Victor PERDRIAU, Manceau Fleur d’Amour « l’artificier »
Nous sommes en 1824, François PERDRIAU et son épouse Victoire née PIRON sont aubergistes à Dissay sur Courcillon, ville de la Sarthe composée d’environ 1400 habitants à cette époque… Le 13 juin, Victoire PERDRIAU donne naissance à un petit garçon qui est nommé Victor Louis, puis le 16 novembre 1827 à Fréderic Jules, le 17 mars 1832 à Adolphe et le 11 février 1835 à Pierre Théophile.
Victor Louis épouse la profession de boulanger et à 14 ans reçoit sa première médaille de sauvetage pour acte de courage, ce sera la première d’une longue série. Victor Louis adhère à la société des Compagnons boulanger du Devoir, il est reçu à Tours à la Toussaint 1842 sous le noble nom de Manceau Fleur d’Amour.
Le dixième compagnon enregistré. (Registre de réception de la Cayenne de Saumur)
Manceau Fleur d’Amour n’est pas le seul enfant de Dissay sur Courcillon à être sur le tour de France, nous trouvons en effet Victor CARRAUX, né en 1821 (selon les registres des Compagnons boulangers, mais non identifié dans les registres d’état-civil) reçu Compagnon boulanger du Devoir à Tours à la Noël 1844, sous le noble nom de Manceau l’Île d’Amour. Nous pouvons remarquer la similitude entre les deux noms de Compagnons Fleur d’Amour et l’Île d’Amour, ce qui laisse supposé que ces deux jeunes boulangers se connaissaient, l’un ayant influencé l’autre.
Le 12 janvier 1846, Victor Louis PERDRIAU, Manceau Fleur d’Amour se mari à Tours avec Léonine GALOPPE.
Fréderic PERDRIAU est également boulanger sur le tour de France et reçu à Tours à l’Assomption 1846 sous le noble nom de Manceau le Soutien du Devoir . Il se mari le 9 mars 1852 à Tours avec Béatrice DELAUNAY (prénom incertain).
Septième inscrit, Manceau le Soutien du Devoir est inscrit sous le prénom de Pierre, mais il s’agit bien de Frédéric (registre de la Cayenne de Saumur).
Nous ignorons la profession d’Adolphe, mais son jeune frère Pierre Théophile est lui aussi boulanger sur le tour de France et est reçut à Rochefort à la Toussaint 1854, sous le noble nom de Manceau l’Union Joyeuse.
Troisième inscrit, Manceau l’Union Joyeuse. (Registre de réception de la Cayenne de Saumur)
N’ayant trouve aucune information biographique particulière sur Pierre et Fréderic PERDRIAU, nous allons nous intéresser à Victor Louis PERDRIAU, Manceau Fleur d’Amour, au parcours atypique et engagé.
Victor Louis PERDRIAU, Manceau Fleur d’Amour est un républicain depuis la révolution de Février 1848, et ses idées politiques avaient été probablement infléchies vers la République démocratique et sociale par son locataire GONON, républicain socialiste d’Indre-et-Loire qu’il héberge sous la seconde république. Il subit une condamnation pour ses activités politiques entre 1848 et 1852.
Entre 1851 et 1852 Manceau Fleur d’Amour adhère à une société secrète nommée la Marianne. Qu’elle est donc cette « Marianne » ?
C’est la société secrète la plus importante qu’a à combattre Charles Louis Napoléon Bonaparte. Elle prit naissance dans les départements du centre –ouest, puis se propagea rapidement et silencieusement dans tout le bassin de la Loire. Des ramifications nombreuses reliaient les provinces au grand centre.
