Dernier courrier du Pays Jourdan, Lyonnais le Fier Courageux, adressé au Pays Bourcier, Picard la Fidélité :

« T.C.F.

P.L.P.E.T.F. pour te dire la surprise que j’ai eu de voir ma carte de visite compagnonnique publiée sur le C.R.E.B.E.S.C., non parce qu’elle paraitra dans notre journal, mais vous la sortez d’où cette carte ?

Il ne m’en reste quelques-unes que je garde précieusement, elles ne sont pas jeunes, c’est le père Pebayle, Bordelais l’Enfant Chéri, qui me les avait fait faire au début de 1975.

François Servant,  Languedoc la Persévérance; Pierre Jourdan, Lyonnais le Fier Courageux; Pierre Pebayle, Bordelais Va de Bon Coeur. Bordeaux 1975.

Cela ne nous rajeunit pas.

Tu te rends compte, les années ont défilées et je suis au seuil de ma vie, quelle vie pleine de souvenirs compagnonniques !

Quelle chance que j’ai eu de partir sur le Tour de France, et moi qui suis parti à contre coeur pour faire plaisir à mon oncle, que pour 8 jours avec un petit sac. Tu vois, la vie nous  joue des tours !

Moi qui étais un branleur égoïste, qui ne pensais qu’aux filles, aux voitures et très peu au métier. Pour moi, cela a été un très bon Tour, quelle vie formidable !

J’ai vécu avec tous ces jeunes passés à Lyon où j’ai été neuf ans Premier en ville ; oui, tous ceux que j’ai adopté et à Bordeaux quand j’étais prévôt, mais surtout ceux que j’ai reçu en tant que Maître de réception à Lyon et à Nîmes (avec des anciens d’avant-guerre, quelle expérience!).

De gauche à droite, à table, Olivier Common, Vendôme le Courageux; Mme  Duguet, Mère des compagnons du Devoir de la ville de Lyon; Pierre Jourdan, Lyonnais le Fier Courageux, Premier en ville. Debout : Olivier Lelling, Manceau le Dévoué; Eric Kaiser, Franc-Comtois le Décidé; Emmanuel Cesteré, Toulousain Cœur Sincère et rouleur Alain Couet, Gatinais Cœur Sincère. Lyon, Saint-Honoré 1986.

J’étais très curieux, le compagnonnage m’a de suite passionné, j’en ai rencontré des anciens, des vieux de la vieille qui m’ont enseigné le compagnonnage ; des Mères également, toutes les plus anciennes, surtout la Mère Duguet et son mari le manien, provincial de Lyon qui m’ont expliqué plusieurs fois toute l’histoire de Lyon depuis la naissance du compagnonnage avec Jean Bernard, dans les décombres de cet hôpital improvisé qui est maintenant le siège de la rue Nérard.  Les bagarres avec les chiens-loups ou quand ils se piquaient les maquettes de nuit et bien plus encore. Je me suis entretenu avec toutes ces femmes exceptionnelles, puis les plus jeunes Mères que je rencontrais, quand j’étais prévôt, lors de leurs réceptions, c’est marrant, elles m’ont toutes confié un petit secret, une anecdote.

Tu vois Picard, la vie m’a comblé, compagnonniquement surtout, avec un parrain extraordinaire qui malgré mon âge me manque maintenant; j’espère avoir sans prétention apporté ma petite, très petite pierre au compagnonnage.

Quand je vois tous ces compagnons que je te parlai, vivre à leur tour cette passion, j’ai en toute humilité semé et je peux, en attendant de passer à l’orient éternel, penser humblement que mon âme rejoindra M :. J :.

Tout cela mon bien aime Frère doit te paraître un peu farfelus, mais je ne pouvais me confier qu’à toi car toi seul peux comprendre cette passion et cette humble vie de compagnon, cette humble vie de l’un de tes Frères en DEVOIR.

En te remerciant de me lire mon bien aime Frère, reçois mon accolade plus que fraternelle et compagnonnique.

Lyonnais le Fier Courageux, C.P.R.F.A.D. » 

 

Eloge funèbre par le Pays Laurent Bonneau, Normand la Fidélité, président national de la Société des compagnons boulangers et pâtissiers R.F.A.D. ( Crématorium de Montussan, le 4 octobre 2019 ) :

« Lyonnais le Fier Courageux, c’est dans la nuit du  trente septembre au premier octobre que tu es monté, dans cette barque te conduisant vers l’orient, pour rejoindre notre Maitre Jacques éternel. Nous sommes tous là, autour de toi, pour te dire adieu, ton épouse notre Mère, ta famille, nos Mères et Frères en Devoir, tes amis, et ceux qui t’on suffisamment approché pour t’apprécier. Tu pars avant nous, nous rappelant, comme cette épée au dessus de nos têtes, que nous sommes tous régies par une seule et simple loi universelle, celle de la naissance et de la mort.

Permet moi, Lyonnais le Fier Courageux, en toute humilité, comme tu aimais souvent le préciser, de retracer les grandes lignes de ta vie compagnonnique.

Après avoir été initié à la pâtisserie confiserie, tu quittes Lyon à contre coeur pour faire plaisir à ton oncle. Tu pensais partir 8 jour avec un petit sac, mais l’appel du Tour de France est plus fort !

C’est à Bordeaux, à la rude et bonne école de Jean Pebayle, Bordelais l’Enfant Chéri, que tu es reçu compagnon pâtissier du Devoir à Noel 1974, sous le noble nom de Lyonnais le Fier Courageux.

