La patronne au XVIIIe

Au XVIIIe siècle, les boulangères sont accusées,
à tort ou à raison, d’avoir la cuisse légère.
Belle meunière, belle boulangère.

Cette beauté leur venait, en comparaison de l’aspect physique de quantité de leurs contemporaines maigres et mal nourries, du fait qu’elles mangeaient à leur faim du pain confectionné avec des farines de première qualité et que cet air de santé et leur teint frais leur donnaient une certaine beauté.

Dans la nouvelle de Restif de la Bretonne, intitulée La Belle boulangère, celle-ci trompe son mari et implore son pardon.

Voici les paroles d’une chanson célèbre de cette époque :

La belle boulangère
A prêté son devant
Avec une lingère
Pour avoir de l’argent
Et leurs maris cocus
Cocus tout pleins de cornes
Vous amassez beaucoup d’écus
La boulangère a des écus
Qui ne lui coûtent guère.
Elle en a, je les ai vus ;
J’ai vu la boulangère Aux écus ;
J’ai vu la boulangère.
D’où viennent tous ces écus
Charmante boulangère ?
Ils me viennent d’un gros Crésus
À tous les gens de guerre ;
Vois-tu ;
À tous les gens de guerre.
Des petits maîtres sont venus
En me disant : « Ma Chère,
Vous êtes plus belle que Vénus.
Je n’les écoutai guère ;
Vois-tu ;
Je n’les écoutai guère.
Des abbés coquets sont venus ;
Ils m’offraient pour me plaire
Des fleurettes au lieu d’écus.
Je les envoyai faire ;
Vois-tu ;
Je les envoyai faire.
Moi, je ne suis pas un Crésus ;
Abbé, ni militaire ;
Mais mes talents sont bien connus
Boulanger de Cythère ;
Je pétrirai le jour venu ;
Notre pâte légère.
Et la nuit, au four assidu
J’enfournerai, ma chère ;
Vois-tu ;
J’enfournerai, ma chère.
Eh bien ! Épouse ma vertu ;
Travaill’ de bonn’ manière.
Et tu ne seras pas déçu
Avec la boulangère
Aux écus !
Avec la boulangère.

Dans les compagnonnages du XIXe siècle est répandue l’allégorie du compagnon de passage qui, mal payé et mal nourri, par vengeance accompagnée du plaisir, charme sa patronne et finit par lui soulever le jupon…

Cela, bien sûr, juste avant son départ, ne laissant qu’en souvenir de son passage des cornes sur la tête du « mauvais » patron et « mauvais » époux. Mais il ne s’agit pas toujours de vengeance… Il arrive en effet que patronne et passant s’entichent juste pour les plaisirs de l’amour…

Cela me rappelle une aventure lors de mon Tour de France : Un jeune boulanger itinérant, ayant cédé au plaisir de la chair avec sa patronne, et cela étant remonté aux oreilles du malheureux époux, quitta bien sûr l’entreprise et nous fûmes obligés de le faire changer de ville dans le plus bref délais…

Comme se plaît à dire avec beaucoup d’humour, Tourangeau Sans Quartier, dans la fameuse série télévisée, Ardéchois Cœur Fidèle : Quels sont les deux plus grands ennemis des compagnons sur le Tour de France ? Les femmes riches et les femmes pauvres !

(Ardéchois Cœur-Fidèle est un feuilleton télévisé français en six épisodes de 55 minutes créé par Jean Cosmos et Jean Chatenet, réalisé par Jean-Pierre Gallo, et diffusé du 21 novembre au 19 décembre 1974 sur la deuxième chaîne de l’ORTF.)


Oui, ma femme, c’est une bonne pâte !
Mais c’est pas moi qu’a fourni le levain pour la faire lever c’te pâte !…
On n’couche jamais ensemble !
L’Assiette au Beurre, n° 477, 21 mai 1910.

 

La boulangère


La boulangère a mis sa robe claire
Elle s’en va vers le hameau voisin
Près d’elle passe un joyeux militaire
Qui fait à pied, comme elle, le même chemin.
Si nous allions à deux
Ça irait mieux.
Moi, si ça vous convient, Ça m’ira bien
En chantant le refrain
Qu’on chante chez les marins.
Boulangère, faut pas s’en faire
Les amours, ça va, ça vient, ça fait du bien ;
Un baiser c’est une affaire
Surtout quand personne n’en sait rien.

En traversant le bois des tourterelles
L’oiseau chantait et le ciel était bleu.
La belle dit : « Comme les fleurs sont belles »
Le marin dit : « Asseyons-nous un peu »
Écoutons les pinsons
Dans les buissons
Qui chantent encore pour nous
Que l’amour est doux.
Allez-vous refuser
D’vous laisser embrasser. ».
La fin de la chanson est un mystère que le marin jamais ne trahira.
Embrassa-t-il la belle boulangère ?
Ce n’est pas elle non plus qui le dira.
À la porte du hameau
Sans dire un mot
En le voyant partir
Eut un soupir
Et le marin content
S’en alla en chantant.

  • Rondes à danser » Edité par Ballard en 1724), commence ainsi :

« C’est la jeune boulangère
Du bout du pont Saint-Michel
Elle s’en va en pel’rinage
Son mari est trépassé. »

Dans la suite, un garçon pâtissier qui la connaît bien n’hésite pas à lui dire qu’elle revient d’un pèlerinage à Cythère *

(* île grecque dont les eaux ont vu naître Aphrodite, déesse de l’amour).

Extrait du livre « Le Pain des Compagnons » L’histoire des compagnons boulangers et pâtissiers

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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