Elle s’était développée considérablement avant que la police est soupçonnée son existence. Républicaine, recrutée dans les classes laborieuses (ardoisiers, boulangers, tisseurs, menuisiers, charrons, etc.).) Elle cause à ce gouvernement de sérieuses inquiétudes
Le fondateur principal de la Marianne fut Ledru Rollin, avocat démocrate radical, qui fournit en 1843 la plus grande partie des fonds pour créer « La Réforme », journal parlant du droit au travail, et faisant ouvertement aux ouvriers la proposition de soutenir l’opposition radicale afin d’améliorer leur sort. Ledru Rollin traita ce thème lui-même, par exemple dans la brochure « Aux travailleurs », en 1844, brochure à laquelle George Sand s’associa. Celui-ci fit partie du gouvernement provisoire du 24 février 1848 au côté d’Agricol Perdiguier, Avignonnais la Vertu, Compagnon menuisier du Devoir de Liberté.
L’insurrection manque à Paris du13 juin 1849, organisée autour de lui et « La Montagne », l’obligeât à s’exiler à Londres, où il s’efforçait avec d’autres proscrits européens d’organiser une nouvelle révolution de 1848, la Marianne fut l’une de ses armes.
La Marianne, société secrète, n’a pas d’assemblée générale qui permet à la police d’opérer des razzias, elle se passe de la hiérarchie compliquée des anciennes sociétés et simplifiât autant que possible les cérémonies d’affiliations d’inspiration maçonnique.
Voici une affiliation contée par son propre néophyte -Remi Lacour « La Marianne dans les campagnes »
(Repris dans l’Almanach administratif, historique et statistique de l’Yonne – 1881- AD89).
« Les réceptions se faisaient dans les endroits les plus secrets, les plus déserts. Veut-on une idée le simple et véridique récit de ma propre affiliation.
Le rendez-vous est fixe а minuit, au fond d’un bois, près de l’étang de Moutiers, canton de Saint-Sauveur (Puisaye), а huit kilomètres de ma résidence. Je pars а pied avec un rentier, un bucheron, un menuisier, un propriétaire, un maçon et un perruquier. Après deux heures de marche dans la nuit noire, nous rencontrons sur la route un voyageur qui venait а nous. – Quelle heure est-il ? Dit le voyageur en nous arrêtant. – L’heure approche. – Quelle heure est-il ? – Minuit. – C’est bien, citoyen, je vous reconnais, suivez-moi.
Nous quittons la route, notre guide nous conduit par un petit chemin а gauche, et nous arrivons а l’entrée du bois. Un coup de sifflet retentit ; deux hommes se présentent, ils sont armés chacun d’un fusil а deux coups. Nous entrons dans le bois. Bientôt un second guide débouche de la fourre, et s’adressant а l’un de nous : Citoyen, lui dit-il, venez de ce côté. Mon tour arriva le quatrième. Je suivis le nouveau guide pendant quelques minutes, a traverse un taillis épais, puis il m’arrêta au milieu des ténèbres, et me banda les yeux. Aussitôt deux mains me prennent à droite et à gauche, et me font avancer encore ; enfin on fait halte. Je reste seul ainsi debout ; aucun bruit ne trouble le calme de la nuit, l’instant est solennel. Soudain j’entends ces paroles prononcées lentement, distinctement, mais d’une voix sourde :
« Citoyen, es-tu républicain? »
Je réponds:
« oui, citoyen!
– Veux-tu la République démocratique?
– Oui, citoyen.
– Citoyen, la République démocratique, c’est le gouvernement d’un peuple libre. Notre but est la revendication des droits de l’homme. Nous voulons que la science détruise la superstition ; nous voulons liberté pour tous, en un mot nous voulons la justice par la solidarité. Veux-tu être avec nous?
– Oui, citoyen.
– Es-tu prêt а défendre la Constitution, si elle est attaquée, et а combattre pour la République démocratique.
– Oui, citoyen.
– Es-tu prêt à secourir tes frères et à les soulager dans leurs besoins?
– Oui, citoyen.
– Jure donc fidélité а la République, et dévouement au peuple, jure donc que tu garderas notre secret. Levé la main.
– Citoyen, je le jure!
