Chef-d’oeuvre en boulangerie 1948

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Chef-d’oeuvre en boulangerie en 2013 au musée du compagonnage de Tours.

Le chef-d’oeuvre en boulangerie en 1948 :

En Assises du compagnonnage de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir du tour de France qui se sont déroulées à Nantes, les 20 et 21 octobre 1948, les Compagnons boulangers, suite aux attaques de nombreux compagnons de différents corps de métier, en particulier du bâtiment, sur une soi-disant absence de chef-d’oeuvre dans la profession de boulanger, se trouvent dans l’obligation de réagir, je dirais même de riposter.

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Compagnons charpentiers du Devoir, défilants avec un grand chef d’oeuvre.

Voici la réaction des Compagnons boulangers du Devoir lors de ses Assises :

Compagnon Georges Papineau, Blois l’ami du travail, représentant les Compagnons boulangers:

« Le Conseil Central des compagnons boulangers m’a demandé de bien vouloir faire une mise au point sur notre situation et notre rôle dans l’Association Ouvrière ainsi que sur le chef-d’œuvre en boulangerie.
Nul n’a l’intention de contester aux métiers-clefs du bâtiment leur ancienneté dans le compagnonnage.

Pendant longtemps, ils furent maîtres chez eux, tout en adoptant ou acceptant d’autres corporations également du bâtiment.

Mais ce compagnonnage qui offrait tant d’attrait à ces ouvriers ne pouvait passer inaperçu aux yeux et à l’envie d’ouvriers appartenant à d’autres corporations qui, sans construire de maisons, oeuvraient quand même de leurs mains pour fabriquer un objet complet ; c’est ainsi que plusieurs métiers n’ayant rien de commun avec le bâtiment furent successivement compagnonnisés *.

La forte corporation des boulangers, organisée et hiérarchisée depuis le Moyen Âge, se trouvant désorganisée après la révolution, ne pouvait admettre d’être rejetée du compagnonnage.
Par surprise, je l’admets, les premiers compagnons furent reçus à Nevers et reconnus à Blois par les compagnons Doleurs.

L’esprit compagnonnique était tellement naturel chez nos premiers Compagnons boulangers que, malgré la levée de boucliers qui se firent contre eux, ils ne cessèrent d’augmenter en nombre et de porter fièrement cannes et couleurs.

Cinquante années de lutte furent nécessaires pour faire comprendre aux autres corps d’État qu’il était inutile de combattre des gens de métier qui ne voulaient point en démordre.

Depuis quatre-vingt dix ans bientôt que cette reconnaissance eut lieu, si la lutte ouverte a cessé, nous sommes seulement TOLERES dans le compagnonnage et personne ne cache que, si nous ni etions pas , L’ON NE VIENDRAIT POINT NOUS CHERCHER. Nous le savons fort bien et jusqu’ici cela ne nous a jamais gênée, car ceux qui avaient l’intention de dissoudre notre corporation ne l’ont jamais fait.

Actuellement, le compagnonnage est en pleine rénovation. Cet état de choses ne peut continuer. À chaque instant, dans les conversations particulières, même dans certains congrès où réunions, nous sommes attaqués parfois severement, sur notre impossibilité de fournir un chef-d’oeuvre.
Nous voulons aujourd’hui exposer « OFFICIELLEMENT », durant ces assises, notre conception du chef-d’oeuvre.

Nous souhaitons que cet exposé resté bien dans le cadre purement de notre métier, que les assises prennent leurs responsabilités pour que cessent les sarcasmes qui ne peuvent que nuire à l’action compagnonnique. Nous ne sortirons d’ici que devant une décision ferme, nous repoussons d’avance toute solution negre-blanc tendant à tolérer ce que vous ne pouvez empêcher.

Cette décision ne devra tenir compte, ni des mérites réels de nos ancêtres, ni de la valeur de certains compagnons boulangers, ni de l’importance de notre corporation qui, malgré une crise sévère, reste encore l’une des plus nombreuses représentées ici.

Nous sommes rentrés à l’Association Ouvrière avec le même cœur, la même certitude d’une base solide pouvant servir de tremplin au renouveau du compagnonnage. Conscients de nos responsabilités, nous allons nous efforcer de développer notre point de vue.

Pour être concis, nous divisons notre exposé en trois points :

1) La boulangerie réunit elle toute les conditions exigées à l’article 3 des statuts par le compagnon Emilien Cotet, Poitevin le courageux.

2) Notions du chef-d’oeuvre en boulangerie par le compagnon Fernand Pearron, Blois plein d’honneur.

3)  L’action professionnelle dans notre métier, par le compagnon Georges Papineau, Blois l’ami du travail. 

J’attire l’attention du Conseil du compagnonnage, du Collège des métiers et de tous les compagnons représentant ou non leur corporation sur la nécessité d’une telle étude et d’une telle décision. De la clarté jaillira l’espérance. Les compagnons boulangers en échange, vous offrent leur courage et leur cœur pour que vive et prospère notre beau compagnonnage.

