Le Havre , boulangerie militaire anglaise
Le Havre, 1916
« Quai de la Gironde, près du pont numéro 5 .
Des tentes aux toiles noires de poussière, des piles de bois, des rangées de fours.
Quelques fumées montent lentes et frêles.
On sent l’odeur des buches qui se calcinent et de la croute qui se dore.
Les soldats mitrons, en veste de laine blanche et pantalon kaki, vont et viennent, la figure enfarinée, fendent du bois à grands coups de hache . Les fours dont ils abattent la porte vomissent une bouffée de fumée. Ils en retirent des tôles garnies de boules de pain qui, toutes chaudes, sont empilées sur des civières.
Dans chaque four vide, ils étagent des buches jusqu’à la voute de brique. Soudain, celle-ci s’illumine, léchée par les flammes rouges ; un feu ardent crépite, devore le bois, qui craque et s’écroule.
Mais un gaz dense, qui miroite au soleil, s’élève comme une vapeur tout le long de la rangée de fours. Et, suffoque par la brulante haleine des brasiers, on n’aperçoit plus qu’imprécises, a travers un voile fluide, des cavernes qui flamboient.
Sur les cendres, les boulangers posent des tôles garnies de boules de pâte ; puis ferment les portes des fours, en bouchent soigneusement toutes les ouvertures.
Alors, tandis qu’on charge les sacs de pain dans des camions, ils ramassent par terre un tison pour allumer leur pipe, surveillent des marmites de the qui chauffent.
Certes, leur service est moins pénible, moins glorieux que celui de leurs camarades dans les tranchées. Mais sur l’insigne de l’Army Service Corps qui orne leur casquette, on peut lire la vieille et noble devise : « Honi soit qui mal y pense »
Extrait de : Recueil des publications de la Société havraise d’études diverses ; Impr. Lepelletier (Hâvre) ; Société havraise d’études diverses (Le Havre) 1916.
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D