Compagnons boulangers et la Saint-Honoré

Au fil du temps, le déroulement de la Saint-Honoré des compagnons boulangers évolua par des ajouts et par des retraits. Lors des quarante premières années, la fête se déroulait sur deux jours, les 15 et 16 mai, précisément et invariablement.

Cette journée du 16 mai était souvent source de conflits avec les maîtres, les compagnons boulangers souhaitant avoir cette journée chômée, allaient jusqu’à organiser des coalitions pour l’obtenir.

Le 15 mai commençait par une réception, si des aspirants étaient prédisposés à venir grossir les rangs des compagnons. Ensuite les compagnons se retrouvaient chez la Mère pour la cérémonie dite de la pose du bouquet, couronne composée de fleurs fraîches ou d’immortelles de différentes couleurs, arrosée de vin, et accrochée sur la façade de l’auberge de la Mère, selon un rite approprié (voir chapitres : Les végétaux et Le Devoir). De gros bouquets étaient également confectionnés pour les boutonnières des hommes en place. La pose du bouquet était suivie d’une petite agape chez la Mère. Ce n’est que le lendemain, le 16 mai, qu’avaient lieu les grandes festivités.

De 1811 à 1850, seuls participaient à la fête de Saint-Honoré les compagnons boulangers et leur Mère. À cette époque, il est bien sûr hors de question de rencontrer des compagnons d’autres corps d’état, sauf peut-être quelques cordonniers par-ci par-là, et encore moins les épouses ou amies de compagnons, ces dernières n’étant conviées qu’au bal quand il avait lieu.

Ce bal pouvait en effet être annulé par l’autorité publique pour raison de sécurité ou par les organisateurs eux-mêmes, à la suite, par exemple, d’une rixe violente lors du cortège.

< Carton d’invitation au bal de la Saint-Honoré des compagnons boulangers du Devoir
de la cayenne de Lyon, le 21 mai 1836 au café Grand Orient. Musées Gadagne, Lyon.

Donc le 16 mai, les compagnons boulangers se retrouvaient chez la Mère en fin de matinée et formaient un cortège, musique en tête, suivi du rouleur, d’une calèche dans laquelle avaient pris place la Mère, le Premier en ville et le Second en ville, encadrés par quatre ou six compagnons des mieux bâtis, sur le qui-vive, possédant discrètement un nerf de bœuf sous la redingote, afin de pouvoir intervenir efficacement en cas d’atteinte au symbole de leur société. Suivaient, sur deux colonnes, l’ensemble des compagnons arborant cannes et couleurs, et un ou deux brancards sur lesquels étaient déposés le pain ou la brioche à bénir au cours de la messe, et une effigie de saint Honoré. Le cortège se mettait en route au son de la musique, se dirigeait vers l’église ou la cathédrale. Le choix du lieu de célébration était fonction de la proximité ou de la présence d’une chapelle ou d’un simple vitrail dédié à saint Honoré, vestiges des confréries de maîtres boulangers du XVIIe et du XVIIIe siècle, les maîtres ayant depuis longtemps abandonné de gré ou de force cette tradition après la Révolution.

Toulouse la sanglante
La correspondance des autorités au sujet d’une rixe qui eut lieu à Toulouse le 16 mai 1839, année de l’ouverture de cette cayenne, nous fait découvrir l’intensité des violences de cette rixe. Les compagnons charpentiers étant fortement implantés à Toulouse, les compagnons boulangers n’avaient jamais été à la fête le jour de leur Saint-Honoré.
Le 16 mai 1838, déjà, alors qu’ils se rendaient à l’église Saint-Sernin, des charpentiers les avaient attaqués rue de la Tour. Le bilan fut de plusieurs blessés et treize arrestations, mais le bal eut quand même lieu.
Le 9 avril 1839, de violentes altercations avaient éclaté entre charpentiers et boulangers sur les allées Lafayette :
La police et la troupe ont dû intervenir. La force armée s’étant repliée sur le Capitole, les charpentiers sont allés manifester rue du May, devant la maison de la Mère des compagnons boulangers. Des forces plus nombreuses arrivant par la rue des Balances (rue Gambetta) et la rue Saint-Rome, sont parvenues à dégager l’immeuble. Une trentaine d’individus ont été arrêtés.
Le 16 mai suivant, les charpentiers voulurent prendre leur revanche à la suite de l’arrestation de certains d’entre eux après la rixe du 9 avril. Cette sanglante affaire est rapportée, entre autres, par le Journal des Débats Politiques et Littéraires du 22 mai 1839 :
Toulouse, le 17 mai.
Encore des scènes sanglantes produites par le fanatisme du compagnonnage. Hier, les boulangers devaient célébrer la fête de leur patron. Ils ont, dit-on, des prétentions au compagnonnage, prétentions qui sont contestées par les autres professions qui revendiquent l’institution exclusivement et qui ne comprennent pas encore que s’associer dans le but de se secourir et de procurer du travail est un droit qui appartient à tous les ouvriers.
Hier, donc, les boulangers devaient célébrer la fête de leur patron. Les autres corps d’état qui voient une usurpation dans le titre de compagnon qu’ils veulent s’arroger avaient formé le complot à se réunir pour leur chercher querelle. La police était informée et toutes les mesures avaient été prises pour prévenir toutes collisions. Un piquet de cavalerie vint prendre les boulangers dans la rue du May, pour les escorter jusqu’à l’église Saint-Sernin. Deux cents hommes stationnaient dans la cour du Capitole, et d’autres avaient été disposés aux abords de l’église.
Les boulangers ne portaient d’ailleurs aucun insigne. Au moment où le cortège allait entrer dans l’église Saint-Sernin, les ouvriers compagnons des autres professions se sont précipités sur les boulangers, et en un instant la mêlée est devenue générale. La police, quoi qu’en force, n’a pu les empêcher d’en venir aux mains, mais son intervention, secondée par les canonniers de l’escorte et un piquet d’infanterie, a hâté la fin du désordre. Néanmoins, pendant le temps qu’il a duré, il y a eu plusieurs blessés, dont l’un très grièvement.
L’un des assaillants compagnons charpentiers, qu’on dit être de Carcassonne, a été tué d’un coup de poignard qui l’a atteint au bas des reins. Il est mort sur-le-champ. Il paraît que les boulangers étaient armés, mais leurs armes étaient cachées. On a trouvé sous les chaises, dans l’église, des nerfs de bœuf auxquels étaient adaptées des boules de plomb de plus d’une livre. Une femme a été arrêtée portant une quantité de couteaux ou poignards que l’on venait de lui remettre.
On n’a que des éloges à donner au capitaine commandant l’infanterie et au lieutenant commandant l’artillerie pour le sang froid, l’intelligence, et la résolution avec lesquels ils ont agi.
Leur conduite a été parfaite. Monsieur le maire et Monsieur Martin Bergnac, adjoint, s’étaient rendus sur les lieux. Un inspecteur de police a reçu une blessure au front. Un compagnon qui voulait arrêter le cheval d’un canonnier a eu les doigts tranchés d’un coup de sabre. Le nombre des arrestations s’élève à vingt-six.

Voici une correspondance sur cette affaire :
Gendarmerie de la Haute-Garonne à Son Excellence le ministre secrétaire d’État du département de la justice.
Monsieur le Ministre,
J’ai l’honneur de vous rendre compte d’un événement malheureux arrivé à Toulouse dans la journée d’hier.
Depuis longtemps les ouvriers charpentiers sont en collision avec des ouvriers boulangers par jalousie des emblèmes que ces derniers portent dans leurs réunions de compagnonnage.
Le 16 mai, vers midi, les charpentiers qui avaient recruté les menuisiers, les forgerons, les serruriers, les maréchaux, les tailleurs de pierre, les tanneurs, réunis en grand nombre ont attaqué inopinément, sous les yeux de la police et de la force armée, les boulangers qui se rendaient à l’église Saint-Sernin (*) pour y entendre une messe en l’honneur de leur fête et au moment où la tête de la colonne entrait dans l’église.
(* Cette basilique avait une chapelle dédiée à saint Honoré.)
Malgré le déploiement subit de la cavalerie, on n’a pu prévenir une rixe d’un instant dans laquelle divers individus charpentiers, menuisiers, et boulangers ont été blessés. En outre, le nommé Durand, charpentier, qui a reçu un coup de poignard dans le dos d’un nommé Doumeng, qui a été arrêté, est mort quelques minutes après.
Deux autres charpentiers ont aussi reçu des coups de poignards et ont désespéré de leurs jours.
Monsieur le maire et ses adjoints se sont transportés aussitôt sur les lieux, de promptes mesures ont été prises et vingt-six individus ont été arrêtés. La justice informe.
Il est constant que, sans l’intervention de la police et de la force armée, une horrible boucherie aurait eu lieu, car tous les individus arrêtés ont été trouvés munis d’armes prohibées de toute nature.
Je suis avec le plus profond respect de votre Excellence, Monsieur le Ministre, le très humble et très obéissant serviteur.
Le capitaine commandant par intérim la compagnie de gendarmerie de la Haute-Garonne.

