Hémicellulases sur l’étiquette du sac de farine. Un nouveau nom pour pas mal d’entre-nous…
LE NOM « Hémicellulases ou pentosanases »
«En général, le terme hémicellulose correspond à la partie insoluble dans l’eau, pentosane à la fraction soluble». il faut dire que les premiers deviennent partiellement solubles au cours des transformations enzymatiques lors de la panification.
On retrouvera les pentosanes sous plusieurs appellations dans les diverses disciplines scientifiques, ce qui va permette de cerner la « matière ».
Polysaccharides non amylacés, gommes ou alors elles sont inclues dans un nom de matières soit matières muqueuses, matières mucilagineuses, matières gélifiantes, matières épaississantes, matières colloïdes ou matières visqueuses.
En terme diététique il s’agit souvent de fibres alimentaires solubles ou pas.
Les noms des sucres simples (arabinose ou xylose) qui les composent ou l’arabinoxylane le sucre composé des sucres précités est plus précis en terme scientifique.
X.ROUAU, écrira même que les enzymes hémicellulases sont appelées «trivialement, pentosanases».
UNE NOUVAUTE TECHNOLOGIQUE ?
Pas connue avant le début des années 1990.
Pourquoi ? Parce que la donne était le pain blanc et que les pentosanes se trouvent en quantités importantes à la périphérie du grain ((G.SPICHER, 1987, p.40, donne pour le seigle une répartition de «…30% des pentosanes du grain dans l’amidon , les 70% restants se trouvent dans l’écorce».)).
Ainsi, parce que les farines «blanches» en contiennent peu et qu’en plus le froment est la céréale qui en contient le moins ((On donne un rapport de teneur supérieur de 150% pour le seigle complet vis-à-vis du froment complet. Si on ajoute le pourcentage repris à la note précédente pour comparer seigle complet à froment «blanc», on part dans un rapport de 1 pour le froment «blanc» à 5 pour le seigle complet.)), on négligera ce que les premiers traités de boulangerie française appelait le «muqueux» du blé ((PARMENTIER, p.25, après avoir décrit, en 1778, le son de blé et la matière glutineuse et avant d’aborder l’amidon, parle «du muqueux du blé», qui était au XVIIIèmesiècle le nom générique de la substance farineuse.
Ce muqueux, écrit-il «a une saveur sucrée, attire l’humidité de l’air, poisse les mains, se dissout aisément dans l’eau froide.
Le muqueux du blé se trouve distribué dans toutes les parties de la fructification des plantes qui sont nutritives»)) (les pentosanes), au profit quasi exclusif du «glutineux» du blé.
Les pentosanes ont une capacité d’absorption d’eau de +/- 8 fois leur poids d’eau.
Alors que le gluten ne retient que 1,8 fois son poids.
Même s’il y a 4 fois moins d’hémicelluloses (=pentosanes) que de gluten, ce sera encore les pentosanes qui prendront la plus grosse charge.
Ici c’est le pouvoir absorbant des hémicelluloses et du gonflement de l’amidon qui s’en suit, qui organise le développement de la mie.
Une expansion de la mie qui ne tient pas qu’aux alvéoles, mais qui pense à alléger l’amidon.
A la cuisson par l’eau, retenue puis diffusée par les hémicelluloses, l’amidon va alors absorber cette eau et se gonfler.
Un peu comme le grain de riz par sa cuisson dans l’eau ébouillantée.
Voilà comment s’explique le développement et la légèreté de la mie dans une panification de céréales riches en pentosanes.
La qualité technologique de la farine ne se juge pas à la seule force de pousse de la pâte, il vous faudra différer l’estimation de la force de pousse au résultat obtenu lors de l’éclatement de l’amidon à la cuisson. ((Vécu de fournil, lorsque l’on observe à l’enfournement d’une pâte «jeune» que celle-ci se développe ou «éclate» mieux au four, qu’un pâton enfourné au maximum de développement et rétention gazeuse.))
Pas évident comme attitude à prendre.
D’ABORD SOUS LE NOM D’AMYLASES A EFFET SECONDAIRES
On signale des pentosanases ou hémicellulases du blé, principalement concentrées dans les parties périphériques du grain et dites en faibles quantités.
Leurs activités variant suivant les variétés de froment, elles ont des niveaux d’actions dits faibles aussi par les chercheurs .
Pourquoi leurs actions est-elle minimalisée ?
Parce que tout simplement des études les déclarent d’un niveau d’activité «très largement inférieurs à ceux des doses d’hémicellulases utilisées en additifs» ((X.ROUAU, p. 16.
Précisons aussi que la panification a évolué en raccourcissant parfois à une partie de plus en plus congrue l’espace temps de fermentation.