Le fils de Jean, Jacques Pebayle, Bordelais le Fier Courageux, ton parrain, sera et restera ton Maitre tout au long de ta vie, tu aimais tant nous parler de lui. Puis, avec l’accord des Anciens, tu décides de porter fièrement et courageusement ces anneaux d’or qui nous sont chers, les joints.

De retour au pays, c’est l’entreprise familiale située place Bellecour que tu reprends et ou tu excelles dans l’art de la confiserie. Fondants, bonbons liqueurs, pralines, nougatine, tout les grands classiques de la confiserie française sont fabriqués de mains de maitre dans tes laboratoires.

Tu participes activement au renouveau de la Cayenne de Lyon, 7 ème du Tour de France, tu en est le Premier en ville pendant plusieurs années et tu accueilles de nombreux itinérants dans ton entreprise.

Puis, décidant de te mettre pleinement au service du compagnonnage, tu quittes Lyon pour Bordeaux ou tu deviens prévôt du siège de l’Association Ouvrière des Compagnons du Devoir, rue Laroche, puis responsable de formation.

En 2011, lors de la scission des compagnons boulanger et pâtissiers du Devoir, donnant naissance à la branche Resté fidèle au Devoir, c’est cette dernière que tu rejoins avec enthousiasme et tu portes à nouveau la couleur de Premier en ville, celle des compagnons Restés fidèles au Devoir de la Cayenne de Bordeaux. Membre de la Commission des rites, tu participes activement et sagement à la mise en place des adoptions et réceptions étant toujours de bon conseil pour les plus jeunes.

Ayant démontré une fidélité sans faille au Devoir, tu reçois en congrès l’écharpe d’honneur, comme tu aimais tant le dire « en toute humilité ».

Lyonnais le Fier Courageux au premier rang.

Toujours sur la brèche, tu es présent lors de la reconnaissance des compagnons Restés fidèles au Devoir par les compagnons charpentiers des Devoirs et lors de leur parrainage au sein de la Fédération Compagnonnique.

Présent également à chaque congrès organisé depuis 2011. C’est lors de la Saint Honoré 2018 que les mots servir le Devoir prennent un sens, très particulier dans les profondeurs de ton coeur et de ton âme et que très peu de compagnons ont la chance et l’honneur de ressentir. Ton épouse Hugette devient Mère des compagnons boulangers et pâtissiers Restés fidèles au Devoir de la Cayenne de Bordeaux, 4 ème du Tour de France.

Lyonnais le Fier Courageux, tu es malheureusement et à notre grand désarroi, atteint d’une grave maladie qui entraine l’amputation de ta jambe. Ce qui ne t’empêche pas de te tenir debout, solide et fier maillon lors de nos fraternelles Chaines d’Alliance. Ce qui ne t’empêche pas de conduire ta superbe voiture décapotable, coiffée d’un bandana à l’américaine, symbole de cette fureur de vivre qui t’habitait. Rappelant ainsi à chacun, que nous ne devons pas gaspiller une seule minute de notre vie, ce cadeau du Grand Maitre.

Lyonnais le Fier Courageux, tu appartiens à cette trempe qui ne se plaint pas, qui ne se plaint jamais, à cette trempe qui nous enseigne que la plus grande gloire n’est pas de ne jamais tomber, mais de se relever à chaque fois. Lyonnais le Fier Courageux, nombreuses ont été tes leçons, et, en toute humilité, sache que nous ne les oublierons jamais…

C’est accablés de tristesse et de compassion que nous nous tournons vers ton épouse notre Mère, vos enfants et votre famille, pour leur présenter nos plus sincères et respectueuses condoléances.

Adieu, Adieu trois fois Adieu. »

 

Témoignage par le Pays Stéphane Leroux, Picard la Tolérance :

« Les Pays,

Que dire sur le Pays Jourdan, Lyonnais le Fier Courageux ?
J’ai travaillé chez lui à Lyon, place Bellecour, au tout début de mon tour de France comme stagiaire, j’avais alors 18 ans.
J’étais impressionné par cet homme, par sa présence et par la manière qu’il avait de s’imposer, je découvrais un compagnonnage fier et remplit de mystères, pour lui j’étais son petit Picard (pas toujours très ponctuel)…

Très imprégné par le compagnonnage, il était également un homme de convictions doté d’un grand charisme et d’un grand sens de la fraternité.
J’ai de bons souvenir de cette période, j’ai apprit la valeur et l’importance du geste technique indispensable à la bonne pratique de notre profession, je dirais même les fondements…

Je me souviens du jour où, tout jeune aspirant et juste avant mon départ de Lyon pour aller vers Toulouse, Huguette, son épouse, m’avait cousu un col bleu blanc rouge sur ma veste de travail pour me taquiner car je parlais souvent de mon père qui était Meilleur Ouvrier de France en Fonderie.

Je n’osais même pas aller à la boutique avec cette veste car pour moi c’était sacrilège que de porter ces couleurs autour du coup…
Aujourd’hui je suis fier de les porter ces couleurs et tout comme celles du compagnonnage, elles ont un sens profond pour moi.

Lyonnais le Fier Courageux y est forcément pour quelque choses. Il a en tout cas contribué à mon enseignement ainsi qu’à l’apprentissage du geste de métier, mais surtout, à son importance dans notre Devoir de transmission.

Merci mon Pays, merci Lyonnais le Fier Courageux, je pense à toi et t’embrasse fraternellement par trois fois une dernière foi et présente mes sincères condoléances à ton épouse Notre Mère, à tes enfants et ta famille.

Picard la Tolérance C:.P:.R:.F:.A:.D:. »

Textes rassemblés par Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.