Voici une seconde correspondance à ce sujet :
Parquet de la Cour royale de Toulouse, Direction des affaires criminelles et des grâces.
Toulouse, le 18 mai 1839 Monsieur le Garde des Sceaux,
Je crois devoir devancer le moment où je pourrai vous adresser mon rapport mensuel, et vous dire les scènes dont notre ville a été le théâtre, le 16 de ce mois, aussi bien ce fait est hors de la période que ce rapport doit embrasser.
Depuis longtemps les garçons charpentiers contestent aux garçons boulangers le droit de se dire compagnons et de porter les marques distinctives du compagnonnage.
Le 16 mai 1838, et le 7 avril dernier, notamment, cette prétention avait amené des rencontres et des rixes dans lesquelles l’autorité des agents de la force publique avait été méconnue, des poursuites correctionnelles avaient eu lieu, on n’avait dû prendre que cette voie. On n’avait pu signaler qu’une faible partie des perturbations, huit furent condamnés la première fois à deux, trois, quatre mois de prison. En avril dernier, un seul put être… et ne fut condamné qu’à quinze jours de prison.
Cette excessive indulgence n’était propre ni à décourager les fauteurs de désordre, ni à rassurer la police sur leurs intentions. Elle devait prévoir que le 16 mai, jour de la fête de la Saint-Honoré, patron des boulangers, serait comme l’an dernier, une occasion de désordre, aussi… la ville avait, elle, requis un piquet extraordinaire de cinquante hommes d’infanterie qui stationnaient au Capitole quand les symptômes d’une rixe sanglante se manifestèrent.
Les boulangers étaient réunis chez leur Mère pour se rendre de là à l’église Saint-Sernin et entendre la messe d’usage.
Les charpentiers, qui avaient recruté des ouvriers d’autres états, sauf les cordonniers qui font cause commune avec les boulangers, stationnaient au nombre de 1 000 à 1 200 dans les rues et sur les places que devait parcourir le cortège.
Évidemment, il fallait ou empêcher les boulangers de sortir ou, ce qui était préférable, dissiper les attroupements dirigés contre eux.
La police ne fit ni l’un ni l’autre. Comme elle avait requis de nouvelles forces, elle se borna à faire précéder et suivre les deux cents boulangers environ par deux piquets de cavalerie, mais elle laissa les charpentiers et leurs adhérents se glisser dans les rangs et lorsque l’on fut arrivé sur la place Saint-Sernin, la lutte commença, elle fut courte mais un charpentier fut tué d’un coup de poignard dans les reins. Deux autres charpentiers furent grièvement blessés, l’un d’eux est en danger, plusieurs boulangers furent blessés, mais leurs blessures sont moins graves.
À l’instant, diverses arrestations furent faites, les boulangers furent cernés et conduits pour leur propre sûreté dans le Capitole d’où on fit sortir plus tard et successivement ceux qui ne furent pas reconnus pour avoir pris part trop active au désordre.
Mais au moment des arrestations ou de la conduite des boulangers au Capitole, ceux qui avaient sur eux des armes non ostensibles (c’était le plus grand nombre) les jetèrent à terre, où les remirent à des personnes qui, à leur tour, les remirent à la police. C’est ainsi que l’on recueillit six nerfs de bœuf dont trois fortement plombés, trois tranchets, six tirepointes, un poignard fait avec une lame de fleuret, un couperet, un couteau poignard, sept compas, huit couteaux droits dont trois dits tranchelards, neuf couteaux de poche.
On peut par la nature de ces armes, apprécier les intentions des deux parties.
Les vingt-sept individus arrêtés ont été mis à ma disposition, l’information a été commencée sur-le-champ.
On croit celui qui a tué le charpentier du nombre des détenus.
Comme il avait été déposé d’abord une grande partie dans une caserne voisine (Caserne Saint-Raymond.) du lieu de la rixe, on craignait que leur transfert dans la maison d’arrêt ne fût inquiété, mais les mesures furent fort bien prises et aucune tentative de résistance ou d’enlèvement n’éclata dans le trajet.
L’ordre fut donc rétabli peu d’heures après l’affligeante que je viens de narrer, et malgré la violence des ressentiments qu’ont dû faire naître de si sanglants résultats. J’espère que la vigilance de la police, et l’action de la justice en préviendront les suites.
Je suis avec respect, Monsieur le Garde des Sceaux, votre très humble et très obéissant serviteur.
Le Procureur Général.

Troisième correspondance :
Toulouse, le 27 juillet 1839
Parquet de la Cour royale de Toulouse. Direction des affaires criminelles et des grâces.
Monsieur le Garde des Sceaux.
Le 18 mai dernier, j’eus l’honneur de vous adresser un rapport sur les troubles et les scènes sanglantes occasionnées dans Toulouse, par une collision survenue entre les compagnons charpentiers et les garçons boulangers.
Vingt-huit individus, les uns charpentiers, les autres boulangers furent arrêtés, mis à la disposition du ministère public, et renvoyés devant Monsieur le juge d’instruction.
Ainsi que j’eus l’honneur d’en informer Votre Excellence par ma lettre du 22 du même mois, et vu que Monsieur le juge d’instruction titulaire était empêché, Monsieur Laburthe fut spécialement délégué par délibération du 21 mai pour l’instruction de cette procédure, comme il l’avait été pour remplacer Monsieur le juge d’instruction en congé ou empêché, par délibération des 26 août et 10 novembre 1835, 14 juin, 31 août et 2 décembre 1837 et 22 septembre 1838.
La nouvelle instruction ne languit pas. Car malgré le nombre des inculpés et l’audition de plus de quatre-vingts témoins, le rapport de cette affaire fut fait à la Chambre du Conseil le 14 juin.
Dix-neuf des inculpés furent mis en liberté, treize furent renvoyés devant le tribunal de police correctionnelle et deux devant la chambre de mise en accusation.
Les treize prévenus de coups et blessures, ou ce fait ne constituant que de simples […] ont été jugés le 20 juin. Quatre ont été relaxés, un a été condamné à huit jours, cinq à quinze jours, trois à un mois de prison.
Le jugement a été … par toutes les parties. Les deux garçons boulangers renvoyés devant la Cour royale, ont été mis en accusation par arrêt du 8 juillet, comme prévenus du meurtre et de coups et blessures ayant occasionné une incapacité de travail de plus de vingt jours, ils seront jugés aux prochaines assises de Haute-Garonne qui s’ouvriront à Toulouse le 30 du mois courant.
J’aurai soin d’informer Votre Excellence de la décision qui interviendra.
Je ne compte que sur la sévérité du jury, elle serait pourtant bien nécessaire.
Le Procureur général.

Une dernière correspondance entre les mêmes personnes, en date du 9 août 1839, indique ce qui suit :
Monsieur le Garde des Sceaux,
Pour continuer de me conformer à la lettre que Votre Excellence m’a fait l’honneur de m’écrire le 22 juillet dernier, n° 4021 fait à ma dépêche du 27 juillet, n° 4559, je m’empresse d’informer Votre Excellence que la cour d’assises de Haute-Garonne a statué le 7 de ce mois, pour les deux garçons boulangers accusés d’avoir, dans la rixe qui eut lieu à Toulouse le 16 mai entre les garçons boulangers et les compagnons charpentiers, commis l’un un crime de meurtre, l’autre un crime de coups et blessures ayant occasionné une maladie ou une incapacité de travail personnelle pendant plus de vingt jours.
Comme je l’avais pressenti pour le premier, tout s’est réduit à un fait de coups et blessures ayant occasionné la mort sans intention de la donner, mais provoquée par des violences graves, et à une condamnation à dix mois de prison.
Pour le second, la circonstance aggravante de la durée de la maladie a été écartée et il n’a été condamné qu’à cinq mois de prison.
L’âge, les antécédents des accusés, les faits dans lesquels ils s’étaient trouvés impliqués ont singulièrement plaidé en leur faveur. Presque tous les compagnons charpentiers de la ville et des environs encombraient la salle d’audience et les avenues, leur présence, leur attitude étaient menaçantes, mais nous avions requis un fort détachement d’infanterie, et grâce à ce déploiement de forces, grâce aussi aux condamnations quelque légères qu’elles aient été, la foule s’est écoulée sans bruit et sans murmures.
Je suis avec respect. Monsieur le Garde des Sceaux
Le Procureur général.

Nous apprenons par le journal La Presse du 27 mai 1839 que les compagnons boulangers ont voulu faire pression sur les autorités pour obtenir la libération de leurs camarades, mais que cette tentative a échoué :
Les compagnons boulangers de Toulouse, après avoir en vain demandé la mise en liberté de leur camarade arrêté à la suite de leur collision avec les compagnons charpentiers, ont pris avant-hier la résolution de quitter la ville.
Les maîtres boulangers dans ce départ général et imprévu, se seraient trouvés dans le plus grand embarras pour fournir le pain nécessaire à la consommation de la ville, si l’autorité n’avait remplacé par des soldats pris dans les régiments de la garnison qui avaient exercé le métier de boulanger avant leur entrée dans le corps.
Cette fête de Saint-Honoré de 1839 présente montre les dangers que couraient les compagnons boulangers, mais également leurs assaillants, lors des cortèges.

Une chanson à ce sujet fut écrite par Provençal l’Appui du Devoir (L’auteur de cette chanson n’a pu être identifié, nous savons juste qu’il fut reçu compagnon boulanger du Devoir à Marseille à Noël 1837.) et retrouvée dans le chansonnier manuscrit du compagnon boulanger Louis Leclerc, Blois la Sagesse
La scène se déroule à Toulouse en 1844 :

           La bande à Cartouche

Je vais chanter la bande à Cartouche
Mes chers Pays venez tous écouter
Tous réfugiés dans la ville de Toulouse
Tous bien armés comme de vrais bandits
Ces scélérats, ces indignes et ces infâmes
Couverts de honte par leurs lâches actions
Ils ont prouvé qu’ils ont ni cœur ni âme (bis)
Mes chers Pays en voici la raison.

