l’histoire des compagnons boulangers.

En effet, les différents travaux d’études sur les rixes entre compagnons boulangers et autres compagnonnages des métiers du bâtiment démontrent que le port de canne et de couleurs par les boulangers n’est pas la seule cause des sanglantes rixes.

Une autre tout aussi importante est le port ostentatoire de l’équerre et du compas, tout particulièrement sur leurs bannières les jours de Saint-Honoré. Il est à noter également que n’étant pas encore reconnus du Devoir, les compagnons boulangers s’affirment du Devoir en ornant leurs Marques Secrètes d’une équerre et d’un compas, dès 1825.

L’équerre et le compas pour les compagnons boulangers sont bien le signe de leur appartenance revendiquée au Devoir, l’EMBLÈME DU DEVOIR.

La couronne de lauriers est peu représentée dans la symbolique maçonnique. En revanche, nous connaissons son importance au côté de l’équerre et du compas dans les rites de réception des compagnons boulangers, associée à la légende de Maître Jacques.

Je n’ai pas suffisamment d’éléments pour affirmer l’appartenance de cette médaille au compagnonnage des boulangers du Devoir, mais en attente d’une contradiction accompagnée d’éléments nouveaux, la présomption est d’importance et de rigueur.

 

Extrait de l’ouvrage Philologus Hebraeo-Mixtus (1663) de Johannes Leusden (1624-1699).

 

Extrait du livre « Le Pain des Compagnons » L’histoire des compagnons boulangers et pâtissiers

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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