Voila donc Jeanne Jacob Mère des compagnons boulangers du Devoir de la troisième Cayenne du tour de France ! Mais aussi mère de nombreux enfants, dix ! Mais malheureusement sept décèderont de son vivant.
Jeanne Eugénie née le 21 octobre 1819, décédé en 1820.
François Pierre né le 29 décembre 1820, décédé en décembre 1876.
Henri Jean né le 9 avril 1822, décédé en 1824.
Auguste né le 30 mai 1823.
Jean Marie née le 30 aout 1824.
Felix Martin né le 21 mars 1826, décédé en 1829.
Louise Désirée née le 3 mai 1827.
Adolphe Ferdinand né le 13 octobre 1828, qui est aussi l’année du décès de sa mère qu’elle hébergeait rue de la Serpe, décédé en 1848.
Victor Emile né le 23 décembre 1831, décédé le 22 février 1868.
Anne en 1834.
« Je me rappelle, moi, qui travaillait a Tours dans ce temps de douloureuse mémoire, d’un fait qui se passa a l’époque du 16 mai 1836, et comme je tiens a vous en donner un aperçu, je vais le faire brièvement, ne voulant pas sortir des limites que je me suis tracées ; si j’en sors un instant, c’est pour vous démontrer combien cette femme, si méritante et si bonne, fut éprouvée dans sa vie ; car depuis notre entrée chez elle jusqu’en 1845, époque ou cessèrent a peu près toutes ces dissensions, elle eut a supporter de bien terribles émotions. Or voici ce qui se passa dans ce jour de douloureux souvenir :
Des le matin, un rassemblement d’ouvriers, accourus de tout les points de la ville et des environs, s’était donne rendez vous sur la place du grand marche, dans l’intention de guetter notre sortie et de nous enlever nos cannes et nos couleurs. Ces hommes avaient aussi l’idée de nous faire un mauvais parti ; du moins, on pouvait le penser en les voyants porteurs de bâtons de toutes dimensions. Quelques témoins de ces menaçants préparatifs vinrent nous prévenir de ce qui se passait, en nous engageant a ne pas sortir, afin d’éviter des suites désagréables. Cependant, tout était prépare : la musique allait nous arriver, et la messe était commandée pour onze heures ; mais après cet avertissement, nous fîmes prévenir la police, qui se rendit a notre domicile, et nous conseilla prudemment de ne pas sortir. Réflexion faite, et après avoir consulte Monsieur le Commissaire de police, qui fut de notre avis, nous demandâmes des voitures qui nous arrivèrent aussitôt, et nous partîmes pour l’église Saint Vincent, escortes d’un piquet de cavalerie qui nous fut aussi accorde a la demande de l’autorité.
La cérémonie religieuse étant terminée, nous retournâmes chez notre mère dans le même ordre d’ou nous en étions partis. Etant arrives, et pour éviter des querelles avec nos agresseurs, nous nous dispensâmes encore de porter, comme il était d’usage, des gâteaux chez Messieurs les maitres ;le diner, qui eut lieu a cinq heures, se fit assez tranquillement grâce a la mesure de sureté prise par l’autorité, qui avait place un fonctionnaire a chaque bout de la rue de la Serpe, avec la consigne de ne laisser passer personne sans un motif grave et indispensable ; enfin le bal, qui termine cette journée habituellement si belle pour nous, n’eut pas lieu, toujours afin d’éviter les désagréments qui pouvaient en résulter.
Ainsi lecteur, voyez, d’après de pareils faits, ce qu’était l’ouvrier du tour de France a cette époque, et vous pourrez juger ensuite de ce que Madame Jacob eut a souffrir par suite de ces pénibles discordes qui, malheureusement ne devaient pas se terminer de si tôt, puisque cinq ou six mois après l’affaire dont je viens de parler, il s’en passa une autre non moins terrible:
Il arriva un jour que sa maison fut envahie par certains ouvriers qui, pour des motifs d’une futilité singulière, étaient venus nous chercher querelle, et comme, ils arrivèrent dans un moment ou nous étions encore a nos travaux, Madame Jacob qui, précisément, se trouvait seule avec sa domestique, et se doutait de leurs coupables projets, vint courageusement au devant d’eux, en leur disant qu’ils n’auraient point a boire et les invitant a sortir sur le champ, sinon qu’elle allait envoyer chercher la police. A cette réponse, qui les exalta davantage, ils se mirent a l’injurier grossièrement, et non content de cela, ils cassèrent plusieurs objets qui se trouvaient a leur portée ; elle même, en voulant défendre ses intérêts et repousser les récalcitrants, reçut quelques blessures qui, bien que légères, n’en étaient pas moins désagréables.
Heureusement toutes les ouvertures du rez de chaussée avaient été fermées aussitôt, car ils ne se contentèrent pas de ce qu’ils venaient de faire a l’intérieur ; il fallut aussi que l’extérieur subit les effets de leur funeste rage. A un signal donne par un des meneurs de cette cohorte, la façade de la maison fut assaillie de projectiles. Une demi heure après, il ne restait presque plus de tuiles sur le toit, tellement, que le lendemain des ouvriers couvreurs furent obliges de recouvrir ce but ; les croisées, veuves de leurs carreaux, eurent aussi besoin d’être réparées.