Au seize mai 1844
Dans cette ville, nos fidèles ouvriers
Voulaient célébrer leur fête patronale
Et renouveler leurs anciennes amitiés.
Tout à coup quelle fut la surprise
Un commissaire chez la mère se rend
Nous dit à tous messieurs je vous avise (bis)
On va vous voir au défi des méchants

Notre rouleur Bon Soutien il se nomme
Lui dit de grâce écoutez mes raisons
Si ces méchants viennent y mordre à la pomme
Assurément ils s’en repentiront.
Nous affronterons le tonnerre et la grêle
Nous braverons ce monstre inhumain
Mais s’ils viennent nous déclarer la guerre (bis)
Entre nos mains la mort ils trouveront.

Prenez vos joncs trop aimables jeunesses
Faites flotter vos brillantes couleurs
Allez jouir de votre sainte messe
Nous veillerons sur tous vos agresseurs
L’orage en vain a terminé l ’alerte
J’arrive enfin au pied du saint autel
Cent vingt bourreaux parurent avec des armes (bis)
Pour nous donner à tous le coup mortel.

Un monstre hélas aux portes de l’église
Voulait flétrir notre bel étendard
Un de nos frères à ce coup de surprise
L’immola sans faire aucun retard.
À mort, à mort s’écria la Franchise
Vrai boulanger sachant vaincre ou mourir
D’un compagnon, c’est la seule devise (bis)
Chacun de nous un jour l’a promis.

Vengez ma mort, chers coteries je l’espère
Notre agresseur s’écria à l’instant
Tout aussitôt ces armes meurtrières
Ne cherchaient qu’à répandre du sang
Enfants, enfants à bas vos armes
Que leur criait le vertueux préfet
L’humanité pour vous verse des larmes (bis)
Le malheureux lui-même fut blessé.

Vengeons compas aussi avec ces haches
Ces scélérats étaient tous armés
Quelle lâcheté, parmi eux des cuirasses
Les ferblantiers sur leurs corps avaient mis.
Un coup d’feu, Pays je vous le jure
Pas un fusil, mais par des pistolets
De notre mère on perce la voiture (bis)
De ces brigands voici les plus hauts faits.

Nos ennemis cherchant à prendre la fuite
Je m’en souviens c’était avant midi
Mais la troupe qui les cerne de suite
Gendarmes à pied et des cavaliers aussi
Des prisonniers en firent une cinquantaine
Morts et blessés trente nous en comptons.
Sûr qu’ils feront plus de quarante semaines (bis)
Soit à Rochefort, à Brest où à Toulon.

Un Provençal le cœur rempli de zèle
Voyez son nom l’Appui du Devoir
Qui de Toulon a reçu la nouvelle
La propage par son faible savoir
Vrais Toulousains écoutez je vous en prie
Tant compagnons et fidèles aspirants
Si ma chanson, elle n’est pas bien jolie (bis)
De là de grâce soyez donc indulgents.

Joseph Pradel, Toulousain la Fraternité, compagnon tourneur sur bois des Devoirs Unis nous dit ce qui suit au sujet des rixes à Toulouse entre boulangers et charpentiers :
Nous-mêmes logeant près de la rue des Polinaires où était située l’auberge de Madame Bellocq, Mère des compagnons boulangers, avons été témoins, dans notre très jeune âge, de bagarres assez graves qui se renouvelaient presque chaque année entre ces deux corporations compagnonniques.

À l’église
La messe se déroulait avec un protocole très précis que voici (1855-1860) :
Lorsque l’heure de la messe est arrivée, le rouleur fait ranger les compagnons sur deux rangs, les nouveaux en tête à gauche et les autres compagnons par ancienneté à droite : le rouleur marche quatre pas en avant, le Premier en ville quatre pas après, tenant la Mère sous le bras, derrière eux le pain porté par quatre compagnons, le Second en ville de suite après le pain, puis les compagnons sur deux rangs comme nous l’avons dit.
Entrés à l’église, les compagnons qui portent le pain, le posent à six pas de l’autel, le Premier en ville se place à la tête des compagnons de droite, le Second en ville à la tête des compagnons de gauche, le rouleur et la Mère au milieu du chœur. Pour la bénédiction du pain, les compagnons qui l’ont apporté le posent près de la table d’offertoire, et se retirent quatre pas en arrière.

Le rouleur vient se placer près du pain à droite, emmenant la Mère avec lui, laquelle se place au milieu derrière le pain, il se met à genoux et passant sa canne dans la main gauche, l’incline légèrement sur le pain, le Premier en ville se place à gauche du pain et incline également sa canne sur le pain.

Après la bénédiction du pain, la Mère ayant fait son offrande, le rouleur fait la sienne et la reconduit à sa place, le Premier en ville fait son offrande, après lui les compagnons qui ont apporté le pain ainsi que le Second en ville, et dans cet intervalle les compagnons se sont mis en marche, en suivant leur rang de manière qu’ils font leurs offrandes, un de droite et un de gauche alternativement, au fur et à mesure, ils se retirent, les compagnons de droite allant occuper les sièges de ceux de gauche, et ceux de gauche allant occuper les sièges de ceux de droite, de manière que pour sortir de l’église, ceux de droite se trouvent encore à droite et ceux de gauche encore à gauche.

On retourne chez la Mère, comme on est venu, ce doit être le plus aîné des quatre compagnons qui ont apporté le pain bénit qui le distribue en commençant par les maîtres, après avoir servi la mère et le rouleur.
De suite après avoir fait leurs offrandes, le Premier et le Second en ville se mettent debout sur la première marche et ils y restent jusqu’à ce que tout le monde ait fait son offrande, après quoi ils se retirent à leur place.


< Les compagnons boulangers du Devoir
à la sortie de la messe, Cathédrale de Blois,
Saint-Honoré 1905.
Coll. Bruno Guignard, Blois.

La messe est une constante durant tout le XIXe siècle, excepté pour la Cayenne de Paris qui l’abandonne au début des années 1880, comme l’ensemble des sociétés parisiennes de secours mutuels d’ouvriers boulangers, anticipant en quelque sorte la séparation des Églises et de l’État.

Cet abandon se répand plus ou moins rapidement à la province, comme le relate cet extrait de compte rendu de l’assemblée générale du 15 avril 1886 de la cayenne de Tours concernant la Saint-Honoré :

Concernant la messe, le F∴ Gardereau, Saintonge Va de Bon Cœur, en demande la suppression parce que, dit-il, maître Jacques professait la religion juive tandis que le Christ était de religion catholique. Le F∴ Dupont, Languedoc la Constance réplique au F∴ Gardereau en disant que la messe a toujours été dans nos institutions et que même autrefois le lendemain d’une réception, on conduisait les nouveaux reçus à la messe, après différentes discussions la messe est mise aux voix et adoptée à une grande majorité.

Les compagnons à l’église Saint-Roch et le Secours Mutuel à celle de la Sainte-Trinité
Le jour de la Saint-Honoré, la capitale ne voit pas exclusivement les compagnons boulangers du Devoir, formés en cortège, défiler dans ses rues, bannières en tête.
En effet, ce sont toutes les sociétés de secours mutuels d’ouvriers boulangers, les groupements patronaux également, qui défilent et se rendent dans différentes églises de Paris.

Les membres de la société des ouvriers boulangers « La Saint-Honoré », défilent avec des rubans verts brodés de gerbes d’or à la boutonnière et se rendent à l’église de la Trinité.
Les maîtres boulangers, sous Napoléon Ier, se rendent à l’église Saint-Eustache tandis que les compagnons du Devoir ont choisi, depuis qu’ils sont présents à Paris, l’église Saint-Roch.
Tous défilent donc avec bannières, rubans ou couleurs à la boutonnière, pain à bénir, tous assistent à une messe, tous participent à un banquet suivi d’un bal.
Cette situation provoque parfois la confusion chez les journalistes parisiens, baptisant bien souvent tous ces groupements professionnels de compagnons ou même de compagnons du Devoir.

D’ailleurs l’une de ces confusions n’est pas du goût du fameux compagnon boulanger du Devoir, Constant Boutin, Saumur Plein d’Honneur ; lisons Le Petit Journal du 20 juillet 1868 dans lequel est publiée une lettre de Saumur Plein d’Honneur adressée à Thimothée Trim, l’un des fondateurs de ce journal :

Un honnête et intelligent ouvrier me fait l’honneur de m’écrire ce qui suit :
« À Monsieur Thimothée Trim Mon cher Monsieur.
Dans votre estimable journal du dimanche 17 mai et votre article intitulé : la fête des boulangers, il me semble qu’il s’est glissé quelques erreurs. Vous dites que tous les boulangers de Paris ont dû, le 16 mai, en l’honneur de saint Honoré, assister à la messe dite à l’église de la Sainte-Trinité.
Ce serait faire croire que la messe qui se célèbre à l’église Saint-Roch depuis nombre d’années n’a plus lieu.

Les boulangers qui ont assisté à la messe de l’église de la Trinité sont tous membres de la société de secours mutuels dite la Saint-Honoré , mais il a été dit une messe à l’église Saint-Roch dont vous ne parlez pas, où assistaient les ouvriers boulangers compagnons du Devoir, dont le siège social est 13 rue Geoffroy Langevin.
Vous vous servez aussi du mot de garçon boulanger, ce mot pouvait être employé il y a quelques centaines d’années, alors que les chefs des boulangeries publiques se servaient d’esclaves pour les aider, lesquels ne faisaient par ces motifs que les travaux les plus grossiers et par conséquent étaient domestiques.