– Citoyen, procure-toi des armes, et sois prêt au premier appel. Nous pouvons marcher sans crainte, nous ne sommes point pour l’attaque, mais pour la défense. La République est menacée ; en vertu de la Constitution, nous devons la défendre, même les armes à la main. Nous sommes les défenseurs de la loi ! »
À cet instant, le bandeau me tomba des yeux, et je me trouvais en présence de là d’écurie de réception. Deux pointes d’épées étaient dirigées contre ma poitrine ; nous étions au pied d’un chêne magnifique ; trois lampes reposant sur la mousse illuminaient cette scène, chaque lampe éclairait un portrait ; j’ai reconnu ceux de Ledru-Rollin, Barbes et Louis Blanc. Les membres de la d’écurie me donnèrent l’accolade fraternelle, je pris place à coté des nouveaux reçus, puis l’on procéda à la réception des deux autres… »
« …j’ai reconnu ceux de Ledru-Rollin, Barbes et Louis Blanc ».
Le nouveau membre s’engageait aussi à frapper à mort les traites, le dénonciateur devait être puni de mort par son parrain, et ce dernier s’il hésitait à remplir ce rigoureux devoir, devait être tue lui-même par celui qui l’avait présenté. Cette loi frappait de terreur les imaginations naïves, qui oubliaient pour elle le danger réel et sérieux de la police.
Il était ensuite initié aux signes et mots de reconnaissance ; les signes constituaient :
-à serrer la main en donnant trois coups de pouce sur la première phalange de l’index.
-À saluer de la main gauche.
-À porter son pouce à son front et à le descendre sur la poitrine en passant sur le cœur ; le tout accompagné de mots de reconnaissance.
L’ouvrage « Histoire des sociétés secrètes, politiques et religieuses » (1847 de Pierre Zaconne) nous dit que pendant un an, la police ignorait l’existence de cette nouvelle société secrète, ce n’est qu’en avril 1853 que Monsieur IZARD, commissaire de Tours eut vent de cette organisation. Le soir d’un dimanche du printemps 1853, il revêtit des vêtements d’ouvriers et se rendit aux environs du cabaret JARRY à la Menbrolle ; la nuit tombée il s’approcha du jardin de JARRY et se coucha au pied de la haie et ce qu’il attendait arrivât…
Tandis que le cabaret retentissait de chants républicains, un homme venait du fond du jardin et s’arrêtait précisément à cote de lui. Il était rejoint bientôt par deux autres ; un néophyte, les yeux bandes et son parrain.
Le premier initié dirigeait sur sa poitrine la pointe d’un poignard en lui disant :
-« Tu jures de courir aux armes au premier signal pour rétablir la république et de quitter femme et enfants . »
-« Je le jure »
IZARD pouvait entendre les paroles et assister à tous les détails de la courte cérémonie d’affiliation à la Marianne. Plusieurs initiations se succédèrent. Tous les affiliés étaient connus du commissaire de police et ce soir là, il reconnut peut-être son boulanger de la rue de Grammont, Victor PERDRIAU, Manceau Fleur d’Amour !
Manceau Fleur d’Amour âgé de 26 ans, en compagnie de l’un de ses frères en Compagnonnage François MARTEL (né le 9 janvier 1822 à Villeurbanne) Dauphiné le Soutien du Devoir, âgé de 31 ans, Compagnon tisseur- ferrandinier du Devoir (reçu à Lyon le 4 aout 1845), membre du comité des munitions de la Marianne Tourangelle, décident de jouer les artificiers. Ils réalisent ensemble des essais de canons « fait maison » à Véretz, dans les caves de la Chavonnière, ancienne demeure de Paul Louis COURRIER.
Ces canons furent très certainement confectionnés, comme par la section de la Marianne de Paris, avec des boîtes d’essieux. MARTEL, Dauphiné le Soutien du Devoir est arrête le 17 octobre 1853, la police trouva chez lui au 78, rue Saint-Symphorien à Tours, des papiers compromettants, selon lesquels il aurait rempli des missions politiques à Nantes et à Paris. Nous ignorons à ce jour la date de l’arrestation de Manceau Fleur d’Amour ainsi que le lieu, peut-être à son domicile avenu de Grammont où il était installé. Une condamnation à la prison des deux compagnons suivit pour affiliation à une société secrète et fabrication de munitions de guerre et pour MARTEL, d’être le chef de la Marianne tourangelle.