Maintenant frères, je pense que vous ne me blâmerez pas d’avoir un peu dévie de ma route ; il le fallait, et vous devez avoir comme moi, que tout ce que je viens de vous dire par l’expose des faits, rentre dans la biographie de cette bonne et tendre Mère ; car ce sont par ces mêmes faits que vous pourrez juger de son caractère et de son coeur ; vous apprécierez aussi ce qu’elle a dut souffrir a la vue de ses rivalités sanglantes qui, pendant vingt cinq ou trente ans, au moins, sont venues faire la désolation du tour de France.
Femme forte et dévouée, elle résistât a toutes ces misères de l’époque, ou beaucoup a sa place auraient succombe.
Ah ! C’est qu’elle avait confiance en Dieu, et, dans cette confiance sincère, elle s’était dite :
« Je me suis chargée d’une mission divine et sacrée ; je l’a remplirai fidèlement jusqu’au moment fatal ou la mort seule viendra m’en arracher »
Cette femme vertueuse disait vrai ; elle même pronostiquait son avenir.
A la fin de 1836, je quittai la Touraine, pour y revenir trois ans plus tard, me rendant à La Rochelle. J’eus le bonheur de revoir encore cette mère chérie, qui me reçut avec cet abord aimable qui lui était si familier. C’était bien toujours la même personne, toujours gaie, toujours riante, et toujours charitable. Je passai à Tours cette journée seulement, ne pouvant rester d’avantage. Dans la soirée, j’eus le plaisir si doux de disserter longuement avec elle sur des motifs concernant la société, et le lendemain, après lui avoir fait des adieux qui lui furent bien sensibles, je quittai Tours, emportant le souvenir de cette femme que j’avais tant aimée et que je ne devais plus revoir ».
(Extrait biographique de la Mère Jacob -1865- par JP Journolleau, dit Rochelais l’Enfant Chéri, Compagnon boulanger du Devoir, éditée en souvenir de la mise en place d’un monument sur sa tombe le 9 mars 1865).
Arnaud, Libourne le Décidé fut aussi témoin d’un banquet des plus particulier qu’eu lieu chez la mère Jacob, à l’Assomption 1837. Un Compagnon venant de loin et n’ayant que pour moyen de transport ses deux jambes avait fait plusieurs kilomètres en courant afin d’arriver à l’heure pour le banquet. Celui ci arriva en sueur et essoufflé, et cherchant de la fraicheur, prit l’initiative d’aller ce reposer près du puits qui était à cette époque dans la bâtisse, connut comme un endroit très frais. Les Compagnons connaissant le danger de se mettre au frais lorsque l’on est en sueur essayèrent de le raisonner et de l’empêcher de faire cela. Mais rien à faire, notre coureur a pied voulait aller près de ce puits…
Au bout de quelques minutes, une foudroyante congestion le frappa. Un médecin vint rapidement, mais il était trop tard, il était mort.
Les Compagnons boulangers ne voulant pas en rester la, prirent la décision de prendre le corps de leur frère décède, et de le placer en position assise sur une chaise a la table du banquet…
Le banquet eu lieu avec le frère décède à la table… dans le plus grand silence du à la circonstance.
A petite Maman
Moi, mourir sans revoir notre belle Touraine,
Et puis Maman Jacob, la Mère souveraine !
Oh ! Non, mille fois non, mon coeur est trop aimant,
Pour que j’oublie, ainsi, les devoirs d’un enfant.
Oui, j’ai du vous revoir, bords chéris de la Loire ;
Sans vous, sans votre amour, mon luth harmonieux
N’aurait pu m’inspirer dans mes chants radieux.
Que je regrette, encore, ce temps d’adolescence,
Où, jeune compagnon, sur le beau tour de France,
J’entendais, en tous lieux, vanter votre bonté ;
Quand votre nom chéri partout était fête.
Ce nom mille fois dit par l’amitié sincère,
Etait : Mère Jacob, du tour la bonne Mère !
Vous devîntes, des lors, pour moi, l’ange du ciel,
Ma vie, mon bonheur, mon tourment éternel.
Pour moi, qui vous aimais, comme aiment les poètes,
Ces aimables transports étaient des chants de fêtes.
Que votre nom toujours soit béni par le ciel !
O ! Vous bonne Maman, au renom immortel ;
Et que nos petits fils, en parcourant la France,
Unis par l’amitié, vivant dans l’abondance,
Chantent, dans leurs couplets, encore dans cent ans,
Alors que, très-heureux, ils vivront tous contents :
Que la Mère Jacob, cet ange tutélaire,
Etait, des compagnons, la plus aimable Mère !
Libourne le Décidé
Arbre généalogique extrait de l’ouvrage : « Des femmes en Touraine, vingt siècles d’histoires et de généalogies », édité par le Centre Généalogique de Touraine en 2000.
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.