Pour les passionnés de la Première Guerre mondiale, voici un document très intéressant et méconnu concernant la mobilisation des ouvriers boulangers. Nous découvrons que pour être ouvriers boulangers aux armées après avoir été mobilisé dans les troupes de combat, il faut avoir fait preuve de discipline.
Instruction pour la relève des boulangers ; sursis et formations.
Paris, 1917
Guide du boulanger mobilisé.
Les boulangers mobilisés peuvent obtenir de l’Autorité militaire le bénéfice de deux faveurs :
1) Pour ceux qui sont dans les unités combattantes, le versement dans des sections de Commis et Ouvriers d’Administration.
2) Pour tous, l’affectation en sursis dans une boulangerie civile.
Ces faveurs sont réservées naturellement aux mobilisés des classes les plus anciennes et, pour faire valoir ses titres à les obtenir, il faut réunir un certain nombre de conditions.
Envoi dans les sections de C.O.A.
Les demandes de boulangers mobilisés dans des unités combattantes, pour être versés dans des sections de C.O.A., peuvent être faites soit par l’intéressé lui-même, soit par sa famille. Dans l’un comme dans l’autre cas elles doivent être adressées à Monsieur le Ministre de la Guerre, 5e direction, Intendance Militaire, Mobilisation.
Si la demande est faite par la famille de l’intéressé, elle peut-être adressée directement.
Cependant, il est préférable de la faire adresser par le boulanger lui-même. Celui-ci la fait passer par la voie hiérarchique. Cette manière de faire, plus longue en apparence, offre l’avantage que le dossier de l’homme arrive tout constitué à la 5e direction, tandis, que dans l’autre cas le ministre est obligé de renvoyer la demande au corps de l’interessé, pour avoir son avis.
La demande doit faire connaitre exactement :
1) Nom, prénoms et domicile civil.
2) Corps d’affectation militaire.
3) Bureau de recrutement et numéro de matricule.
4) L’indication de profession portée au livret militaire et les raisons pour lesquelles cette indication peut avoir changé.
5) L’époque pendant laquelle l’intéressé a exercé la profession de boulanger.
6) Les endroits où il a travaillé.
7) La section de COA la plus proche de son domicile.
Cette dernière indication, sans engager l’autorité militaire, peut cependant être utile à l’intéressé, au cas où une vacance s’y produirait justement au moment de son affectation.
Ce versement dans les sections de C.O.A. est encore en cours actuellement. Il se fait par relève, c’est-à-dire que les hommes des classes les plus anciennes, remplacent à l’arrière, ceux des classes les plus jeunes. Cette relève peut donc varier avec les modifications des besoins de l’intendance militaire.
À l’époque actuelle, cependant, cette relève porte jusqu’a la classe 1908 S.A. inclusivement pour les sections situées à l’arrière, et jusqu’a la classe 1902 pour les formations dépendant du général commandant en chef.
Relève des boulangers en sursis
La relève des boulangers s’opère par roulement . C’est-à-dire, qu’étant donné un chiffre de boulangers sursitaires dans une région, un autre boulanger ne peut être mis en sursis qu’a condition qu’un sursitaire soit simultanément rappelé à l’activité, le roulement se faisant nombre pour nombre.
Conditions pour pouvoir être mis en sursis.
1) Classe.- Ce militaire doit appartenir aux classes 1888 à 1898 du service armé, et 1899 à 1902 du service auxiliaire. Il n’est possible d’accorder des sursis aux classes plus jeunes du service auxiliaire que dans des cas très exceptionnels.
2) Durée d’incorporation. -En principe, le militaire doit avoir au moins six mois d’incorporation pour pouvoir prendre son tour de roulement
Pour ceux qui, ayant déjà bénéficié d’un sursis ont été rappelés par relève, il est de règle que pour pouvoir revenir à nouveau , le temps de leur incorporation doit être au moins égal à celui de leur sursis. Un militaire bénéficiant d’un sursis au titre d’une région ne peut-être placé en sursis au titre d’une autre région, sans accord préalable.
3) Domicile.- Il est obligatoire que le militaire justifie avoir travaillé dans les limites de la région militaire pendant les six mois qui ont precédé la mobilisation. Toute déclaration mensongère entraine pour son auteur la comparution devant les tribunaux militaires. Cette règle se départit de sa rigueur en faveur des boulangers des pays envahis, qui peuvent être mis en sursis dans les limites du gouvernement militaire de Paris.
4) Conduite. – Le sursis n’est accordé qu’aux militaires les plus méritants. Tout avis du corps, défavorable au point de vue de la conduite, entraine le rejet immédiat de la demande.Il est d’ailleurs de même pour tout sursitaire rappelé par mesure disciplinaire ; il ne peut plus bénéficier d’un suris.
5) Certains boulangers appartiennent à des armes spéciales où leur présence est indispensable : armement, aéronautique . L’avis du Ministère compétent est indispensable.
Formes de la demande.
Afin d’éviter la participation au bénéfice de la relève de membres d’autres corps de métier ou d’ouvriers n’ayant pas travaillé dans la région, les demandes doivent être adressées à la Mairie des intéressés (Décisions ministérielles des 20 novembre 1915, 23 mai 1916 et 27 février 1917).
Cette demande est rédigée sur le papier libre.
Elle peut être faite dans les termes suivants :
Monsieur le Maire,
J’ai l’honneur de solliciter mon admission au bénéfice de la relève des boulangers.
J’habite à (pour les ouvriers).
Je travaillais à pendant les six mois qui ont precédé la mobilisation.
Conduite de l’homme place en sursis.
Dès son arrivé en sursis, le militaire doit se présenter au bureau central de recrutement, où il lui est fait remise de son ordre de sursis, dit modèle 27. Cette démarche a pour but d’aviser l’Autorité militaire de son arrivée ; il se trouve ainsi en règle avec elle et provoque le rappel à l’activité du sursitaire avec qui il fait le roulement.
Lorsqu’un militaire reçoit une affectation incompatible avec ses aptitudes professionnelles, il peut demander, concurremment avec son patron, son changement de poste.
Sous aucun prétexte le sursitaire ne peut quitter son poste, sans en avertir l’autorité militaire. Lui-même doit le prévenir de tout changement de résidence.
Les mutations de sursitaires peuvent être accordées, à condition de réunir l’assentiment des deux patrons et des deux ouvriers.
Lorsqu’une sursitaire tombe malade, il doit en aviser immédiatement l’autorité militaire, qui le fait visiter et procède au besoin à son remplacement.
Le boulanger sursitaire ne doit jamais oublier qu’il jouit d’une faveur et non d’un droit, et qu’il ne manque pas de camarades pour le remplacer. Tout manquement au bon ordre provoque son rappel immédiat à l’activité par mesure disciplinaire, avec possibilité d’une punition à son arrivée au corps.
Au moment de son rappel à l’activité, le boulanger sursitaire peut aller solliciter à la place une permission de deux jours pour mettre son successeur au courant du travail.(BNF Gallica)
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.