Je suis un grain de blé.
Je vais devenir farine.
Il faut que je sois versé dans la trémie et que je passe par l’oeillard dans l’espace entre deux meules.
S’il ne restait plus grand monde derrière moi (d’autres grains de l’auget au babillard), le poids attaché par un fil à la clochette viendrait déjà avertir ce bon meunier, qu’il faut remettre du grain à moudre dans la trémie.
Ah ! ce bon meunier, il a justement pris la peine de rhabiller (ou piquer) les meules.
C’est que c’est un fameux boulot ce travail. Pas simple du tout.
Il doit lever la meule courante à l’aide la potence, et puis se prostré, à genoux pendant des heures et des heures.
Il passe sa règle couvert d’un traceur rouge pour regarder où il doit reprendre de l’épaisseur pour égaliser la surface.
Il tape tellement sur la dure pierre meulière avec ses marteaux, qu’il garde un coussin sous son coude afin de l’aider.
Marteau plat, marteau pointu et boucharde vont se relayer dans ses mains enserrées.
Il prend bien garde de se protéger des éclats issus de la lutte pierre/métal qu’il anime de ses mouvements de bras incessants
Mais si les lunettes sont utiles pour ces yeux, la peau des mains en garde souvent comme une trace ineffaçable dénommée pudiquement « tatouage ».
Il doit recreuser les rayons qui nous aèrent et refroidissent pendant cette friction qui nous écrase, nous fragmente.
Et puis sur les bords de la meule (la feuillure et surtout la portée) là où l’espace diminue entre les meules, il doit rhabiller finement.
Si finement, que l’on appelle cela les « rhabillures », de fins traits sur le bord.
Moi, le grain je deviendrais une fine et douce farine grâce à ce travail.
Tout n’est pas dit, il faut encore que le bon meunier veille à la vitesse de rotation de la meule, autour de 100 rotations par minutes, parfois plus, parfois moins.
Et puis suivant qu’il faut décortquer ou pas, que le grain est dur, sec ou humide, l’espace entre les meules devra se régler différemment.
La cale entre le sol du moulin et la trempure fait remonter la crapaudine se trouvant sous l’axe et permet de lever la meule tournante.
Voilà
Voilà comment de grain, je deviens fine farine « sous la meule ».
Regardez ici pour vous faire une petite idée de mon parcours entre les meules, de l’intérieur vers l’extérieur…
Publié sur www.boulangerie.net
Marc Dewalque