Semences de curieux ;
A la renaissance(XV & XVIème siècle) avec les sortes de blés.
Nous allons suivre un peu les recensements et classements de blé au XVIème siècle, grâce à Piet De Bruyn habitant à Kerksken près de Gand, qui à 55 ans a décidé de suivre sa passion ; «le pain honnête»
La facilité d’échanges actuels fait que des passionnés peuvent se rencontrer. Nous sommes entrés en communication sur le blé ancien en Flandres au moment ou j’étais justement en train d’essayer d’y voir clair sur de vieux écrits flamands sur le blé.
Piet a une formation d’historien, une connaissance du latin et de nombreuses langues dont le moyen-néerlandais, je peux vous dire que l’échange d’archives et de réflexions fut enrichissant pour nous deux.
Pour moi, ce fut une aubaine, recevoir traduit d’anciens textes du XVIème siècle, les confronter aux connaissances de terrain que m’a transmis Jean-François Berthellot, (à qui je dois beaucoup), dans sa collection d’anciens blés.
Ici, c’est comme avancer toujours plus loin aux profondeurs des connaissances écrites sur le sujet. C’est clair c’est du savoir, pas du savoir-faire, c’est une semence de curieux que l’on sème, pas plus.
Merci Jean-François et merci Piet.
Marc Dewalque
Le XVème siècle est le siècle où nait l’imprimerie. Vers 1452-54, Johannes GUTENBERG sort le premier livre imprimé ; «La Bible», en 180 exemplaires. A Mainz (–Mayence-), il a fallu 3 années à l’atelier de Gutenberg pour réaliser ces 180 bibles, un moine copiste dans le même durée (3 ans) réalisait une seule bible, pas 180. 1
Même avec des retards d’impression du aux maladies de jeunesse, l’imprimerie devenait vite inconcurencable.
Les prochains thèmes à imprimer qui répondent à une demande seront les «herbiers», plusieurs auteurs s’y appliquent. Comme on ne conçoit pas un livre de géographie sans carte, on n’imagine pas un herbier imprimé sans description des plantes. Tout de suite se pose le problème de l’investissement car si le texte se contente des lettres de l’alphabet et de belles lettrines, les planches en bois gravés pour chaque plantes, sont un gros investissement.
Un des premiers « herbiers imprimés » est «Hortus Sanitatis» (= le jardin de santé) publié vers 1491 2, mais les descriptions autant graphiques (ci-contre), que littéraires n’auront pas la rigueur que le siècle suivant apportera avec des auteurs plus appliqués sur l’observation purement botanique.
Le XVIème siècle est un temps où la guerre de religion (catholiques/protestants) va souvent miner les échanges culturels.
Jean RUEL (°Soissons, 1479 – † Paris 1537), médecin du roi de France, François Ier, va refaire une traduction de l’ouvrage «De materia medica», soit –De la médecine– du grec Pedanius DIOSCORIDE (°40-† 90) et puis publié «De Natura stirpium libritres», soit –La nature des plantes en 3 volumes – en 1536. 3.
Une même connaissance des ouvrages anciens (grec et romain) fait qu’en Allemagne, c’est le médecin Léonhart FUCHS (°1501 – †1566) qui est un des figures marquantes dans les publications botanistes. Il publie en 1542 «Historia stirpium commentarii», 4, soit –Commentaires sur les histoires des plantes– dont les planches (gravures sur bois) œuvre de Veit Rudolph SPECKLE et les dessins d’Albert MEYER sont plus précis et assez remarquables 5 C’est aussi un des premiers qui emploie les dénominations binomiques, même s’il n’établit pas un classement méthodique 6 , ces descriptions sont assez pointues. Par exemple, ces dessins permettent déjà de différencier les triticums entre eux dans le tableau, ci dessous.
C’est aussi l’époque où spécialement en Flandres des médecins s’intéressent à la botanique avec bien sur en toile de fond, la pratique médicinale.
Trois acteurs vont se succéder, inventorier, approfondir et parfois se copier l’un l’autre.