Je demande au C président de bien vouloir passer la parole au  compagnon Émilien Cotet, Poitevin le courageux pour le premier point. »

La parole est donnée à Émilien Cotet, Poitevin le courageux :

« Article 3 des statuts de l’Association Ouvrière : L’association groupe les seuls métiers permettant a l’homme de façonner de ses mains un objet complet, dans une matière et par l’application d’un art manuel qui lui donnera la possibilité à la fois de concevoir et d’exécuter son œuvre. 

Si les premiers compagnons avaient été boulangers, cet article à lui seul, leur permettrait de repousser du compagnonnage la plupart des autres corporations, car l’ouvrier boulanger est l’un des rares qui se sert exclusivement de ses mains, sans le concours d’aucun outil, à tel point que la MAIN du boulanger est presque devenue un symbole, dans le métier.

Pas besoin de marteau, ni de metre, pas d’équerre ni de compas et encore moins de scie. La MAIN seule et le coup d’œil fait le reste, et si nous nous servons de quelques instruments, tels que la balance ou lame, ce n’est que secondaire. Le façonnage des pains se fait uniquement avec les mains, et dans ce travail où elles sont irremplaçables, les deux mains fons simultanément le même travail, produisent le même effort.

Alors que tous les métiers ont été plus ou moins mécanisés, le nôtre est reste essentiellement manuel. J’en veux pour preuve les coupures actuelles d’électricité qui réduisent la production des autres métiers. Dans le nôtre, aucun arrêt, aucun retard. La seule machine qui existe en boulangerie, le pétrin mécanique, constitue une amélioration diminuant la fatigue de l’ouvrier, mais cette machine vient elle a manqué, notre rendement reste le même.

Faisons-nous un objet complet ? 

 Vous serez les seuls surpris que je prenne la peine de vous expliquer que nous prenons de la farine, du sel, de l’eau, et du feu pour en faire du pain : c’est donc bien un objet complet qui ensuite ne redeviendra jamais à son état primitif.

Concevons-nous notre œuvre ? 

 L’ouvrier est à la fois penseur et exécutant. Son travail est son seul patron. Il doit savoir à chaque instant et de sa propre initiative modifier la conduite de son travail. Le patron lui-même, n’a aucun droit dans le fournil. Dans les fortes maisons qui nécessitent plusieurs ouvriers, chacun d’eux est maitre et seul responsable de sa partie.

Exécutons-nous notre œuvre ? 

 Je crois qu’il est superflu de l’affirmer.
En resume, le métier de boulanger est conforme à l’article 3 des statuts, quisqu’il permet à son homme de façonner de ses mains un objet complet dans une matière et par l’application d’un art purement manuel, de le concevoir et de l’exécuter ».

La parole est donnée à Fernand Péarron, Blois plein d’honneur :

Définition du chef-d’oeuvre : Ouvrage qui est à la tête des autres .

C’est ainsi que dans tous les corps d’état, le chef-d’oeuvre peut être défini, car il représente pour son auteur, le resumé et le développement de toutes ses connaissances, des difficultés du métier et à la perfection de ses épures d’abord, de son exécution ensuite, on peut juger le degré de savoir de l’homme.

Nous n’avons nulle intention de critiquer les autres métiers qui ont tous leur utilité et demandent de réels efforts pour les biens connaitre. Mais il est incontestable qu’un travail courant ne peut-être soigné comme un chef-d’oeuvre unique.

En boulangerie il en est tout autrement. Tous les pains, depuis le premier jusqu’au dernier, doivent être consommés, tous les jours et plusieurs fois par jour, le consommateur désire avoir sur sa table exactement le même pain.

Aucun autre métier n’a de telles exigences.

Aucun plan, aucune épure ne peut être préparer d’avance.

Aucun outil de précision, compas ou équerre, ne servent à tracer l’ouvrage avant sa mise en œuvre. Seul la MAIN agit. Le coup d’œil fait le reste. Si l’on ajoute à cela la cadence à laquelle tout le travail doit être exécuté, même s’il s’agit d’un examen ou d’une exposition, on verra l’énorme différence qui existe entre le chef-d’oeuvre de boulanger et celui des autres métiers qui, pour ces derniers peut-être « pensé, muri, tracé, exécuté » sans conditions de temps.

Le boulanger devra donc être juge sur son travail habituel de tous les jours, car la régularité du travail et une condition essentielle pour être qualifient bon ouvrier.

Enfin, l’impossibilité de conserver nos chefs d’œuvre, qui nous est toujours reprochée, devrait au contraire amener nos Frères des autres corporations, à s’incliner devant la haute mentalité qu’il faut à un ouvrier pour s’appliquer à parfaire une oeuvre voué à une destruction rapide et certaine.