Aujourd’hui, dans toute profession où il faut un apprentissage, il y a trois positions, d’abord on est apprenti, puis on devient ouvrier, enfin on s’établit patron si les moyens le permettent.
Recevez, chez Monsieur, l’assurance de ma parfaite considération. Votre très humble serviteur.
C. Boutin
Membre de la société de secours mutuels des compagnons boulangers du Devoir, dit Saumur plein d’Honneur. »

L’église Saint-Roch est située au 284 rue Saint-Honoré dans le 1er arrondissement de Paris.
L’église de la Sainte-Trinité est située place d’Estienne-d’Orves, dans le 9e arrondissement de Paris.
L’église Saint-Eustache est située 2 impasse Saint-Eustache dans le 1er arrondissement de Paris, au cœur du quartier des Halles.

< Invitation au bal de la Saint-Honoré organisé par la Cayenne d’Angoulême le 16 mai 1896.

Fête de la Saint-Honoré, règlement de 1861
Article 267
La fête patronale sera célébrée suivant la décision de l’assemblée annuelle, les compagnons y assisteront avec cannes et couleurs.
Article 268
Chaque compagnon soit du corps actif ou passif sera tenu de participer dans tous les frais soit pour messe, pour bal, ou toutes autres dépenses occasionnées pour l’honneur de la société, aucune somme d’argent ne doit sortir de la caisse pour la fête.
Article 269
Tout compagnon étant dans une ville depuis moins d’un mois, ne sera pas tenu de la faire, de même que celui qui ne travaillerait pas depuis quinze jours à moins qu’il ne sortirait de travailler pendant trois mois.
Article 270
Pour la messe, le P∴E∴V∴ aura ses couleurs, un bouquet d’immortelles et des épis de blé dedans, et accompagnera la Mère à l’église et au retour. Elle aura aussi elle-même un bouquet de même nature avec deux couleurs, rouge et blanche.
Article 271
Pour la distribution du pain bénit, elle se fera par le rouleur et le Second en ville, le P∴E∴V∴ ne devra pas quitter la Mère, pour l’offrande à l’autel, ce sera à la Mère de commencer.
Article 272
La distribution du pain bénit doit commencer par la Mère et le P∴E∴V∴
Article 273
Il doit y avoir une brioche assez belle pour le commissaire de police du quartier, qu’on lui portera en cortège à la sortie de la messe, et qu’on remerciera de la permission accordée par les autorités.
Article 274
Le P∴E∴V∴ sera avec la Mère en voiture (après la musique) le rouleur marchera derrière avec sa canne garnie (rouge et blanche). Le brancard qui sera au milieu des colonnes sera porté par quatre des plus jeunes compagnons, chaque compagnon aura un bouquet d’immortelles.
Article 275
À l’arrivée du cortège à la porte du restaurant où aura lieu le banquet, le P∴E∴V∴ et le rouleur feront le Devoir et porteront les trois santés, les compagnons formeront le cercle comme d’usage chapeau bas.
Article 276
Au banquet, le Devoir se fera au coup du milieu, par le rouleur et le P∴E∴V∴, un compagnon versera les trois santés et le S∴E∴V∴ relèvera les cannes comme d’usage, tous les compagnons formeront le cercle.
Pour les trois santés, on déposera une bouteille de vin entre les cannes du côté des pommes, les deux verres, un à gauche et l’autre à droite, celui qui sera pour la bouteille poussera trois plaints en versant du vin en trois fois dans les verres qui devront rester à terre, ensuite le P∴E∴V∴, poussera trois plaints en tenant les verres pleins, un bras sur l’autre, de manière à former une croix, en donnera un au P∴E∴V∴ et l’autre au rouleur.
Article 277
L’ouverture du bal se fera par la mère et le P∴E∴V∴
Article 278
Les trois compagnons en place seront les commissaires du bal, le P∴E∴V∴ portera une couleur blanche en écharpe, le S∴E∴V∴ une couleur verte, et le rouleur la rouge, comme en chambre.
Article 279
Tous les corps compagnonniques du Devoir seront invités au bal avec leurs couleurs, les patrons y seront également invités.
Article 280
Pour le Devoir et les santés à porter, ce sera dans le livre des cérémonies et archives.
Article 281
La fête se fera toujours en commun avec les aspirants comme d’usage.

Un extrait du journal Le Ralliement relatant la Saint-Honoré de Tours en 1898 nous informe de la présence d’une statue de saint Honoré :
[…] Saint Honoré, notre patron, était porté sur un magnifique brancard au centre du cortège par quatre aspirants munis d’un bouquet d’immortelles vertes à la boutonnière… […]

Évolution
Entre 1850 et 1870, trois nouveautés viennent s’ajouter :

  • – le fleurissement des boutiques des patrons embauchant les membres de la société ;
  • – le pain bénit offert à ces mêmes patrons ;
  • – l’invitation faite aux autres corps d’état compagnonniques ;
  • – la Chaîne d’Alliance.

Le fleurissement des boutiques
Il est pratiqué par des compagnonnages bien avant les boulangers, mais rien ne permet à ce jour d’affirmer que cette pratique est exclusivement compagnonnique.
En 1763, Jacques Louis Ménétra, compagnon vitrier du Devoir, le cite (Journal de ma vie) :
« J’arrive chez la Mère, je vais en partir avec mes camarades à la nuit fleurir les boutiques. Tous les maîtres sont dans la joie. »

Ce fleurissement est généralement effectué par les représentants de la société, et l’arrivée d’une calèche garnie de compagnons est un petit événement pour le patron, la patronne et la clientèle, et une bonne promotion pour l’entreprise.
Dans la foulée, le patron n’hésite pas à ouvrir une ou plusieurs bouteilles pour trinquer à la prospérité du compagnonnage qui lui fournit la main-d’œuvre nécessaire au fonctionnement de son fournil.
Le retour des hommes en place, après avoir fleuri une dizaine de boutiques, donne naissance à des boulangers certainement incapables de distinguer un compagnon couvreur d’un chat de gouttière car ils sont quelquefois fortement alcoolisés.

La Saint-Honoré de 1873 à Tours offre un exemple et le compte rendu de l’assemblée générale du 29 mai ne manque pas de piquant :
 » Vendéen l’Ami des Filles s’est pris de vin au cours du repas et a jeté sa canne dans le lieu d’aisance, dans le trou des toilettes ; Manceau l’Union, rouleur, s’est enivré, a fait du tapage et a tenu des insultes au corps présent ; Tourangeau sans Gêne, idem, et a éteint le gaz au cours du bal (l’éclairage se faisait au gaz) ; un aspirant s’est enivré et, malade, a troublé la société… Sanction : les premiers vingt francs d’amende, trois mois hors de chambre, payer ses cotisations, payer la couleur déchirée et les frais de la remise en état de la canne.
Le deuxième, dix francs d’amende, cinq mois hors de chambre et payer ses cotisations.
Le troisième, vingt francs d’amende et un an hors de chambre. »

Cette démonstration laisse supposer un très bon accueil des patrons quelques heures avant le banquet.
Mais pourquoi les compagnons boulangers attendent-ils 1850 pour s’approprier et pratiquer cette coutume ?
Antérieurement à cette date, le compagnonnage des boulangers, composé uniquement d’ouvriers, était destiné avant tout à combattre les abus du patronat.
Il est désormais une société mixte composée d’ouvriers et de patrons où les compagnons ayant terminé leur Tour de France ont des fonctions, des responsabilités en vue d’une évolution plus efficace.
Pour preuve, la reconnaissance de 1860 est organisée en majorité par des compagnons qui sont installés, qui ont la connaissance profonde du compagnonnage, et qui ont des rapports privilégiés et personnels avec des compagnons d’autres corps d’état ayant également des positions élevées, ainsi que du répondant pour défendre les intérêts communs.
Les luttes, les mises en interdit opposant les deux blocs patrons-compagnons n’ont plus lieu d’être.
Pour pouvoir maintenir un quota d’employeurs nécessaire au placement des membres de la société, des rapports plus proches sont nécessaires.
Le fleurissement des boutiques est, en résumé, une volonté de « caresser le singe dans le sens du poil ».

La caisse de la Saint-Honoré disparue
Lors des fêtes patronales, dans tous les corps d’état, il arrive qu’un membre de la société soustraie en totalité ou en partie la caisse et disparaisse avec les espèces sonnantes et trébuchantes. Ce fut le cas lors de la Saint-Honoré à Marseille en 1846 où Provençal Bon Cœur vola l’argent provenant des repas du banquet. Il fut condamné le 8 octobre 1846 par la cayenne de Marseille à l’exclusion à vie.

Menu compagnonnique de la Saint-Honoré
de Troyes en 1936 au Pavillon Bleu.

Voici un autre fait publié dans Le Petit Journal le 24 mai 1869, qui, bien qu’il ne soit pas compagnon- nique, me semble amusant à rapporter ici :

On sait qu’il est d’usage que les garçons boulangers donnent un bal à propos de saint Honoré leur patron.

Les frais de ce bal sont couverts par les dons gracieux des maîtres boulangers qui payent ainsi les invitations des garçons. Point n’est besoin de dire combien de fraîches et gracieuses toilettes sont préparées par les boulangères et leurs familles, c’est pour beaucoup de jeunes filles, l’objet de bien douces préoccupations et de quelques jolis rêves.

Eh bien, cette année, le bal a pris le chemin de fer de Genève, dans la poche de celui des garçons à qui ses camarades avaient confié 1 500 à 1 600 francs, produit de la générosité des patrons.

