« Les froments les plus productifs sont les froments rameux » écrit Pline l’ancien au premier siècle de notre ère.
À cela, 17ᵉ siècle plus tard, Henri de Vilmorin (1880) change tout à fait le registre et qualifie ce blé ramifié ou dit « miracle » de « monstruosité ».
Un siècle avant H. de Vilmorin, Alexandre Henri TESSIER, dans l’Encyclopédie méthodique, écrit en 1784 de ce blé de miracle, qu’il « ne sème que par curiosité dans beaucoup de pays, et par conséquent en petites quantités ».
« Un objet de curiosité » plutôt « qu’une variété réellement recommandable » confirme encore H.de Vilmorin.
Et c’est toujours pour sa grande spécificité qu’on le retrouve encore actuellement, chez les paysans boulangers français et européens, où on le choisit pour « agrémenter l’intérêt » lors des visites des mini-parcelles de collection de blés.
En France, on dénommera ce blé, « Miracle » comme il a toujours eu le don de frapper vivement l’imagination des ignorants et des cultivateurs novices qui s’imaginent en obtenir des rendements prodigieux, tandis qu’ils ne donnent en général qu’un produit assez médiocre, surtout au point de vue de la qualité écrit H. de Vilmorin.
Pour comprendre ces derniers propos, c’est généralement des blés plutôt durs que tendres qui ramifient, d’où la destination préférentielle pour la pastification et moins la panification.
Les Anglais vont appeler ce blé miracle ; Egyptian wheat.
Le nom « blé de momie » existe aussi dans ses synonymes, parce que l’on fera circuler sur lui la légende d’une semence retrouvée dans les fouilles de tombeaux enfouis dans les pyramides et qui aurait re-germé.
Très peu plausible, cette re-germination après 17 à 20 siècles, alors qu’après 5 ans sans être re-semé, le taux de germination décroit déjà fortement, d’autant plus que si le froid et le sec sont bien présents ou pas.
Le nom que lui donneront les Italiens : « grano a grapolli », représente bien la morphologie de ce blé, un blé à grappe.
Dans l’inventaire des dénominations des vieux blés réalisé en latin, par Gaspard Bauhin en 1671 (Théâtre Botanique…), les noms de blés à épis multiples (spica multipli), blé rameux (ramosum), ou blé composé (compositum) lui sont attribués.
Dans les terres riches, on remarque plus facilement ces blés « Miracle » et cette propriété de ramification, est précisément due au sol fertile, plus qu’une propriété propre à une variété de blé unique.
On peut retrouver ces ramifications sur les variétés de blés poulards principalement, mais aussi sur d’autres (le grand épeautre par exemple).
« Dans les terres pauvres, il n’est pas rare de voir l’épi perdre partiellement ou complètement son caractère, et reproduire alors la forme à épi simple d’un des blés poulards» écrit encore, H. de Vilmorin confirmé par les observations d’Augustin De Candolle .
Plus ou presque pas de ramifications ou épis multiples pour les poulards dans les terres pauvres, comme le prouvent ces planches de poulards « faiblement miraculeux » en Australie et en Allemagne.
Blés poulards qu’auparavant étaient surnommés «gros blés» ou dans le Sud, «blés de gaudelle» et c’était le Massif Central leur zone de prédilection. Mademoiselle Dusseau qui fit son doctorat en 1931, sur les les blés d’Auvergne y décrira principalement des poulards.
Le poulard d’Auvergne qui est de ceux décrits par A.Dusseau
En Angleterre, si vous voulez pister les poulards, cherchez-les sous l’appellation «rivet», puisqu’ils sont bombés comme un rivet.
En Allemagne, on l’appellera « blé anglais », même si ces origines se situent plus au Sud.
Les alluvions de la vallée du Nil donneront l’occasion de produire ces multiples épis, ce qui expliquent bien leur ramification très présente là en Égypte, un de leurs pays d’origine.
C’est un Égyptien (Salah Gowayed) réalisant son doctorat dans ce XXIᵉ siècle sur les blés de son pays qui mettra en évidence le phénomène de différentes ramifications ou branchements
En allant récupérer dans les banques de semences du monde entier les blés égyptiens et en les replantant, ils les observeront sur toutes les coutures.
On lui doit ainsi quelques éclaircissements sur de nombreux blés ramifiés et notamment cette troisième glume, qui signe, d’après lui, la domestication de ces blés. Pour suivre le travail en anglais de Salah Gowayed…
Marc Dewalque.