En établissant un inventaire daté (voir en notes) entre l’action de ces trois personnages, on remarque que Charles L’ECLUSE et Mathias DELOBEL ont été instruit par Guil.RONDELET (1507-1566) à Montpellier 7.
Que Rembert DODOENS et Charles L’ECLUSE ont été médecin à Vienne pour la couronne et qu’en suite ils iront tous les deux professer à Leyde (nl)
Dix ans sépare DODOENS de L’ECLUSE et encore dix ans après c’est DELOBEL Piet ajoute ; «il y avait aussi les botanistes VAN DEN SPIEGHELl (Spigelius, mais plutôt chirurgien) et de BOODT (mais plutôt minéralogue). L’humanisme ERASMUS, la science, la peinture, tout est stimulé fortement par le commerçant-imprimeur PLANTIJN et son beau fils MORETUS d’Anvers. Quel siècle ! »
Les dessins du Crŭÿdeboeck (1554) 8, et de Frumentorum…(1566) 9, livres de DODOENS sont repris dans le Kruydboek oft Beschrijvinghe (1581) de M. DELOBEL 10. Cela est probablement du à l’imprimeur anversois qui leur est commun Christophe PLANTIN et son successeur et gendre Jan MORETUS.
En 1543, la version en allemand (New Kreutterbuch ) du livre de FUCHS d’abord publié en latin Historia stirpium commentarii a été édité à Bâle et six ans plus tard apparut la traduction en néerlandais.
En 1551, Jan VAN DER LOE, le premier imprimeur et ami de DODOENS, visitait la foire du livre à Frankfurt en Allemagne 11.
Cette foire était renommée dans cette époque 12. L’historien Weidhaas raconte que, déjà vers 1500, la foire était le centre commercial de livres, imprimés selon la technologie de J.GUTENBERG. En masse venaient les intellectuels et commerçants d’Anvers, Paris, Londres, Venise, Krakow. Apparemment, en 1501, il y avait plus que 1100 imprimeries en Europe (dont 7 en Belgique et 14 en Hollande).
Le transport des livres vers la foire était une expédition dangereuse et chère pour les commerçants. Pour le transport de deux caisses avec livres, environ 500 kgs, entre Lyon et Frankfurt, on devait payer le transporteur 1.5 florins par 50 Kgs, donc 15 florins ce qui est une somme considérable pour l’époque.
Parce que le transport était si cher, la reliure se faisait à Frankfurt. La plupart des livres avait des couvertures en bois solide !
Les hôtels en Allemagne avaient une mauvaise réputation. ERASME, qui présentait ses livres à la foire aussi, racontait qu’il n’y avait pas de chambres individuelles et que 80 à 90 personnes, femmes, garçons, commerçants, malades etc. étaient rassemblés dans une seule chambre avec des draps, lavés il y a 6 mois…
Christof PLANTIJN visitait la foire de « Pâques » de Frankfurt en 1566 et il voyageait dans une calèche d’Anvers jusque Cologne. Son beau-fils MORETUS faisait le voyage à pied jusque Cologne. De Cologne à Frankfurt ils prenaient, tous les deux, le bateau (Rhin-Main). Le retour en bateau jusque Cologne, puis à pied jusque Maastricht et en calèche vers Anvers. PLANTIJN payait pour le voyage total 131 florins. Il emportait ses caisses de livres avec plus que 5000 copies de 67 oeuvres différents. Il vendait et achetait pour 1625 florins. Frankfurt devenait pas seulement une foire mais aussi un lieu de rencontre intellectuel ou des professeurs des universités se rencontraient et dans les environs de la foire existaient des marchés, connus pour la vente de peintures, gravures de bois etc. En 1540 par exemple, l’épouse du fameux Albrecht DÜRER (artiste peintre) venait à Frankfurt pour la vente de son oeuvre. En tout cas, Jan VAN DER LOE a négocié à Frankfurt et obtenait le privilège pour éditer et ré-arranger le livre de FUCHS (ce dernier n’avait plus beaucoup de succès et probablement, VAN DER LOE faisait la bonne affaire) 13.
