Les triticales et le tritordeum

Les triticales

Le triticale, terme qui apparait en 1935, condense les deux appellations latines Triticum/froment et Secale/seigle, c’est un hybride interspécifique blé/seigle.

Le triticale est un rêve pour tout sélectionneur ; apporter, dans une même semence, la qualité panifiable du premier avec en plus la rusticité du second. Même en toilettant les épis qui retire les organes mâles (les anthères) émettant le pollen et après lui avoir procurer du pollen (organes femelles) d’une autre variété, cela ne réussira pas si les gènes sont différents. Il faut que ces plantes soient proche. On ne peut pas croiser des éléments femelles d’un blé ancien, tel le petit épeautre (diploïde ou 1 paire de 7 chromosomes) et le féconder par un élément mâle, le pollen d’une variété moderne tel « Apache » de 1998 (hexaploïde ou se retrouvent 3 paires de 7 chromosomes). C’est pourquoi certains vont jusque à dénommer le triticale, le « premier blé artificiel ».

Pour plus d’infos voyez aussi le parcours de la graine de blé.

Le triticale a été observé scientifiquement pour la première fois en 1876 par le botaniste écossais Alexander Stephen Wilson. C’était l’époque de la découverte de la sélection généalogique, une voie et une explication de la science s’ouvrait sur la pratique d’un nouveau marché, un nouveau métier, les semenciers et que ceux-ci menait du coup, un foisonnement d’expériences.

Il s’agissait d’un croisement entre un blé tendre (hexaploïde) castré, recevant du pollen de seigle (diploïde) donnant un octoploïde. Un peu après l’expérience que relate A.S.Wilson, en 1888, le sélectionneur Wilhem Rimpau de Braunschweig en Saxe, obtient après de longues recherches, un Triticosecale Rimpaui Wittmack qui comme son prédécesseur est peu satisfaisant au niveau fertilité du croisement et stabilité dans la descendance. Dans les années 1920-30 c’est le Triticum secalotricum saratoviense qui est décrit au centre de recherche de Saratov en Russie, il ne correspond en termes d’hérédité génétique qu’à un blé hybride F1 d’aujourd’hui [i], c’est à dire que la stabilité des caractères n’est pas fixée et ne se reproduit pas dans la descendance.

Cette émoustillante recherche d’alliance (blé-seigle) sera pratiquement mondiale, elle durera plus d’un siècle pour aboutir a ce qu’elle souhaitait. C’est finalement, dans les années 1950 à 1970, qu’un programme de recherche commun émanant du Cimmyt et de l’université du Manitoba réussira a effectuer une bonne levée de l’hétérogénéité de la descendance. A l’époque face cette impossibilité de surmonter complètement cette barrière de la homogénéité dans la descendance entre les deux céréales que l’on voulait mixer, cela fera dire à Norman Borlaug, « Cela me semble être inhérent à la nature, façon de dire aux scientifiques de ne pas devenir trop arrogants »[ii]. Pour que ce « mariage » blé-seigle fertile se réalise, il faudra l’emploi toujours mieux maitrisé du réactif du à la colchicine (extrait du colchique employé également pour créer la variété de froment Renan et le tritordeum) réaction découverte en 1937 et qui en génétique des plantes permet de « doubler » les chromosomes. Cette colchicine est un alcaloïde extrait du colchique, qui « est connue pour empêcher la division cellulaire »[iii].

C’est cet emploi qui sera contesté puisqu’il faut dire que dans la génétique, on joue là, avec un produit dont 1 milligramme est toxique et 4 milligrammes, mortel.

Les premières homologations officielles d’un triticale distinct, homogène et stable (D.H.S.), comme le demande les législations datent pour la Hongrie et l’Espagne de 1968 et 1969 et de manière plus marquée les années 1980 pour l’Allemagne et la France [iv].

Il existera au début de la commercialisation, une fusion des chromosomes issu de blé tétraploïde ou hexaploïde avec ceux issus de seigle commercial, dénommé « triticales primaires ».

Suivront les triticales dites « secondaires » résultant de croisement entre triticales primaires octoploïdes et hexaploïdes qui élimine le génome D de l’égilope tauschi. C’est généralement ces triticales qui se retrouvent actuellement sur le marché » [v].

Le tritordeum

Comme pour répondre à une diversité demandée par les consommateurs, et venu récemment sur le marché (en 2006), voilà le tritordeum qui est une exclusivité de la firme Agrasys de Barcelone. Il a été l’aboutissement d’un long travail commencé dans les années 1970 à Cordoue. Il a démarré avec quatre-vingts lignées de blé dur et plus de cent lignées d’orge. Les premiers croisements donnèrent naissance à plus de 250 lignées et l’usage de la colchicine sera nécessaire pour superposer les chromosomes distincts.

 Finalement, c’est une orge sauvage, hordeum chilense, trouvée lors d’une des cinq expéditions réalisées en Amérique du Sud, qui sera le bon coup de pioche pour la création du tritordeum.


[i] Arne Müntzing, Revue historique du développement du triticale publié dans le symposium Triticale réalisé par le Cimmyt, (Centre d’amélioration du  maïs et du blé), en octobre 1973,  p.13 à 30 ; Anne Bruneau, Le blé, le seigle et le triticale, cours n°4, issu des cours de biologie Plantes utilisées par l’homme de l’Université de Montréal, 2001.p.15 à17[ii] Anthony Wolff, Wheat X Rye = Triticale, publié dans Cimmyt Today, n°5, 1976, p.6.

[iii] Philippe Joudrier, OGM, Pas de quoi avoir peur !, éd. Le publieur,  2010, 260 pages.

[iv] Gaël Monnerat, Triticale 2.0, UFA Revue (CH) , 06-2014, p. 42 ; Anthony Wolff, déjà cité, p.15.

[v]   Encyclopédie citoyenne Wikipédia à l’article « Triticale »

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