Pour bien vous faire sentir ce passage,écoutez ce qui suit sans vous fâcher, car ce n’est pas méchant ».

La parole est donnée à Georges Papineau, Blois l’ami du travail :

« Que dirais-tu menuisier, charpentier, ou autres tailleur de pierre, si, après tant d’heure, de journées, d’années parfois passées a penser, murir, tracer, et exécuter ton chef-d’oeuvre, une main sacrilège venait te le ravir avec la ferme intention de le détruire ?

Avant de penser ton chef-d’oeuvre, ne dirais-tu pas : à quoi bon ?

Et puis, si, malgré cette certitude, tu en entreprenais l’exécution dans les moments de lassitude inévitable dans toutes œuvres de longues haleine, ne verrais-tu pas, comme dans une hallucination, le feu ou la masse réduire à néant ce que ton esprit aura conçu, tes mains œuvré.

Et encore une fois, ne dirais-tu pas : à quoi bon ?

Si ton énergie naturelle et le seul espoir de contempler, ne serait-ce que quelques secondes, une œuvre parfaite, sortie de toi seul, te permettraient de continuer, quand cette œuvre terminée, te reculant de quelques pas pour en contempler fièrement l’ensemble, une main venait te la ravir pour la jeter au feu ou la briser.

Tu aurais peut-être raison de dire : à quoi bon ?

En coupant ton pain quotidien, quelles que soient tes idées personnelles, arrêtes, une seconde seulement, le couteau sacrificateur et penses pendant cette seconde que tu vas détruire un chef-d’oeuvre fait entièrement de la MAIN d’un ouvrier comme toi, qui aime son métier, comme toi, qui a mis dans son travail toute son âme et toute sa force, et, que, son œuvre accomplie, il la contemple quelques secondes seulement, pas même parfois, l’a déposé dans un panier qu’une autre main est venue la lui arracher et que jamais il ne la reverra ».

Suite à cet exposé des Compagnons boulangers, cette motion est votée :

« Etant donné les difficultés particulières au métier de boulanger et l’impossibilité de conservation, ce qui en rehausse la valeur morale, le chef-d’oeuvre de ce métier est constitué par la régularité de son travail quotidien, jugé par ses pairs. Ainsi défini, le chef-d’oeuvre du boulanger est admis par les Assises du compagnonnage ».

« ..le chef-d’oeuvre de ce métier est constitué par la régularité de son travail quotidien… »

De nos jours , il existe encore de faibles et médiocres cerveaux « anti-boulangers » au sein des compagnonnages, comme le prouve cette phrase écrite par un Compagnon sur un site internet en 2012:

« …oh Maître Jacques, oh Père Soubise, vous n’avez pas suivi les conseils de Salomon, pas de farineux dans le compagnonnage »

En espérant pour la grandeur morale des compagnonnages, qu’avec l’aide du temps, mais aussi des bonnes volontés compagnonniques, ces propos haineux, nés il y a déjà deux siècles, finissent un jour par disparaître …

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

* Note de Laurent Bourcier : Les métiers du bâtiment représentent 18 % des métiers des compagnonnages du 19 eme siècle.

Métiers du bâtiment :
Couvreurs
Charpentiers
Tailleurs de pierre
Menuisiers
Couvreurs
Plâtriers

Autres activités :
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Tondeur de draps
Tanneurs-Corroyeurs
Vitriers
Teinturiers
Vanniers
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Tourneurs
Poeliers
Fondeurs
Ferblantiers
Couteliers

Commentaires concernant : "Chef-d’oeuvre en boulangerie 1948" (1)

  1. Message vraiment personnel j’ai lu dans certains ouvrages que pour être dans les compagnonnages il fallait travailler la matière nous travaillons avec les symboles par exemple pour que le blé pousse il faut de l’eau de la chaleur égale soleil de l’air et une bonne terre par de là le boulanger il a la farine tirée du blé qui sort du sol de l’eau essentielle à la vie du sel pour donner du gout et controler la fermentation le four égale feu et de l’air aussi indispensable à la vie il est vrai qu’un charpentier tailleur de pierre et autre métier du batiment, il reste quelque chose derrière lui, le boulanger travaille avec sa tête aussi ses mains avec amour et fraternité le quotidien qui nourrit l’ouvrier pour qu’il est de la force d’executer une belle eouvre, il est vrai que lorsqu’il ferme sa boutique le soir plus rien tout, en étant humble pour lui, son chef d’oeuvre il est quotidien, c’est le bouche à oreille magasin plein de bonne choses appétissante et plein de clients qui se délectent avec les yeux, l’air l’eau la terre le feu, cela ne vous rapellent rien en étant humble, soyons fiers de ce que nous pouvons apporter aux gens Bien fraternellement mes pays pays Murat ( QUERCY)° a p r f a d

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