Depuis quelques jours l’on signalait l’absence de ce caissier infidèle ; on comptait le voir revenir : vain espoir ! Adieu, danses et plaisirs ! Les toilettes durent rentrer dans les armoires. Un mitron cupide, au lieu de faire danser les boulangères, a préféré faire danser les écus.

Les invitations aux autres corps compagnonniques

Jusqu’en 1855, l’ensemble des fêtes patronales compagnonniques est cloisonné. C’est sur une proposition du compagnon boulanger Jean-Baptiste Entraygues, Limousin Bon Courage qu’il est décidé d’inviter des délégations de différents corps d’état.

Les principales démarches pour obtenir la reconnaissance des autres corps d’état du Devoir ont commencé, mais les compagnons boulangers manquent encore de soutien. Entraygues a compris qu’un travail en profondeur sur le terrain est nécessaire et cela plus particulièrement en province, car, si à Paris de nombreuses assemblées ont lieu entre corps d’état, ce n’est pas le cas dans les villes de province, où la haine du compagnon boulanger n’a toujours pas disparu.
À Paris, les rapports peuvent être très bons, mais si les différents corps d’état de la capitale n’obtiennent pas l’accord de l’ensemble de leurs cayennes, la reconnaissance n’a pas lieu.
Cinq ans plus tard, lorsque la constitution de reconnaissance est signée par quelques corporations, la Saint-Honoré y est pour quelque chose ! Après 1855, d’autres corps d’état suivront l’exemple des boulangers, ce seront les tailleurs de pierre étrangers, les tondeurs de draps et les chamoiseurs. D’autres suivront encore…

Menu compagnonnique de la Saint-Honoré à Paris le 16 mai 1954, chez M. et Mme Cochet « Au Savoyard », 16 rue des Quatre-Vents, siège des compagnons selliers et des forgerons-mécaniciens du Devoir de Paris. Menu compagnonnique de la Saint-Honoré de Nîmes en 1939, il est amusant de constater que le blason des compagnons boulangers a été imprimé à l’envers.

La Chaîne d’Alliance
D’inspiration maçonnique, la Chaîne d’Alliance apparaît chez les compagnons boulangers entre 1865 et 1870, pénétrant les compagnonnages à travers des sociétés comme les cordonniers de l’Ordre Légal ou encore les tailleurs de pierre du Devoir Étranger. La Chaîne d’Alliance se pratique jusqu’aux années 1990 à minuit exactement, mais à partir de cette date, certaines Cayennes la pratiqueront en fin de banquet avant qu’une partie des compagnons désertent et rentrent chez eux, ou se dirigent vers des lieux d’amusements extérieurs. (Voir chapitre La Chaîne d’Alliance.)

Une Saint-Honoré vue par la presse parisienne en 1873
Le Petit Journal du 18 mai 1873
« Les compagnons boulangers.
C’était hier 16 mai, la Saint-Honoré, fête des boulangers. Il m’a été donné de suivre les compagnons dans toutes les manifestations de leur fête fraternelle, et je saisis cette occasion pour dire un mot du compagnonnage. Autrefois, à l’époque où le travail n’était pas libre, où l’ouvrier était soumis à de lentes et despotiques initiations, à l’époque des maîtrises et des jurandes, en un mot, le compagnonnage était le second degré du noviciat.
On était admis compagnon après cinq ans d’apprentissage, et en produisant un chef-d’œuvre. Il durait cinq ans aussi, de telle sorte qu’un ouvrier passait dix ans avant de devenir maître. C’était de l’égalité, a-t-on dit, je le veux bien, mais au détriment de la liberté et surtout du talent.
De quel droit une société impose-t-elle un apprentissage de dix ans à un homme assez intelligent, assez habile, assez laborieux pour acquérir en trois ou quatre ans la perfection de son métier ? Mais le système restrictif des jurandes et des maîtrises, aboli en 1791, est condamné sans rémission, et je n’ai pas à en faire ressortir les inconvénients. Aujourd’hui, le compagnonnage s’est transformé, ou plutôt le nom subsiste, mais il ne reste rien des restrictions d’autrefois.
Le compagnonnage est devenu une association d’aide mutuelle.
C’est la société à l’état rudimentaire. Les hommes d’un même corps d’état se prêtent aide et protection en nature, si l’on peut ainsi parler.
Un compagnon arrive-t-il dans une ville, pauvre, inconnu, sans argent, il va chez la Mère et il trouve une famille, des amis, des guides, des protecteurs. Il reçoit le vivre et le logement jusqu’à ce qu’il se soit procuré ou qu’on lui ait procuré du travail.
Sa dette est une dette d’honneur, et il s’en acquitte à la longue, en prélevant une dîme sur le prix de son travail.
Les sociétés professionnelles de secours, les sociétés de coopérations et de consommation, ont été précédées par le compagnonnage, qui a eu son historien, Monsieur Agricol Perdiguier.
Je souhaite que partout, dans les grandes associations, il y ait autant d’union et d’esprit de solidarité que parmi les compagnons et surtout parmi les compagnons boulangers auxquels il est temps que je revienne.
Donc, hier à midi, les compagnons boulangers se sont réunis rue Geoffroy Langevin 13, maison commune et résidence de la Mère. Le cortège s’est mis en marche.
Une superbe voiture attelée de deux chevaux, et six autres victorias attendaient la Mère et les dignitaires de la corporation. Un tambour précédait la première voiture.
Un orchestre nombreux d’instruments à vent la suivait. À l’heure dite, la Mère, une femme jeune encore, grande, belle, et d’un port vraiment royal, est montée en voiture où l’un des dignitaires est venu également prendre place. À leur gauche flottait la bannière portant les attributs de leur profession, avec cette belle devise : « Respect au Devoir, Honneur et Gloire au Travail. » Au moment où le cortège a commencé son défilé, la fanfare a joué une marche des plus vives, ce qui a immédiatement décuplé le nombre des curieux qui remplissaient déjà la rue et ses aboutissants. Une foule de compagnons à pied suivait les voitures. Ils étaient tous en redingote noire, cravate blanche et souliers vernis.
Ils tenaient en main la fameuse et antique canne du voyageur, signe de reconnaissance entre frères et de défense contre les ennemis :
« Tope compagnon ! Quelle vocation ? »
Au-dessous de la canne et à la boutonnière étaient liés de gros bouquets de fleurs et appendus de longs et larges rubans de toutes les couleurs et de toutes combinaisons qui ne sont autres choses que les symboles et les emblèmes des dignités, des devoirs et des droits des compagnons du Tour de France.
Le cortège a alors suivi l’itinéraire suivant, rues du Temple et de Rivoli, le Palais Royal et la rue Saint-Honoré jusqu’à l’église Saint-Roch.
La Mère et trois dignitaires ont pris place devant l’autel, dans des fauteuils de velours précédés de prie-Dieu, absolument comme pour les bénédictions nuptiales. Les autres compagnons étaient au chœur dans les stalles même du clergé, et les musiciens au milieu, après les pupitres.


Invitations des compagnons boulangers de la cayenne de Blois
à la Saint- Honoré de 1907 (à gauche) et de 1904 (à droite).
Arch. du diocèse de Blois.

Une grand-messe a aussitôt commencé. Après le chant de l’Évangile, Monsieur l’abbé Millaud, curé de la paroisse, a adressé en ces termes la parole à la corporation :
« Madame, Messieurs, mes très chers frères,
Vous venez aujourd’hui pour célébrer la fête de votre patron, saint Honoré, évêque d’Amiens.
Comment un saint évêque a-t-il été choisi pour être le patron des boulangers ? Vous ne l’ignorez pas, peut-être, dans tous les cas, il est bon de le rappeler.
Ce saint évêque possédait entre autres vertus, celle d’une excessive sobriété. Il ne vivait pour ainsi dire que d’un peu de pain et son humilité alla si loin qu’il se fit enseigner, par un ouvrier de la ville, l’art de faire lui-même son pain, et qu’à partir de ce moment, il prépara chaque jour sa propre nourriture, composée d’un peu de farine pétrie et cuite.
Après sa mort, quand Dieu, par des prodiges, eut glorifié le tombeau de son serviteur, les boulangers de la Picardie le choisirent comme patron.
Tous ceux de France en firent autant, et ceux du monde chrétien tout entier suivirent bientôt leur exemple.
En honorant votre patron dans la maison de Dieu, vous venez par là même vous mettre sous la protection de celui qui a donné la fécondité à la terre, la chaleur et la lumière au soleil, et l’élément nutritif au grain de froment, placer votre travail, vos personnes, vos femmes, vos enfants et tout ce qui vous est cher en ce monde sous la protection de Dieu.
Nous allons le prier, à cet autel, d’agréer vos vœux, de faire tout prospérer sur vos pas, et de vous recevoir dans son sein, après votre passage de cet exil à la patrie éternelle ».
Cette paternelle allocution a été écoutée avec attention et respect. La bénédiction du gâteau a eu lieu ensuite, et, après la messe, le cortège s’est remis en marche par la rue et le marché Saint-Honoré, la rue Neuve des Petits Champs, la place des Victoires, la rue d’Aboukir, les Halles et la rue du Plâtre, où il s’est arrêté chez Monsieur le commissaire de police du quartier de la Maison-Mère, pour lui présenter les compliments de la corporation et lui remettre sa part de gâteau.
Ce devoir accompli, on est revenu rue Geoffroy Langevin, d’où, après le repas d’usage, on s’est dirigé vers Vaugirard dans l’établissement et les salons de la maison Ragache, le bal a été ouvert à neuf heures du soir par la Mère et le plus haut dignitaire.
Les compagnons boulangers avaient adressé un certain nombre d’invitations à leur bal, et certes, on peut dire qu’on y a fait honneur, car les danseurs et les danseuses étaient fort nombreux.
Rien du reste n’a laissé à désirer : vaste local, brillant éclairage, somptueux buffet, amabilité et cordialité accomplies. Ça a été une véritable fête de frères et de travailleurs.
Thomas Grimm. »

La visite aux autorités, sortie des compagnons boulangers du Devoir de la préfecture de Blois en 1909.