Dans une lettre de 1553 de DODOENS à FUCHS, DODOENS lui-même dit qu’il avait copié 500 gravures de FUCHS, donc presque tout. Il ajoutait dans sa publication «seulement» 210 illustrations venant de sa propre production. Ce n’est qu’à partir de 1566 que DODOENS laissait imprimer tout chez le fameux PLANTIN et Jan Veth faisant l’inventaire 14 des imprimés de DODOENS raconte qu’à partir de cette date, les dessins des plantes devenaient meilleurs. C’était le réputé dessinateur malinois, Pieter VAN DER BORCHT, qui travaillait pour les éditions botaniques de PLANTIN. L’imprimeur anversois payait à VAN DER BORCHT, 15 florins pour 60 dessins du Frumentorum… (blés, froments…) de DODOENS.
C.PLANTIN avait aussi des artistes excellents qui gravaient sur bois. On sait qu’un des graveurs, Arnold NICOLAI, touchait pour les blocs de bois 7 florins par pièce.
Voilà dressé grâce à la recherche de Piet De Bruyn, l’ambiance de la société à l’époque. On y voit que le marché de l’imprimerie qui en est à ces débuts a déjà des méthodes qu’aujourd’hui on qualifierait, de «copier/coller» 15.
Comme nous en avons été intrigués en comparant ces quatre planches décrivant les céréales ou l’inversion du dessin semble évidente, surtout dans la position des limbes (feuille de l’épi).
Pour un recensement des céréales des XVème& XVIèmesiècle, la dénomination, la description et la classification qui ne sont pas fixée vont donner de sérieuses exigences de lectures comparatives.
Au XVème siècle encore et en Allemagne, le pays des premiers imprimés, on remarque que l’expression «siligo» est tantôt le froment et le seigle. Le siligo semblait être dès le Ier siècle, pour l’agronome dit «romain», COLUMELLE 16, le froment d’hiver à la couleur blanche. Une évolution des termes qu’il faudra suivre puisque les auteurs se reprennent l’un, l’autre et assez régulièrement, n’osant pas remettre en cause l’intégrité des écrits précédents qui servent toujours d’assise référentielle. Les références des appellations des familles des plantes en grec et latin (les langues des partages scientifiques de l’époque en Occident) vont aussi avoir des mobilités diverses avant de se fixer 17.
Comment aborder dès lors ces publications, afin d’en faire un recensement précis et les reclasser dans les variétés qui sont nos repères actuels. Les classements de notre XXIème siècle sont régis par des analyses scientifiques récentes ; le nombre de chromosomes principalement, qui n’apparaît qu’entre les 2 guerres (dans les années 1930). Tout comme, la palynologie (l’étude des couches terrestres successives de pollens) et la datation au carbone 14 (le décompte de la demi-vie radioactive) qui compléteront utilement les études «généalogiques» des céréales permettant des classements plus philogéniques. Il est bien évident que les naturalistes de la renaissance et les agriculteurs ne peuvent lire le nombre de chromosomes. Les premiers classements qu’opèrent les «savants» grecs et romains séparent les blés décortiquables, des non décortiquables (dits aussi nu et vêtu) 18, les barbus, des non barbus 19 l’époque de semis (hiver et été) 20 et la couleur de l’enveloppe du blé.
Deux couleurs de blés ont généralement prise en compte; le blanc et le rouge (parfois dits; roux, rousset).
M.DELOBEL, commence dans Kruydboek oft Beschrijvinghe (1581) a mentionné p.28, un blé d’une autre couleur, Le blé Luisier dont Piet De Bruyn nous livre la traduction en français « Celui-ci est appelé froment noir ou brun barbu, le blé Luisier se trouve en Tournaisis et dans la Châtellerie de Lille, il est dénommé Luisier parce que ce fin grain est brillant. Les épis sont plus beaux, plus longs et plus grands que toutes les autres (sortes) de froment brun. Mais le grain est dur, plein de balle et de sons, ne servant que pour un gros pain bis. »
On trouve aussi en 1615 dans l’ Histoire générale des plantes de DALECHAMPS et DES MOULINS, une description d’un blé turquet, « ayant l’épi de couleur perse », c’est à dire; bleu.