La mise en liberté provisoire de Manceau Fleur d’Amour fut demandée par son épouse, cela lui fut refusé. MARTEL, Dauphiné le Soutien du Devoir fut envoyé dans les prisons parisiennes, a noté que celui-ci est qualifié par un serviteur de l’état « Excellent ouvrier et bon père de famille ». MARTEL était également un célèbre poètes-chansonnier de sa corporation.
Furent également impliqués dans l’affaire de la Marianne tourangelle les compagnons Tisseurs-Ferrandiniers du Devoir :
–François ALIX, Bourguignon Cœur Dévoué, reçu à Lyon à la Noël 1839.
–Pierre ACTUE, Chambéry la Victoire, reçu à Lyon à l’Assomption 1843.
A Marseille en 1853, nous trouvons chef de section dans une société secrète républicaine socialiste identique à la Marianne les Compagnons boulangers suivant :
–AUBERT, Provençal Sans Reproche, reçu Compagnon boulanger du Devoir à Marseille à la Saint-Honoré 1824, fut arrêté comme chef de section.
–Paul ROUX, Toulonnais l’Appui du Devoir, reçu Compagnon boulanger du Devoir à Toulon à la Pâques 1840 fut arrêté également comme chef de section.
–JAUFFRE, Toulonnais Cœur Humain, reçu Compagnon boulanger du Devoir à Toulon à la Noël 1836 fut également inculpé.
Nous ne savons pas à ce jour s’ils furent justes inquiétés ou condamnés à une peine d’emprisonnement ou de déportation…
Dans le Maine-et-Loire, c’est le Compagnon boulanger du Devoir, Étienne LEMOINE, Angevin l’Estimé du Tour de France, qui en 1856 est condamné à trois mois de prison.
Dans le département du Cher, le boulanger POUVESLE fut inculpé comme chef de la section de Sancerre, a laquelle appartenaient les boulanger Sémélé VERGO, Jule METIVIER et PINARD à Saint-Satur.
A Bordeaux, le boulanger Raymond PONCHAREAU fut incarcéré en 1856.
La majorité des condamnés furent emprisonnés en métropole, mais d’autres, les plus impliqués dans les mouvements révolutionnaires furent déportés sous le soleil brulant des tropiques, comme Henri CHABANNES, Nivernais Noble Cœur, Compagnon tonnelier du Devoir de Liberté* qui fit déporté au bagne de Cayenne dont il s’évada ou encore le boulanger Jacques BOYER dit le borgne ou cravache qui était considéré comme un socialiste exalté et des plus dangereux de Marseille, arrêté en octobre 1852 et condamné par contumace à 25 ans de transportation en Algérie.
L’engouement de nombreux Compagnons pour la Marianne est certain, plus particulièrement chez les jeunes sociétés comme les boulangers, les cordonniers, les tisseurs et aussi certainement les maréchaux. En effet l’idéologie républicaine démocratique et socialiste a depuis longtemps pénétré les rangs de ces sociétés et s’y est implantée, comme le démontrent les premières grandes grèves de boulangers de 1823 à 1825 dans le sud de la France prônant l’émancipation de la classe laborieuse en défilant avec drapeaux tricolores dans Toulon ou encore Marseille ; c’est donc là un terrain fertile. Et puis, les Compagnons n’ont pas crainte des initiations, l’initiation de la Marianne, réduite au minimum et à l’essentielle et ses reconnaissances, considérées d’inspiration Maçonnique n’aurait même pas un demi-pas à effectuer pour être considéré d’inspiration Compagnonnique.
