« In a freumé ches fosses et rasé ches terrils, ches chevalets sont queus, ches gal’ries rinfouies, rimblaïées ches bowettes : adiu ches molettes! Ches gosses n’ sauront pus l’ goût du pain d’alouette. » Guy Dubois
Le pain d’alouette, est parfois appelé avec d’autres noms, (en Wallonie c’est le pain de coucou).
C’est les tartines que la mère a confectionné et mis dans une petite boite pour la faim du père pendant le travail et quand les pauses lui permettront.
Lorsque le père n’avait pas tout mangé, il le rapportait dans la famille en disant à ces enfants « c’est l’alouette qui ne les a donné ».
Et les enfants attendaient impatiemment chaque début de soirée, ce pain d’alouette.
Voici un poème d’abord en « ch’ti » puis traduit en français qui nous en parle avec tendresse.
En retour de la mine, les enfants guettaient l’arrivée du mineur, pour la vieille coutume du pain d’alouette
J’vas chi vous dir’, tout à l’coyette (tout à l’aise)
El pain d’alouette chuss’ qué ch’est
Ch’est un pétiot restant d’briquet
Ch’est deux dogts d’pain, pas davantache
Avec du burr’, du mou fromache
L’mineur r’mont cha pour ses infants
Du fond del min’, chaqu’jour ouvrant
Ce qui rend encore plus attendu le retour du père :
Quand, bin mat’, j’arviens d’l’fosse
Chu qui m’met in bonne humeur
Près d’ m’maison, ch’est m’tiot gosse
Quin dins mes gamb’s il acqueurt
I m’imbrasse, il est à l’noce
I m’ poche (presse) ed’sus s’pétit cœur
J’sins qué s’carress’ n’est point fausse
Mi, j’appell’ cha l’vrai bonheur
—
Je vais ici vous dire, tout à l’aise
Ce qu’est le pain d’alouette
C’est un petit reste de briquet
C’est deux doigts de pain, pas plus
Avec du beurre et du fromage mou
Le mineur remonte ça pour ses enfants
Du fond de la mine, chaque jour de travail
Ce qui rend encore plus attendu le retour du père:
Quand, bien fatigué, je rentre de la fosse
Ce qui me met de bonne humeur
Près de ma maison, c’est mon petit enfant
Quand dans mes jambes il accourt
Il m’embrasse, il est à la noce
Il me presse sur son petit cœur
Je sens que sa caresse n’est pas fausse
Moi, j’appelle ça le vrai bonheur
—
Le briquet: pause casse-croûte au fond de la mine, sur les lieux mêmes du chantier d’exploitation.
Cette pause est un acquis social que l’on doit à Raoul Briquet qui proposa une pause pour les mineurs. Le gouvernement imposa aux compagnies minières qu’un temps pris sur le travail, donc payé, soit destiné à prendre une petite collation.
L’appellation de ce repas est un hommage à ce bienfaiteur syndicaliste des travailleurs de la mine.
Le mineur emportait ce casse-croute avec lui dans une musette qu’il descendait au fond avec quelques tartines de pain supplémentaires.
Évidement les tartines s’imprégnaient d’une « odeur particulière » liée à l’atmosphère chaude et humide ambiante durant tout le poste de travail.
En revenant à la maison, le mineur offrait les tartines qu’il n’avait pas mangées à ses enfants qui se disputaient ce pain emblématique, qu’on appelait le pain d’alouette.
C’était souvent des tartines de saindoux, elles avaient une odeur et une saveur incomparable, comme si en descendant dans la mine, elles s’étaient imprégnées du respect au travail de celui qui les ramenait. Les témoignages sont nombreux dans les familles de mineur quand le père remontait, les enfants se battait pour savoir qui allait récupérer le pain d’alouette.
Henri RAIMBAUT, ancien mineur et poète habitant Marles les Mines.
Le pain d’alouette.
C’est l’heure du briquet
Au fond dans les entrailles
Les mineurs rassemblés
A l’entrée de la taille
A l’air sur la bowette
Avec leurs mains noircies
Ils retirent des musettes
Le pain si blanc de mie
Ils laissent dans leur malette
En manquant d’appétit
Le bon pain d’alouette
En pensant aux petits
Quand ils rentrent de la mine
Les » tiots » tout excités
Attendent ces tartines
Au goût particulier
Mieux que du pain d’épice
Il faut voir le régal
Les yeux pleins de malice
Comme un repas frugal
Le bon pain d’alouette
Beau souvenir d’enfant
Avec son goût noisette
Rappelle le vieux temps.
Henri RAIMBAUT
Marc Dewalque Artisan Boulanger et Laurent Bonneau Normand la Fidélité CBRFAD. – BoulangerieNet
Originaire du 62, non pas de la région des mines mais du Littoral, mon père me ramenait ce fameux pain d alouette. Il n était pas gueule noire mais gueule blanche par la poussière de calcaire . Merci à vous, pour ce moment qui m a rappelé que jamais je ne l ai vu se plaindre🙏
Bonjour
Très bel article. C est en tapant « Le briquet » que j ai pu lire cet article et ce bel hommage fait a mon beau-papa qui est tout a droite sur la photo avec les 7 mineurs qui prennent leur briquet.
Merci
Bien cordialement
Sandrine Danel
« Le Pain d’alouette » : Un jour, et ceci remonte environ aux années 1997-2000 rendant visite à des amis qui habitaient près de « La Rochelle », à peine arrivés chez eux, je sortais de mon sac un reste des sandwichs que j’avais préparés pour moi et mon époux et que nous n’avions pas mangés (tranches de pain tartiné de beurre et de camembert).
A la vue de ces tartines mon amie «s’esclama» avec joie: ‘oh! du pain d’alouette!’ Et aussitôt dit aussitôt fait, elle mit les tartines dans un petit four électrique…. nous en mangeâmes le résultat gourmand dans l’après-midi avec un verre de vin!
Jusqu’à maintenant cette «locution»* m’était restée en mémoire mais je n’en connaissais pas exactement la signification … aujourd’hui sur votre site, j’en trouve l’origine et l’explication …. et je trouve tout ceci fort poétique ! Merci.
Malouinette
Grosse bêtise que de dire que le mot « Briquet » est un hommage à Raoul Briquet !!!.
En 1885 …le petit Raoul n’avait que 10 ans quand Emile Zola employait dejà ce mot dans Germinal !!!
Les mot Briquet vient du Wallon « Briket » qui désignait le gros morceau de pain que les ouvriers des champs emportaient pour leur repas.
Il apparait dès 1832 dans des dictionnaires Wallon alors que Raoul était encore dans les choux !.
S’il est vrai que Raoul Briquet , comme avocat du syndicat des mineurs, a été à l’origine de la loi qui instaura que la pause repas soit payée par les compagnies minières….il n’a , en aucun cas , donné son nom à cette pause .
Emouvent et super, instructif aussi pour un gars du Nord expatrié à Lyon qui « crot tout connait' » de sa langue natale « et qui n’apprint tout l’temps ».
Merci.
Petit détail : « min père y étot boulanger à Houdain dans les années 60 ».
Francis
EXTRAORDINAIRE ARTICLE!!!
LE PAIN ET LES HOMMES AU QUOTIDIEN!!!!
MERCI MARC ET LAURENT!! 🙂