Un peu arbitrairement, c’est le tableau des sortes de grains et blés de DELOBEL que l’on prendra comme point de départ pour la connaissance des espèces de blé connues à la renaissance. D’abord parce qu’il est un des derniers écrits du XVIème siècle (il profite ainsi des connaissances précédentes) et puis parce qu’il entreprend de classifier les céréales, même si ce n’est qu’une des premières approches.
Précisons une limite de notre curiosité, on ne relève comme intéressant que le »Terwe », soit le froment et le »Spelt », soit l’épeautre. Le seigle, l’orge et l’avoine ne seront pas approcher ici.
Toujours grâce à Piet De Bruyn qui donne la traduction du »moyen-néerlandais » employé dans ce document, le recours aux traductions des présentations spécifiques (dans le texte et pas dans le seulement le tableau) que donne DELOBEL dans son »herbier imprimé » seront nécessaire.
Terwe:
Ghemeyn Terwe Robus
Ghebaerde Terwe
GhebaerdeTerwe met heel dobblearen
TweederleyTerwe in Walschlandt Blé Loca gheheeten
Somer Terwe van dry oft van vijfmaenden
Soit en français:
Froment :
Froment commun Rouge 21
Froment barbu 22 Froment barbu à double épillet 23
Froment »de deux sortes » appelé en pays français Blé Loca
Froment d’été de trois ou de cinq mois
Si dans les cinq sortes de froment, quatre ne pose pas beaucoup de problème de compréhension.
Le froment »de deux sortes » [24] dénommé Loca interpelle plus.
D’abord parce que l’expression Loca sera attribué par après à l’épeautr [25] qui est pourtant classé à part chez DELOBEL et divisé en cinq sortes également.
En plus ce blé Loca bénéficie chez cet auteur d’une description graphique qui montre clairement que ce blé est rameux. C’est-à-dire qui ramifie sur le côté en plus de la ramification sur l’axe central du rachis principal.
L’article consacré par DELOBEL [26] au blé Loca nous précisent que ce sont les gens de Lille (Rijssel en flamand) qui dénomment ce blé comme cela et ne l’oublions pas, DELOBEL est né dans cette ville qui lui a dédié une avenue ou se situe le Parc Zoologique.
Prenons un relevé des descriptions des mentions du blé Loca dans deux autres écrits de l’époque.
Notamment ceux de R.DODOENS et J.RUEL. Ce dernier nous propose même, une étymologie de « Loca » [27]. Pour lui, cela provient de « loculis » parce qu’il est couvert de plusieurs enveloppes (supposé; balle + son ?), serait-il non décortiquable ?
Auteur |
Date |
Définition de Loca traduites en français |
Ruel | 1536 | le blé barbu rouge présent en Gaule est en partie locar, comme loculaire, parce qu’il est enveloppé par plusieurs tuniques comme s’il était déguisé de cassettes (loculis), |
Dodoens | 1554 | Ce blé n’est pas de Zea, ni du sorte des Spelt, comme certains le pensent. Parce que, de tous les (sortes) Spelt, on peut cuire du beau pain, equivalent aux pains de froment, comme prédit. Mais de ce blé est fait du pain très brun et sans goût’ |
Delobel | 1581 | Froment barbu, nommé par les gens de Lille/Rijssel; bléLoca. La 3ème et la 4ème sorte de froment barbu, sont trouvés en abondance près de Lille en terre argileuse. Ce blé blanc est le meilleur avec le plus beau blanc, l’épi est deux fois plus grands et épais que le blé commun froment barbu. Le grain (de ce froment) est épais, donnant en abondance de la fine fleur de farine, très blanche, et agréable pour ‘lier’ |
Pitton de Tournefort | 1700 | ‘Triticum aristis longioribus, spica alba, robus sine triticum insulanis gallo-belgis Loca vocatum’ (soit ; blé barbu long à épis blanc et (dur ou rouge ?), appelé Loca en pays gallo-belge) |
Jean RUEL avance la couleur rouge pour le blé loca [28].