Les Autorités
Vers 1890 est instaurée la visite aux autorités – mairie et préfecture – précédée dans une majorité de cas par une visite au commissaire de police à qui est offert une brioche, en remerciement d’avoir autorisé et organisé la sécurité du cortège sur la voie publique. La visite au maire et au préfet est inhabituelle, et ne fait pas l’unanimité lors de sa mise en place au sein des compagnons boulangers. L’accueil par les représentants des pouvoirs publics est bien sûr chaleureux, chaleur provoquée par des discours enflammés adressés à des électeurs potentiels. Ce sont les premières recherches de soutien auprès des autorités de la République qui aboutiront, beaucoup plus tard, à la reconnaissance des compagnons du Tour de France comme association reconnue d’utilité publique – loi de 1901.

Disparition du pain bénit
Dernier changement pour cette fin de siècle, la suppression du pain bénit et du fleurissement des boutiques. Cet abandon est la conséquence de l’apparition et du développement considérable du syndicalisme auquel adhèrent de plus en plus d’ouvriers boulangers et de compagnons désertant le Devoir, les compagnons boulangers ne voulant pas être considérés comme des « jaunes ». Le pain bénit sera désormais partagé après la pose du bouquet, avec les patrons présents au banquet.

Solidarité
La Saint-Honoré est un moment de solidarité. Le 16 mai 1878 à Paris, lors du banquet, Jean-Baptiste Entraygues, Limousin Bon Courage, organise une quête pour venir en aide aux victimes de la catastrophe survenue la veille rue Béranger, une explosion d’amorces aux fulminates dans une fabrique, quartier du Château d’eau, qui détruisit deux maisons et fit quinze morts. Le produit se montant à 95 francs fut versé à la caisse municipale du troisième arrondissement de Paris.

< Brancard de pain bénit porté par les compagnons boulangers Gaston Duhameau, Blois l’Ami des Compagnons et Georges Papineau, Blois l’Ami du Travail. Saint-Joseph 1959, Paris.

En 1902, par la même Cayenne de Paris, une souscription est ouverte le jour de la Saint-Honoré pour la catastrophe de Saint-Pierre- de-la-Martinique, englouti sous les cendres d’une éruption volcanique.

Ladite souscription atteignit le montant de 18,50 francs, et fut versée au Journal Le Petit Parisien.

« Nous allons faire une autre souscription et nous serions heureux que toutes nos cayennes suivent notre exemple, car la misère doit être grande dans ce pays si éprouvé par un cataclysme sans exemple, puisque l’on compte 40 000 victimes. Cette terrible catastrophe qui engloutit la ville de Saint-Pierre et tous ses êtres humains qui sont morts carbonisés. Demain peut-être les survivants de ce terrible fléau seront atteints par la famine.
C’est pourquoi nous faisons un appel chaleureux à tous nos frères, les compagnons boulangers du Devoir, pour qu’ils envoient leur obole à leur cayenne respective, nous sommes persuadés que notre appel sera entendu et nous les remercions d’avance. Salut et Fraternité […] » (Publié dans le journal Le Ralliement des compagnons du Devoir.)

La Saint-Honoré du XXe siècle à nos jours
Au cours du XXe siècle, de nombreux changements sont effectués, qui mènent à une Saint-Honoré réduite de nos jours au minimum nécessaire.

    1. La participation des épouses au banquet : c’est à la Saint- Honoré de 1911 que, pour la première fois, les épouses des compagnons boulangers de la cayenne de Troyes ont pu participer au banquet.
    2. L’abandon des messes dans toutes les cayennes du Tour de France : la guerre de 1914 représente la date symbolique de cette disparition. L’entre-deux-guerres voit une participation plus importante des épouses de compagnons, en particulier celles des hommes en place, épouses qui font bien souvent office de Mères.
    3. La date du 16 mai n’est plus retenue de façon systématique, la fête de Saint-Honoré est désormais choisie un samedi ou un dimanche, sur les quatre semaines encadrant le 16 mai.

Saint-Honoré 1935, 16 rue Charlot à Paris. Au centre, Mme Mercoyrol,
Mère des compagnons couvreurs et boulangers du Devoir de Paris, à sa gauche,
Georges Renard, Bourguignon l’Ami des Arts et
à sa droite, Louis Chasseray, Manceau l’Ami du Silence.

Mais en 1936, à Paris, les compagnons boulangers décidèrent de fêter la Saint-Honoré un mardi, afin de faciliter la venue de leurs adhérents à cette journée fraternelle, cette date mit en colère les compagnons de différents corps d’état, ces compagnons ne pouvant assister à cette fête.

< Invitation au banquet et bal de la Saint-Honoré de la cayenne de Paris, le samedi 12 mai 1934 ; l’on observe la reprise du blason de Levé d’acquit (voir chapitre Les documents du compagnon) pour illustrer cette invitation

Une lettre ouverte, écrite par ces compagnons, fut publiée dans le journal Le compagnon du tour de France (Numéro 84, 1er août 1936, page 9.) :
Lettre ouverte aux CC∴ boulangers de Paris.
Nous nous excusons auprès des compagnons boulangers de la remarque que nous croyons bon de leur adresser.
Réunis pour fêter la Saint-Honoré en un banquet qui a eu lieu dans une de nos cayennes, nous avons été très étonnés de ne pas avoir été invités.
Nous croyons qu’il aurait été préférable pour vous et nous d’organiser votre fête un jour où chacun pouvait et se serait fait un grand plaisir de vous assister.
Nous ne pouvons croire que, pour plaire à quelques amis, vous ayez cru devoir rompre une habitude que les uns et les autres acceptaient toujours avec joie, celle d’être des vôtres dans cette circonstance.
Attendu que jamais rien, que nous sachions, ne soit venu altérer notre mutuel F∴ sentiment.
Nous ne voulons anticiper sur vos décisions, mais nous pensons que si vous ne jugez pas utile de nous inviter, et que vous préférez établir une fête spécifiquement de CC∴ boulangers, comme c’était votre droit, nous avons été fort étonnés d’y remarquer des invités qui n’ont rien de commun avec nos groupements.
Nous reflétons ici l’opinion sincère et sans rancœur des jeunes CC∴ du Devoir de Paris, vous priant seulement de méditer sur votre attitude regrettable.
Nous espérons qu’à l’avenir vous ne sauriez refuser notre collaboration, par réciprocité de politesses et, avant tout, pour maintenir ensemble les vieilles traditions de nos Devoirs et du T∴D∴F∴
Un groupe de jeunes CC militants pour la prospérité du compagnonnage :
Bray, C∴Bourrelier D∴D∴
Lamy, C∴ Charron D∴D∴
Mignot, C∴Cordonnier D∴D∴
Narrant, C∴Menuisier D∴D∴
Pagot, C∴Marechal D∴D∴
PS : Nous ne faisons ici qu’une simple remarque et, prenant les responsabilités de l’article, nous dégageons entièrement nos sociétés et la rédaction du journal.

La réponse à cette lettre ouverte ne se fit pas tarder. Dans le numéro suivant, nous lisons ceci :
Réponse à la lettre ouverte aux CC∴Boulangers.
Très touchés par l’article du numéro dernier, nous nous trouvons obligés de vous faire remarquer ces quelques détails :

    1. En ce qui concerne la fête de la Saint-Honoré :
      La Commission des fêtes a agi selon la volonté de l’assemblée qui avait décidé d’organiser cette fête un jour de semaine. La Saint- Honoré étant une fête de boulangers, nous devons avant tout satisfaire les C∴ de notre corporation. Les années précédentes, beaucoup d’entre nous étaient gênés pour quitter leur travail le samedi. Cette année, uniquement à titre d’essai, nous avons décidé de fêter la Saint-Honoré un mardi, pour permettre aux ouvriers de Seine- et-Oise et de Seine-et-Marne d’y assister, étant donné qu’ils ont leur repos le mercredi, et que les patrons de la Seine préfèrent que leurs ouvriers se fassent remplacer un jour de semaine plutôt que le dimanche (le travail le veut aussi).
    2. Nous ne pouvions inviter les corporations étrangères à une fête dont le succès était incertain. Il nous aurait été très pénible de dé- ranger des A∴ et C∴ pour consacrer une soirée d’où ils seraient rentrés mécontents.

Reçu de la Société Nationale d’Horticulture de France pour le versement de 450 francs pour la location d’une salle pour le bal de la Saint-Honoré, rue de Grenelle, et quittance de droit d’auteur, le 13 mai 1933 à Paris.

