Les aspirants boulangers intégrés durant la période 1880 – 1914 ne portent pas de couleurs ni de cannes, mais la découverte en 2005 d’un petit ruban vert à la Cayenne de Tours, brodée au fil d’or d’une faucille et d’une gerbe de blé, et des deux lettres A et B (pouvant signifier Aspirant Boulanger), pourrait laisser penser qu’une couleur était remise à l’aspirant (À la façon de l’Union Compagnonnique qui remet une petite couleur verte à ses aspirants.)
Pourtant, l’examen des photos de l’époque nous incite à penser le contraire, aucune couleur n’apparaissant sur leur poitrine.
Il se peut que celle-ci soit tout simplement une pièce unique, proposée lors d’une assemblée générale, la proposition ayant été refusée, le modèle aurait été conservé au fond d’un tiroir, jusqu’au jour où j’ai ouvert celui-ci…
Il m’a été également suggéré qu’à l’instar d’autres compagnonnages, il pourrait s’agir d’un insigne porté lors des fêtes de la Saint-Honoré, pour distinguer les aspirants des compagnons, ou bien encore d’un ruban de société de secours mutuels.
Par contre, lors des fêtes de la Saint-Honoré en 1898, les aspirants portent à leur boutonnière un petit bouquet d’immortelles de couleur verte.
Le port d’une couleur et d’une canne par les aspirants n’apparaîtra qu’avec la cérémonie d’adoption créée par l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir, cette couleur est en velours et marquée au fer d’un labyrinthe et d’une tour de Babel, les deux symboles de la cérémonie d’adoption, et la canne est revêtue d’un cordon jaune à la hauteur de la pomme.
Canne d’aspirant boulanger ou pâtissier de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir.
En 2011, lors de la naissance de la Fédération des compagnons boulangers et pâtissiers restés fidèles au Devoir, il est décidé par ses membres que les aspirants de leur société porteront une couleur de tissu de couleur verte brodée d’un épi de blé, remise lors de l’adoption qui a lieu dans la première ville visitée, la canne d’aspirant est, elle, abandonnée.
Extrait du livre « Le Pain des Compagnons » L’histoire des compagnons boulangers et pâtissiers
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.
L’insigne composé d’épis de blé et d’une faucille pourrait bien être un insigne « détourné ». En effet, cet emblème (du travail agricole, des moissons ?) est toujours commercialisé, exactement sous la même forme.
Il est porté sur le béret des étudiants membres de la « faluche », sorte d’amicale folklorique d’étudiants, avec ses rites, son vocabulaire, sa hiérarchie.
Le site faluche.info , dans son chapitre « Insignes de la faluche », montre tous les insignes permettant à un étudiant de s’identifier aussitôt. Les uns sont relatifs au type d’enseignement, les autres aux examens réussis ou non, aux classes, ainsi qu’au caractère de l’étudiant (célibataire, pacsé ou marié, homosexuel, aimant les plaisirs de la table, le vin, la musique, etc.).
L’épi de blé seul signifie « radin » mais les épis de blé croisés avec une faucille signifient « chanceux aux examens ».
L’insigne présenté dans le livre de Laurent Bourcier pourrait donc bien être un insigne profane acheté dans une des nombreuses boutiques comme il y en avait beaucoup au XIXe et au XXe siècles, destinées aux sociétés de secours mutuels, aux associations, aux loges maçonniques, aux amicales d’étudiants, etc.
Il en est de même de la « bonne foi » (les mains serrées, au milieu du noeud de rubans), insigne très couramment employé par les sociétés de secours mutuels.
L’idée d’un insigne destiné spécialement aux aspirants boulangers est plausible. Pour identifier les aspirants lors des fêtes et des manifestations publiques, moments forts où le Compagnonnage se doit d’affirmer aux yeux de tous sa puissance numérique, il est possible que la Cayenne de Tours (ou d’autres) ait, un temps, ou pour une manifestation particulière, adapté sur un ruban vert (l’espérance d’être reçu) les deux emblèmes – épis de blé, faucille et bonne foi – , qui n’appartiennent pas spécifiquement au Devoir des compagnons boulangers, les aspirants conservant néanmoins un lien avec le compagnonnage des boulangers (le pain et la fraternité).
Les lettres A et B confirmeraient qu’il s’agit bien d’un insigne d’aspirant boulanger.
Quoi qu’il en soit, ce sont des photographies ou des comptes rendus d’assemblées qui permettront peut-être d’en avoir le coeur net.