Ce même blé loca est un blé blanc pour DELOBEL [29].
La question est posée de savoir s’il est un épeautre rameux ? En n’étant pas tellement décortiquable, c’est possible, mais d’autres pistes doivent être ouvertes également. En lisant L.FUCHS dans la présentation des triticums, il distingue du froment, épeautre et engrain décrits, un «Welscher – Weizen» [30] qui se traduit textuellement par «froment français».
Si le blé loca n’est pas un épeautre rameux, il est peut être un poulard du Nord ou ce «Welscher – Weizen».
Suivont Nicolas-Charles SERINGE (°1776 †1858), qui dit, p.105, qu’il est actuellement –en 1818- très certain, comme l’avait déjà pensé Mr. DE CANDOLLE (°1778 †1841) que le Tri. Compositum n’est qu’une simple variété du Tri.Turgidum, dont la base se ramifie plus ou moins. J’en ai trouvé (en Suisse) des individus à peine rameux et dont les épillets de la partie supérieure était absolument conformés comme ceux du Tri.Turgidu [31].
Henri DE VILMORIN en 1880 donne les synonymes du blé de Miracle (p.134) ; Blé rameux; blé de Smyrne; blé de momie; blé d’Égypte; blé Eldorado; Egyptian wheat (Angleterre); grano a grappoli (Italie) puis commente ainsi; Les poulards sont la classe de blés où les épis se ramifient le plus fréquemment. Cette monstruosité a déjà été observée dans l’antiquité, car Pline en fait mention, (Histoire Naturelle, Livre 18, XXI. 1. »les froments les plus productifs sont le froment rameux, et celui qu’on appelle à cent grains. ») Les blés à épis rameux ont toujours eu le don de frapper vivement l’imagination des ignorants et des cultivateurs novices qui s’imaginent en obtenir des rendements prodigieux, tandis qu’ils ne donnent en général qu’un produit assez médiocre, surtout au point de vue de la qualité. Un très grand nombre de poulards ont produit des variétés rameuses: il en résulte que le nom de blé de miracle ne s’applique pas toujours exactement à la même variété dans les différents endroits.
C’est plutôt, en somme, un objet de curiosité qu’une variété réellement recommandable. Dans les terres pauvres, il n’est pas rare de voir l’épi perdre partiellement ou complètement son caractère, et reproduire alors la forme à épi simple d’un des blés poulards décrits ci-dessus.
Déjà un siècle plus tôt, Alexandre Henri TESSIER écrit en 1784 de ce blé de miracle, qu’il «ne se sème que par curiosité dans beaucoup de pays, et par conséquent en petites quantités» [32].
Encore un résultat de recherche de Piet De Bruyn, ce classement de Joseph PITTON de TOURNEFORT (°1656 †1708), qui serait un des premiers qui a catalogué le triticum en 13 espèces dans son ‘Institutiones Rei Herbariae’ en 1700, encore bien avant VON LINNE -1753-, il fait mention du ‘Triticum aristis longioribus, spica alba, robus sine triticum insulanis gallo-belgis Locavocatum’ (soit, blé barbu plus long à épi blanc,( -rouge ou dur ?-) appelé Loca en pays gallo-belge) [33].