Nous préférons qu’ils aillent à Blois en plus grand nombre, là, nous sommes persuadés qu’ils passeront une bonne fête. Vu le succès qu’a obtenu notre banquet cette année, nous nous proposons d’inviter à l’avenir, officiellement, toutes les cayennes. Vous nous reprochez d’avoir eu des invités qui n’ont rien de commun avec nos groupements. Là, votre reproche est injustifié. Les étrangers au compagnonnage qui assistaient à cette fête n’étaient pas les invités de la section, mais des amis personnels que des compagnons avaient amenés avec eux.
Espérant que vous comprendrez notre décision et que dans nos prochaines fêtes, vous ne nous priverez pas de votre collaboration, quitte à sacrifier quelques heures de sommeil dans la semaine, sachant que nous vous accueillons toujours avec autant de joie.
Pour la S∴D∴T∴ nous vous adressons notre S∴T∴F∴
Pour la commission des fêtes :
H. Aquatias, Champagne L∴F∴C∴
J.Sambardier L∴B∴E∴

En 1937, la Saint-Honoré s’est tenue de nouveau un samedi.

  1. Le cortège est maintenu et se déplace désormais du siège où a lieu la pose du bouquet à la salle du banquet ou de la salle de banquet à la salle de bal. À noter que la pose du bouquet a désormais lieu le jour même de la Saint-Honoré, ce qui explique l’apparition d’un bouquet composé de fleurs fraîches pour remplacer les immortelles qui, elles, pouvaient être pendues 48 heures au bout d’une ficelle.
  2. La visite aux autorités disparaît, les représentants des pouvoirs publics sont invités au banquet, ainsi que ceux des organismes professionnels.

La Saint-Honoré d’entre-deux-guerres est constituée de la pose du bouquet, quelquefois d’un cortège, d’un banquet et parfois d’un bal se clôturant par une Chaîne d’Alliance, selon l’effectif des compagnons participant à la fête.

En 1947, l’adhésion à l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir, qui n’est pas favorable à des démonstrations publiques, entraîne l’abandon du cortège. Les trois derniers cortèges sont :

  • La Saint-Honoré de la Cayenne de Bordeaux en 1953, qui eut lieu plus exactement à Arcachon, avec dans ses rangs Jean Bernard, la Fidélité d’Argenteuil, premier conseiller de l’Association Ouvrière, et le compagnon tailleur de pierre, Joseph Magrez, La Volonté de Bordeaux, provincial de la ville de Bordeaux.
  • La Saint-Honoré de la Cayenne de Blois en 1954 pour la remise du nouveau drapeau, avec la participation de l’harmonie municipale.
  • La Saint-Honoré et congrès de 1955 à Bordeaux.

La tradition du cortège est reprise par les compagnons boulangers et pâtissiers du Devoir de la ville de Tours en 1998 à Villedômer où se tient le banquet organisé par Claude Romian, Tourangeau l’Ami du Tour de France, compagnon pâtissier du Devoir. À cette occasion, une nouvelle bannière est confectionnée. Aujourd’hui, cette pratique est maintenue par les compagnons boulangers et pâtissiers restés fidèles au Devoir dans certaines de leurs cayennes.

La démonstration publique du cortège est remplacée par une démonstration de connaissance professionnelle : une exposition de différents travaux de boulangerie et de pâtisserie, réalisée par les jeunes itinérants, de l’apprenti au compagnon. C’est le résultat des premiers pas de la formation professionnelle boulangère donnée par les compagnons boulangers et pâtissiers à partir de 1955.

En ce début de XXIe siècle, de nouveaux changements commencent à apparaître, dont la disparition du bal. Le bal était au XIXe siècle, la seule véritable soirée de détente de l’année du compagnon, dans une société où l’homme du peuple existait uniquement pour travailler, situation à l’opposé de la société de loisirs dans laquelle nous évoluons actuellement où un bal n’est qu’une goutte d’eau dans un océan de plaisirs et d’amusements.

« Les Compagnons aspirants boulangers et pâtissiers
ont dignement célébré la Saint-Honoré ».
– En haut les aspirants pâtissiers Émile Mahot et Claude Liberge
faisant goûter à  Mlle Jacqueline Pebayle une dragée de leurs gâteaux.
– En bas Éloi Mallet, Agenais Sans Reproche et Jean Pebayle, Bordelais l’Enfant Chéri,
effectuant le Devoir sur le bouquet de Saint-Honoré. Bordeaux, 1960. Journal Sud-Ouest.

– Ci-dessous la présentation de travaux pour la Saint-Honoré de Bordeaux en 1962, l’on remarque la grande couronne bordelaise faisant honneur aux compagnons boulangers

 

Voyage dans le temps

Annonce diffusée dans le journal
Lyonnais Le Censeur,
du 16 mai 1841. Le Grand-Orient
n’est pas une loge maçonnique,
mais un café des plus célèbres
de Lyon au XIXe siècle.

Lecteur, je te demande une chose incompréhensible et inhabituelle pour la bonne compréhension d’un ouvrage écrit : FERMES LES YEUX !
Lyon, Saint-Honoré 1841, la salle de bal, de hautes fenêtres, de grandes tentures de différentes couleurs soyeuses, un parquet lustré, un orchestre de quinze musiciens de noir et de blanc vêtus, prêt à entamer les premières notes d’ouverture, des effluves des plus agréables se répandent dans la salle, issus de ces centaines de petits bouquets de fleurs fraîches multicolores accrochées à la poitrine de ces dames ou à leurs plus belles coiffures, à leur côté, les compagnons, redingote de rigueur, couleurs à la boutonnière, scrutant d’un œil discret l’assemblée, à la recherche d’une charmante cavalière, redressant le buste, « les paons font la roue. »
Tout le monde se place sur la circonférence de la salle, le silence s’impose de lui-même, les premières notes se font entendre.
Le rouleur, ganté de blanc, canne enrubannée de blanc et de rouge en main, avançant d’un pas lent mais décidé.
Derrière lui apparaît, dans sa plus belle tenue de fête, la Mère, ayant pour cavalier d’honneur le Premier en ville paré de ses couleurs et de sa couleur blanche de fonction, un gros bouquet de fleurs et d’épis de blé à la boutonnière réservé aux hommes en place et à la Mère…
Le rouleur les conduit au centre de la salle, puis s’efface discrètement laissant le parquet à ce couple d’un instant.
Le Premier en ville et la Mère se saluent selon l’usage, entament la première danse, les spectateurs laissent quelques instants ces deux symboles de la société seuls sur la piste, et petit à petit vient s’y ajouter l’ensemble de l’assemblée, sur le son d’une valse viennoise. Les couleurs virevoltent, ainsi que les robes de ces dames.
Ils sont fiers et heureux, ces boulangers, boulangères, amis, dont une grande partie a fait de difficiles économies pour pouvoir se vêtir de la plus belle tenue, rarement la plus belle du marché, mais la plus belle pour celui ou celle qui la porte, car elle possède en elle l’une des plus grandes valeurs, celle du sacrifice.
Ces « mineurs blancs », « troglodytes », « brutes et alcooliques », « ignorants », revêtus de hauts-de-forme, queues-de-pie, et gants blancs. Quelle joie ce jour-là et quel pied de nez à ces messieurs « de la haute » !
Lecteur, ouvres les yeux, tu dois continuer à lire et moi à écrire.

Taxis trop chers, compagnons en colère !
Un petit article de presse parisienne nous apprend qu’il vaut mieux ne pas déranger les compagnons boulangers lors de leur fête (La Presse, 18 mai 1845) :
Hier, à l’occasion de la fête de la Saint-Honoré, la société des garçons boulangers s’est réunie au domicile de la Mère des boulangers, rue Babille. La Mère est montée dans une calèche attelée de deux chevaux, et le cortège composé d’environ deux cents individus, ornés de rubans et chacun porteur d’une grosse canne, s’est mis en marche, musique en tête, pour l’église Saint-Roch, où une messe a été célébrée. Les compagnons se sont ensuite rendus dans le même ordre à la barrière du Maine, où un repas et un bal devaient avoir lieu. Jusque-là, tout s’était passé fort tranquillement. Mais pendant le bal, un cocher de fiacre vint chercher la garde au poste de la barrière, afin de se faire payer une course dont un garçon boulanger qu’il venait d’amener dans sa voiture lui refusait le prix. Le caporal et les deux fusiliers envoyés par le commandant du poste pour faire droit à la réclamation du cocher trouvèrent à leur arrivée un grand nombre de garçons boulangers qui se ruèrent sur eux, et le délin- quant ne put être ni retrouvé ni arrêté.