Beaucoup de jeunes ouvriers, déportés dans les bagnes d’outre-mer, a la fleur de l’âge périrent de la fièvre jaune, ou dans des tentatives d’évasions. Beaucoup de ces engagés volontaires de la cause républicaine était loin d’être des enragées de politique. Une vague nostalgie, née du souvenir et du prestige de la première république, l’entrainement de la camaraderie d’atelier, de chantier, et aussi pour quelques-uns peut être, la secrète satisfaction de se sentir membre d’une société secrète, mystérieuse et puissante, toutes ces causes les avaient déterminés à faire partie de la Marianne…
Nous ignorons à ce jour la durée de la peine de prison de Manceau Fleur d’Amour et nous n’avons aucune information sur ses activités de 1855 à 1865, année ou nous le retrouvons, avec son frère Frédéric, Manceau le Soutien du Devoir (installé rue de Paris), membres de la commission du projet d’érection au cimetière de la Salle d’un monument sur la tombe de la Mère JACOB (érigé le 19 mars 1865) Commission qui mènera son travail à bien, ce monument est aujourd’hui toujours debout et en bon état (des restaurations furent effectuées en 1898 et en 1964).
Une étude des tableaux de la loge Maçonnique « Les Démophiles » à Tours nous instruits sur la présence d’un PERDRIAU à la même époque, mais malheureusement, nous n’avons pas de prénom et encore moins de profession.
Le 9 septembre 1889, journée de deuil pour Victor PERDRIAU, Manceau Fleur d’Amour et les Compagnons tisseurs-ferrandiniers du Devoir, il perd sa vielle amie de lutte républicaine, François MARTEL, Dauphine le Soutien du Devoir, décédé à l’Age de 67 ans au 28 rue du Vieux-Calvaire.
Deux ans plus tard, le 13 septembre 1891, Manceau Fleur d’amour participe à l’enterrement d’Émile PICAUD, Périgord le Victorieux, père des Compagnons boulangers du Devoir de la ville de Tours, et tient les cordons du poêle.
À la Toussaint 1896 à Tours, Manceau Fleur d’Amour, doyen des Compagnons boulangers du Devoir du 3e Cayenne, est présent pour la journée de mémoire sur la tombe de la Mère JACOB (Le Ralliement des Compagnons du Devoir, numéro 316, 22 novembre 1896) :
» Nous avions l’honneur d’avoir parmi nous le F. Perdriau Manceau fleur d’amour, qui tous les ans ne manque pas d’assister au cortège et à qui nous avions fait l’honneur de faire notre porte-drapeau, attendu qu’il était notre doyen, car il compte 56 ans de lumière, et chacun sur le chemin s’inclinait devant ce vieillard aux cheveux blancs s’avançant crânement la poitrine couverte de décorations, car le frère Perdriau est en même temps la plus ancienne médaille de France comme médaille de sauvetage car il eut sa première à l’âge de 14 ans ».
En aout 1898, il est également porte-drapeau pour l’enterrement à Tours du Compagnon boulanger du Devoir Jacques DUPONT, Languedoc la Constance, décédé le 1 aout.
À la Toussaint de la même année, journée de la mémoire de la mère Jacob et aussi de la réception de Madame CRITEAU, nouvelle mère des Compagnons boulangers de Tours, reçu sous le noble nom de Tourangelle la Bien Estimé, Manceau Fleur d’Amour est toujours présent.
Dans « Le Ralliement des Compagnons du Devoir », nous lisons ceci a ce sujet :
« Ce jour de 1 er novembre foule de CC . : dans la rue de la Serpe, le drapeau est déployé avec un crêpe, c’est le doyen Perdriau dit Manceau fleur d’amour qui le porte ; ce C . : est titulaire de médailles de sauvetage qui couvrent sa poitrine. Saumur l’ami du travail est le rouleur qui donne le signal du départ. Chemin faisant les CC. : B. : rejoignent les sociétés de sauvetage et l’Union patriotique qui vont déposer une couronne sur le monument élevé à la mémoire des combattants de 1870. Clairons et musique conduisent les sociétés suivies par une foule qui est si nombreuse que la circulation est impossible. La police fait de son mieux pour faire circuler le monde. Enfin voilà le cimetière franchi, vraiment ce n’est pas sans peine. Les CC. : boulangers font halte auprès du tombeau de la mère Jacob, ils attendent le porte-drapeau qui est reste avec les médailles qui ont fini leur cérémonie, ce qui permet au Pays Perdriau de rejoindre ses collègues qui l’attendent avec impatience… ».