Souvent en éliminant les pré-pâtes (levain, poolish) et en diminuant le pointage au profit de l’apprêt, la farine n’a plus eu beaucoup de temps pour absorber l’eau. Le rôle des pentosanes (capter l’eau) s’en retrouvera amenuisé.))
On ne part plus de l’expression naturelle comme référence, mais c’est l’addition qui est le repère, on inverse la démarche, là.
Pourquoi ? Parce que l’on était déjà habitué au service rendu par ce «travesti» en amylases.
En effet, dès l’instant où l’amylase fongique, est apparue sur le marché (en 1979), des effets secondaires qui venaient des pentosanases, seront repérés et employés pendant presque vingt ans sous la dénomination «amylases à activités secondaires».
H. PETRICH-MURRAY et P.DUCROO, p. 14 écrivent même; «Pour des raisons diverses, ces enzymes -hémicellulases- sont apparues en panification sous l’appellation : amylases à activités secondaires. Très vite ces activités dites secondaires sont apparues comme principales».
Ce qui va suivre est très technique.
On entre dans l’intimité de la pâte.
N’avez-vous pas observez ces dernières années une évolution dans le toucher et le comportement des pâtes ?
Plus qu’avant, les pâtons restent en forme comme gélifié, même trop soufflé, ils semble se stabiliser.
Voilà probablement l’explication; les hémicellulases.
QU’APPORTE LES ENZYMES HEMICELLULASES DANS LA PÂTE
De nombreuses variétés d’hémicellulases existent sur le marché.
Il faut attribuer cette diversité à la plus grand complexité des ces chaînes de sucres pentoses par rapport aux chaînes d’hexoses (glucose) qu’est l’amidon ((Lutz POPPER de Mühlenchemie écrit p.1, «Le terme d’hémicellulase désigne une famille d’enzymes dont les membres, sont capables de décomposer les pentosanes. Leur impact sur la panification et les propriétés de la pâte varie toutefois beaucoup d’une enzyme à l’autre»))
Plusieurs firmes productrices d’enzymes ont d’ailleurs une gamme importante d’hémicellulases ((Les fabricants d’enzymes allemands (Röhm et Mühlenchemie) ont su préserver leurs initiatives en matière de production d’hémicellulases. La première (aujourd’hui devenue AB Enzymes) qui a été précurseur de ce domaine des pentosanases présente une quinzaine de xylanases en mélange ou pas avec des amylases fongiques et des xylanase transglutaminase, c’est-à-dire une xylanase qui permettent de se lier avec les protéines. Des xylanases bactériennes qui ciblent parfois les hémicelluloses insolubles avec un bulletin final couché sur prospectus commercial ; d’extensibilité, régulation et volume. La deuxième firme allemande, (Mühlenchemie) présente une douzaine de propositions avec également des mélanges amylases et hémicellulases et cible pratiquement les mêmes effets. Des spécificités pour la panification du seigle ou pour de longues fermentations sont également rencontrées. Voir ; les sites de ces deux firmes, notation de juillet 2011; http://www.abenzymes.com et http://www.muehlenchemie.de)) ce qui démontre cette multiplicité d’actions potentiels.
L’action des xylanases se différencie comme les amylases avec l’impossibilité ou pas de dégrader aux approches de branchements ou ramifications ((Voir J.-P. LARPENT et M. LARPENT-GOURGAUD, p.328. écrivent qu’il existe 6 types de xylanases. Certaines sont capables de détruire les liaisons au point de ramification, d’autres pas. Lorsqu’elles coupent les branchements, elles peuvent différer par les produits terminaux formés ; xylose (1 molécule), xylobiose (2 molécules), xylooligosaccharides (plusieurs molécules). Lorsqu’elles sont incapables de supprimer les points de ramification, elles donnent des oligo-saccharides plus grands que le xylobiose. Enfin certaines xylanases ne savent pas couper les liaisons avec l’arabinose et de ce fait ne produisent que du xylose et du xylobiose.))
Il existe, comme pour les protéases, non seulement la potentialité des dégradations en de toujours plus petites portions, mais aussi des possibilités de connexion en de plus longues assemblages, intra-éléménts (entre chaînes pentosanes) et parfois inter-éléments (entre chaînes pentosanes et chaînes de protéines).
Reprenons les actions que les hémicellulases peuvent réaliser une par une.
RENDRENT SOLUBLES LES CHAÎNES INSOLUBLES POUR AMELIORER L’EFFET D’ABSORPTION
Rendrent solubles les hémicellulases insolubles, (10% en fin de pétrissage et 25% en fin de fermentation –levure-) est une des principales actions positives pour la pâte. ((X.ROUAU, p. 17 & 18. Les pentosanases en dégradant les hémicelluloses insolubles limite les interruptions dans le film de gluten par des inclusions fibreuses et renforce en viscosité ce même film. H. PETRICH-MURRAY et P.DUCROO, p. 13 écrivent que ce qui différencie les pentosanes insolubles des pentosanes solubles est le poids moléculaire et le degré de ramification interne, supérieures dans les premières citées.))