Saint-Honoré par Abel Boyer
Abel Boyer au bal de la Saint-Honoré de Montpellier 1902 (Extrait de Mémoire d’un compagnon du tour de France, Abel Boyer, 1957.) :
Voici la Saint-Honoré, tout Nîmes assiste à la messe des boulangers, elle attire beaucoup plus de monde que les plus grandes fêtes de l’année et pour cause ! Les patrons boulangers ont fait de la belle et délicieuse brioche que l’on passe dans les grandes corbeilles sous le nez des fidèles et chacun d’y puiser, les boulangers sont d’excellents apôtres du Seigneur, sans prédications, ils savent exciter la piété, et faire accourir les foules.
Me voici à Lunel, Achard qui m’a confié son pantalon et sa redingote en vue de la Saint-Honoré à Montpellier qui a lieu le dimanche suivant celle de Nîmes, doit me prendre au passage.
Mais je n’ai pas de huit-reflets. Je m’en désole ; la patronne m’offre celui de son mari. La Mère m’a prêté les souliers du fils en vue de l’événement, me voici donc harnaché, le patron est cloué au lit par des rhumatismes et l’effet certainement ridicule que je fais à sa femme les amuse tant que le patron veut me voir et il sourit, ce brave Monsieur Gassend.
En gare de Lunel et dans la rue, je fais de l’effet. Une demoiselle me lance : « C’est vous le rouleur ? » Ce doit être une fille de compagnon sans doute.
Enfin, voici le train venant de Nîmes et Achard m’a déjà aperçu de loin. Un compagnon, cela ne peut pas passer inaperçu quand il est vêtu en grand seigneur et Achard de sortir ses couleurs et de les installer sur sa tenue neuve qui a donné ainsi congé à la mienne. Cortège, messe, banquet, comme à Nîmes, la brioche est doublement bénite par le prêtre et par les fidèles.
Le soir, bal au grand théâtre, l’ouverture se fait selon les rites : chaque corporation doit faire la guilbrette selon son rite et cela amuse la galerie. Les hauts-de-forme rabattus sur les oreilles, les compagnons échangent leur salut, que peuvent-ils se dire ?
Les curieux tendent l’oreille. Les cannes virevoltent, se croisent, je m’étonne du respect de cette foule pour ces cérémonies archaïques.
Après la Chaîne d’Alliance, c’est la détente, on danse, on chahute, me voici avec Charles le Rochelais (*) à jouer à saut-de-mouton, tantôt, je lui saute sur les épaules, mais oh, malheur, le pantalon d’Achard déjà trop court, trop étroit, vétuste, craque et s’ouvre à l’endroit le plus impudique de ma personne, quel succès mes amis, s’il y avait eu un prix du faire rire, on me l’aurait décerné.
(* Charles Peneaud, né le 24/12/1883 à La Rochelle ; reçu compagnon menuisier du Devoir à Toulouse à Pâques 1901.)
Et les âmes charitables – il y en a partout – de réparer les torts à grands coups d’épingle. Or, voulant me remettre à danser, nouveaux craquements et pour éviter le scandale, je pris la résolution d’étayer les murs et les tentures de la salle en m’y adossant telle une cariatide pour les soutenir.

Saint-Honoré, Nîmes 1933. Au centre, Baptiste Avrillon, Vivarais la Franchise, encadré à gauche par Mme Aigoui, Mère des compagnons selliers et à droite par Mme Lahondès, Mère des compagnons boulangers de Nîmes, la première femme à gauche au premier rang est Mme Avrillon faisant office de Mère entre les deux guerres.

Voici une chanson écrite à Lunel en juin 1902 par Périgord Cœur Loyal, en souvenir de la Saint-Honoré de Nîmes :

LA SAINT-HONORÉ

Fête des boulangers à Nîmes, le 18 mai 1902.

Mes chers amis, le beau soleil de France,
Par un beau jour son éclat radieux
Illumina d’un rayon d’espérance
Le mystère qui réside en ces lieux.
Dans ce beau jour un grand nombre de frères
Viennent fêter le grand Saint Honoré.
Les boulangers l’ont reconnu pour père
Depuis longtemps par eux est vénéré.
Ce bon vieillard dont ils gardent l’estime,
Le 18 mai en mille neuf cent deux
Vient de prouver dans la ville de Nîmes
À ses enfants l’amour qu’il a pour eux ;
Il est venu ce vieux à barbe grise
À ce banquet prendre place, s’asseoir
À côté de Maître Jacques et Soubise
Les fondateurs de notre beau Devoir.

Dès le matin on put voir dans la ville
Les Compagnons portant cannes et couleurs
Pieusement allant à Sainte-Baudile,
Sur deux rangs précédés du rouleur.
Je me souviens de la belle conduite
Des boulangers portant leur étendard
Où l’on voyait en lettres d’or écrites :
Amour et paix, parmi les hommes d’arts.

Après l’office en sortant de l’église,
Le cortège reprit son beau maintien.
Mes chers amis, ici quoi qu’on en dise,
Dans un groupe nous vîmes des Indiens.
Que faisaient-ils là sur notre passage
Jalousaient-ils notre fraternité ?
Mais le Devoir du vrai Compagnonnage,
N’est pas celui qu’on nomme Liberté.

Après avoir contourné les arènes
Les boulevards et la Maison carrée
Un bon hôtel derrière la Fontaine
Nous attendait pour bien nous restaurer.
Joyeusement autour de cette table,
Prirent place les jeunes aspirants,
Et plus d’un vieux à l’aspect respectable
Vinrent chanter quelques couplets charmants.

Il fallait voir en cette circonstance
La Mère ornée d’une blanche couleur
Que le Languedoc dit la belle prestance,
De la servir se faisait un honneur.
Je n’oublierai pas ce jour d’allégresse
Que plus d’un frère égaya de ses chants,
Ni la gaîté en ce jour la déesse
De cœur joyeux nommé le Gévaudan.

Dans ma chanson il faut que je m’arrête,
De mes amis à citer le nom,
Car je n’ai pu les graver dans ma tête
Si ce ne sont ceux du pays Gascon,
Et Cœur de Roi dont les cheveux grisonnent
De Bon Courage Itier le Vivarais,
Que ces refrains depuis ce jour résonnent
Comme un parfum au grand Saint Honoré.

Je citerais Charles de La Rochelle,
Ce jeune et gai Compagnon Menuisier,
Aussi Castres le Courageux Fidèle,
Vrai devoirant Compagnon Cordonnier.
De Montpellier à cette fête intime
Étaient venus avec des boulangers
Fraterniser dans la ville de Nîmes,

Avec honneur parmi nous se ranger.
Je n’oublie pas Tourangeau la Constance
Car il porte son nom avec honneur
En travaillant il vit dans l’espérance
N’a qu’un seul but, l’alliance des cœurs.
Honneur à toi car ici sur la terre
Ton dévouement vit dans l’obscurité,
Reste toujours soutien du prolétaire,
Tu revivras dans la postérité.

Un assistant de cette belle fête,
Que l’on nomme Périgord Cœur Loyal
L’a retracé non pas comme poète
C’est un ouvrier, Compagnon maréchal.
Oui dans son cœur il gardera l’empreinte
De ce beau jour et veut ici nommer
Comme témoins : Vivarais Va Sans Crainte
Et Bourguignon nommé le Bien Aimé.

Abel Boyer dit Périgord Cœur Loyal C∴M∴F∴D∴D∴3∴5∴7∴

Les compagnons cités dans cette chanson sont les suivants :

  • Saladin Léonce, Languedoc la Belle Prestance, né en 1861 à Collias (30), reçu à Noël 1881 (lieu inconnu)…
  • Augier Léon, Gévaudan Cœur Joyeux, né en 1871 à Fraissinet (48), reçu à Nîmes à la Toussaint 1897 ;
  • Itier Henri, Vivarais Bon Courage, né le 17 octobre 1876 au Pouzin (07), reçu à Nîmes à Pâques 1901, mobilisé en 1914-1918, décédé le 8 janvier 1944 à Paris ;
  • Peneaud Charles, Charles le Rochelais, compagnon menuisier du Devoir, reçu à Toulouse à Pâques 1901 ;
  • Villemard Hyppolyte, Gascon Cœur de Roi, né en 1822 à Marsolan (32), reçu à Orléans à L’assomption 1846 ;
  • Achard Louis, Tourangeau la Constance, né en 1865 à La Tour- Saint-Gelin (37), reçu à La Rochelle à Noël 1884 ;
  • Fort Louis, Vivarais Va Sans Crainte, né en 1840 à Chandolas- Maisonneuve (07), reçu à Nîmes à Pâques 1862 ;
  • Gilbert Émile, Bourguignon le Bien Aimé, né en 1870 à Saussy (21), reçu à Tours à la Saint-Honoré 1888 ;
  • Castres le Courageux Fidèle, compagnon cordonnier du Devoir, non identifié.

La pose du bouquet aujourd’hui
Depuis leur adhésion à l’Association Ouvrière des compagnons du Devoir en 1946, les compagnons boulangers pâtissiers fêtent généralement la Saint-Honoré (banquet et bal) dans les locaux de cette association. À partir de 1990, nous constatons un abandon de cette pratique, et progressivement cette fête quitte les sièges de l’Association Ouvrière pour rejoindre des restaurants ou salles de banquet.

Cela entraîne un changement non dans la forme mais dans le fond. En effet, les compagnons boulangers et pâtissiers pratiquent toujours la pose du bouquet, mais celle-ci ne se fait donc plus sur la façade du siège de la Mère, comme cela était le cas depuis leur fondation, même si le lieu du banquet était différent.
La symbolique du bouquet destinée à sacraliser et à apporter protection au lieu d’accueil des compagnons et aspirants itinérants et ses hôtes disparaît.
En posant le bouquet sur le lieu du banquet, l’on exprime inconsciemment la volonté de « compagnonniser » le lieu profane pour la durée des festivités. Le geste reste, mais la raison ancestrale n’est plus.

La pose du bouquet est l’unique et dernier fil conducteur reliant les Saint-Honoré contemporaines à la première Saint-Honoré des compagnons boulangers du Devoir sous le Premier Empire.
Si la pose du bouquet devait un jour disparaître, la Saint-Honoré deviendrait un bon banquet entre amis, rebaptisé très certainement Banquet annuel des compagnons boulangers et pâtissiers… ce qui n’est pas à souhaiter.

Levée du bouquet de Saint-Honoré sur la façade du Café Louis XII à Blois, siège des compagnons boulangers, vers 1934, l’on remarque à droite et de face, Mme Caillaux, Mère des compagnons boulangers.

Couverture d’un menu de banquet de Saint-Honoré vers 1970. L’on remarque la touche de J. Bernard, la Fidélité d’Argenteuil et de l’Imprimerie du Compagnonnage, située rue de l’Hôtel de Ville à Paris (fermée vers 2000).

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D. Extrait du livre  LE PAIN DES COMPAGNONS

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