Reprenons maintenant ce qui concerne l’épeautre dans le tableau de DELOBEL
Spelte :
Spelte oft Typha
Spelte van Theophrastus d’alderbeste ende onghebaerde
Terw-spelte oft bloote gerste
Duytsch Rijs oft Arinca, ende is van halve deucht
Sant-Peeterskoren/ende is deslechtstespelte/endeeenboetsel den beesten bequaemerdan den menschen
Soit en français
Epeautre : [34]
Epeautre ou Typha
Epeautre de Theophrastus le meilleur et non barbu
Froment-Epeautre ou Orge nu
Riz allemand ou Arinca, est de demi-qualité
Blé de Saint-Pierre [35]) est le plus mauvais épeautre et un boisseau est mieux pour les animaux que pour les gens.
Ce classement des épeautres de DELOBEL, présente beaucoup de difficultés d’interprétations.
Quand, comme Piet De Bruyn le fait, on reprend la version en latin de DELOBEL Plantarum seu stirpium historia de 1576 précédant de 5 ans la version en flamand, on obtient inévitablement un référencement aux écrits botaniques antécédents.
Zea Spelta :
Zea Typha [36]
Zea Theophrastus [37]
Zeopyron [38]
Zea Olyra [39]
Zea Briza [40]
Tout d’abord, le Zeopyron, grain nu est un épeautre ? Peut-être parce qu’il ne peut pas être un froment ? Au même titre que le blé Loca ne pouvait pas être un épeautre, alors qu’il est vêtu. Autre remarque, ce classement suit fort celui de COLUMELLE qui divise les blés en froment (blés nus) et adoréum (blés vêtus).
Il n’existe pas encore de différenciation entre amidonnier (non décortiquable) et froment et surtout avec l’épeautre [41] ou l’amidonnier (emmer) et le blé dur devrait être encore présent dans les cultures de l’époque, mais non différencié d’une de ces deux espèces décrites dans ces premiers «herbiers imprimés».
Le test de la dureté (blé mis sous la dent) ne différencie pas les blés durs, des blés tendres dans les classements de blés de la Renaissance, puisqu’il faut le dire, les blés durs sont employés aussi en panification.
Pastification et panification ne semble pas avoir des blés si spécifiques comme nous le connaissons aujourd’hui.
Le «Welscher Weizen» cité par L.FUCHS, soit froment français, décrit parfois dans les traductions latines comme blé Typha est-il un poulard, un amidonnier, un épeautre ?
Les Zea Olyra et Zea Typha ont du mal à se différencier dans les commentaires de l’époque, et même dans les descriptions graphiques [42].
Prenons en exemple les dessins de R.DODOENS (ci-contre). Quand on connaît les prix dissuasifs des gravures de l’époque incitant rapidement à moins de rigueur, ainsi que les pratiques de plagiat recensée chez des auteurs peu scrupuleux [43], on peut penser que ces planches légèrement modifiées sont un moindre mal pour les auteurs de l’époque.
Le dernier zea décrit par DELOBEL, le briza est fort mal considéré au niveau panification [44].
En 1557 dans Histoire des Plantes, rédigé en français, R.DODENS avec Charles L’ECLUSE écrivent « ce blé a été…appellé Briza [45], en Thrace et Macédoine, à présent en Allemagne on l’appelle Blicken, Sant Peters Korn et Einkorn, c’est à dire simple grain. ». La dénomination « Monococcon » de la description de DODOENS dans « Frumentorun… » de 1566 permet de facilement relier le briza, aux classements actuels de l’engrain. Même si l’éditeur C.PLANTIN réutilise la même planche qui avait servi à R.DODOENS pour M. DELOBEL, l’intitulé du aux auteurs est différent (Voir les deux dessins ci-dessous).
Les illustrations actuelles (ici à gauche, un engrain albanais et à droite, un petit épeautre de Haute-Provence) qui permettent une comparaison d’après photos, et le fait qu’il est décrit comme grain non décortiquable ne laissent pas beaucoup de doutes sur l’identification de briza en engrain/einkorn dans les écrits du XVIème siècle.
C’était des semences de curieux,
Qu’est ce que cela va donner ?
Moins que le travail sur le terrain pour sauver la biodiversité, en tout cas.
Auteur : DEWALQUE Marc, Equipe BoulangerieNet © 2013.