Le monument élevé à la mémoire des combattants de 1870 du cimetière de la Salle.
Ce Compagnon boulanger hors du commun appartenant à la catégorie des Hommes de Devoir, à l’identique de ses contemporains, les BOUTIN, Saumur Plein d’Honneur, acteur de la commune comme représentant des Compagnons boulangers de Paris, ou encore ENTRAYGUES, Limousin Bon Courage, dont nous avons déjà présenté la biographie, disparaitra le 9 janvier 1899 à son domicile à Tours.
Parution dans « Le Ralliement des Compagnons du Devoir », numéro 369 du 12 février 1899.
* Henri CHABANNES, Nivernais Noble Cœur, Compagnon tonnelier du Devoir de Liberté écrivit son « Evasion de L’ile du diable » publiée en 1862. Plusieurs fois inquiètes pour complot, il fut l’un des principaux agitateurs de la Marianne dans la Nièvre. On arrêta ses deux frères, on lançait un mandat d’arrêt contre lui, et l’ont perquisitionna chez sa mère ou l’on découvrit de la poudre à canon qu’elle fabriquait elle-même. Il fut inculpé à Paris ou on l’arrêta, dans le procès de la jeune montagne. Lors de son jugement, de la correspondance de Chabannes, le procureur retint trois lettres dont une signée Pierre Gruin, parlait des compagnonnages et précédait l’envoi d’un ouvrage sur les « sociétés de compagnons dites Cayennes ».
Au début d’aout 1855, Nivernais Noble Cœur est condamné à deux ans de prison, 100 francs d’amendes et cinq ans d’interdiction de séjour, puis les 29 aout, a quatre ans de prison, 100 francs d’amendes et aux dépenses solidairement. Il fut déporté en Guyane, aux iles du salut, d’où il s’évada le 12 août 1856, sur un radeau avec huit de ses compagnons d’infortune, aborda la Guyane hollandaise et travailla comme ébéniste à New York et dans le Tennessee. Revenu à Pouilly en 1861, il était inscrit sur la liste des hommes dangereux de l’arrondissement de Cosne.
Il édita lui-même la suite de ses réflexions sur la classe ouvrière et le compagnonnage, sous la forme d’une autobiographie : « Guerre a l’ignorance ». Vinrent ensuite : « Un palais du compagnonnage et la suppression du chômage sur le tour de France » en 1868 ; des chansons en 1870, dont une consacrée au « Palais du compagnonnage », projet grandiose qui tenait à cœur à son auteur devenu son propre éditeur. En 1871, pendant la commune de Paris, Chabannes eut encore une activité importante, mais cela est une autre histoire… qui le conduira à être condamné à mort, il quitta Paris et s’installa à New York où il fit paraître L’Organisation du travail en 1881. Il vivait encore en 1886…
« Guerre a l’ignorance » consultable sur Gallica : http://gallica.bnf.fr/ark:/12148/bpt6k63509131/
Je tiens à remercier plus particulièrement pour l’aide à mes recherches qui ont servis à la réalisation de cette étude, le responsable du superbe site « Maitron en ligne Université Paris 1 » grâce au quel j’ai pu avoir le libre accès à ce formidable Dictionnaire de la biographie ouvrière et également Monsieur Laurent Bastard, Conservateur du Musée du Compagnonnage de Tours pour les nombreuses informations qu’il m’a communiqué, en particulier sur les Compagnons Tisseurs.
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.