Il est préférable de rendre celles-ci solubles ((H. PETRICH-MURRAY et P.DUCROO, écrivent, p.13 ; «Il ne semble pas qu’une différence importante de composition existe entre les formes soluble et insoluble. Le poids moléculaire et le degré de ramification interne de la molécule expliqueraient la différence de solubilité».)) plutôt que dégrader les pentosanes solubles.
Pourquoi ? Pour profiter technologiquement des pentosanes, il importe, comme toujours, de ne pas trop dégrader les chaînes de celles-ci.
L’on a remarqué par exemple que les coupes des endo-xylanases (séparation opérée à l’intérieur de la chaîne de xylose, La liaison entre deux molécules de xylose s’effectue entre l’atome de carbone 1 et l’atome de carbone 4) se réalisaient plus difficilement à l’endroit où les sucres pentoses arabinose se trouvaient en lien (( La liaison de la molécule d’arabinose sur la molécule de xylose s’effectue soit le carbone 2 ou le carbone 3 du xylose.)) ou jonction sur le chapelet de xylose.
Ce qui procure des plus longs bouts de chaînes de xylose, intéressants technologiquement par leur plus faculté de capter l’eau ou de réaliser une meilleure viscosité.
Eau, une fois captée, qui se rediffusera à l’amidon lors de la venue dans la chaleur du four, et permettra à l’amidon de gonfler ou « éclater »
LES PONTAGES ENTRE CHAÎNES DE PENTOSANES CREE UN GEL.
Autre action, les pontages entre chaînes de pentosanes qui se réalisent grâce à des enzymes estérases sur les acides férulique où coumarique 8attachées à la molécule d’arabinose elle-même attenante à la chaîne de molécules de xylose. Ce qui donnera lieu à ce lien entre deux chaînes de pentosanes
Le tout permet de réaliser, à cru, un effet mousse gélifié que l’on peut schématiser comme suit pour une compréhension simplifiée ou l’on voit apparaître en éclats les acides féruliques prêt à se réunir par l’oxydation.
Ces acides devenus ; diférulique par leurs jonctions, créent comme un gel pâteux.
LES PONTAGES ENTRE CHAÎNES DE PENTOSANES ET CHAÎNES DE PROTEINES
Dernière action signalée, les pontages entre chaînes de protéines et chaînes de pentosanes
Ils se réalisent, une fois l’acide férulique estérifié.
Cette liaison est dite hydrogène ou phénoliques, c’est une liaison entre un atome d’hydrogène et un atone d’oxygène.
Deux acides aminés semble les plus sollicités dans ces liaisons, il s’agit de la tyrosine et de la cystéine. Le deuxième (cystéine) étant déjà sollicitée pour les ponts disulfurés (qui sont les liens créé par le gluten dans la pâte).
Ici, cela se passe entre l’acide férulique de la chaîne des pentosanes et les acides aminés de la chaîne de protéines.
Les voilà expliquer en schématisant sur une succession de deux figures.
Il faut savoir que le système des pontages observé plus haut, donnant des liaisons dans la pâte est réalisé grâce aux hémicellulases, mais pas toutes seules.
Il faut ajouté une enzyme glucide-oxydase (glucose-oxydase, hexose-oxydase) qui elle n’est pas native dans la farine.
Cette enzyme glucide-oxydase va créer du péroxyde d’hydrogène (autrement dit; va oxygéné l’eau) et c’est grâce à cette intervention que la peroxydase fera les pontages ou liens, réalisant ainsi ces espèces de gel.
EN RESUME
Ces effets techniques se réalisent en sur-dosant les teneurs en hémicellulases natives par des hémicellulases parfois recombinées (issue de microorganismes génétiquement modifié) et en ajoutant une enzyme qui elle n’est pas native (la glucide-oxydase).
Cela accélère des processus qui s’établissent lors de très lentes fermentations (qui oxydent mais plus lentement) comme le levain par exemple.
Autre point soulevé par Eric plus haut, de ce mini-dossier hémicellulases, l’allergie que les professionnels que nous sommes ne savent pas éviter comme le consommateur puisque nous travaillons avec les enzymes actives (recensé comme perturbatrices dans le système allergique) qui ne seront détruite qu’à la cuisson.
Sachez encore que les hémicellulases n’existent pas dans le système digestif des humains.
Marc Dewalque Artisan Boulanger – BoulangerieNet