La levure de bière est utilisée très tôt dans les contrées brassicoles, mais de manière différente dans les pays de pain de seigle, céréale qui nécessite une acidification préalable se pratiquant par une pré-pâte ensemencée avec le « sauerteig » -soit pâte acide.
Le pays qui a les plus vieilles traditions de pré-pâte levurée est la Grande-Bretagne, pays de bière, mais aussi de whisky.
Au Royaume-Uni, l’usage de pré-ferment levuré est une pratique qui a connu diverses variantes.
Et l’échange entre deux chercheurs, le Français Léon Boutroux et l’anglais William Jago à la fin du XIXème siècle, va nous apporter des détails sur ces manières de créer des ferments.
Léon Boutroux dit qu’il y a quatre méthodes usitées en Grande-Bretagne pour faire lever le pain de mie.
-/ L’ « off-hand dough », soit la méthode directe à la levure, sans pré-pâte,
-/ le « ferment and dough », soit la méthode avec pré-pâte confectionnée d’amidon de pomme de terre ensemencée de levure,
-/ la « sponge and dough », pré-pâte plus dense plus épaissie, à la levure et enfin des systèmes plus écossais, avec des pré-pâtes pouvant avoir deux types de ferments, le « virgin barm » ou la « parisian barm »
Ce « Parisian barm » soit « levure parisienne » – ou plus que probablement levain parisien, a été introduit vers l’année 1865 de Paris en Écosse, par un boulanger près d’Édimbourg .
On reprend les divers procédés de pré-pâte « typish United-Kingdom ».
D’abord le « ferment » où il s’agit de pomme de terre cuite dans l’eau.
Après la réduction en purée, on en fait, avec l’ajout d’eau, une bouillie liquide à laquelle on ajoute de la farine crue puis de la levure de brasserie ou de distillerie.
On laisse fermenter jusqu’à ce que le dégagement gazeux soit terminé .
On y ajoute parfois du sucre ou du malt.
C’est un système de mélange / starter ou l’amidon de pomme de terre sera progressivement remplacé dans le temps par l’amidon de farine crue ou cuite et qu’il faut renouveler tous les 15 jours pour conserver une vigueur.
Les pré-ferments écossais sont inoculés par des « flour barm », soit « levain de farine ».
Nous avons vu qu’il existe deux types de « flour barm », soit des « virgin barm », soit des « parisian barm ».
Le « virgin barm » traduit par « levain vierge, est produit par ensemencement spontané comme la bière belge appelée Faro », en fait, c’est la bière Lambic qui permet après dosage de divers brassins de composer des faros et/ou des gueuzes.
On y ajoute même du houblon et il prend 5 à 7 jours de préparation .
Le chercheur français Léon Boutroux avait reçu son « parisian barm » du boulanger William Beatie de Glasgow.
Il l’analyse dans les années 1890 et décrit sa microflore composée d’une « culture de levures très active associée à des bactéries ».
Il a un goût particulier, franchement acide, mais cette « saveur acide » est « d’ailleurs très différente de celle du pain aigre » .
Le « parisian barm » se fait avec les mêmes matières selon L.Boutroux, « mais au lieu d’abandonner cette sorte de bière pâteuse à la fermentation spontanée, on l’ensemence avec 4,5 à 6,8 litres de vieux levain » .
Je ne vous livre pas ici une recette ancienne, mais une autre publiée plus tard ou le levain est déjà remplacé par la levure de bière et ou l’emploi direct ne prend pas assez en compte une bonne et nécessaire maturation du ferment.
A toute fin utile, notez que W.Jago donne les recettes de J. Montgomerie de Glasgow qui ajoute du houblon avec le malt et de J. Meikle de Belfast qui travaille avec l’eau à 100°C.
On est proche du travail ou les épices s’invitent en faibles doses dans les fermentations panaires, ou des pains à la bière.
Ces procédés sont peut-être à revisiter si d’aventure, des guetteurs sont à la recherche de ferment particulier.
Je pense notamment à la manière assez méticuleuse de préparer les « flour barm » en ajoutant par ± 2 litres d’eau bouillante à la fois -soit 4 pintes- et cela une dizaine de fois afin de préparer le mout à descendre en température tout en gélifiant l’amidon pour le rendre plus digestible pour les microorganismes.
Un vécu des apports de pâte ébouillantée qui jongle sur les températures extrêmes de l’activation de la vie, devenant vite inerte avec quelques degrés en plus.
Le livre de Léon BOUTROUX Le pain et la panification est téléchargeable sur Gallica et celui de William JAGO, The technology of bread making est sur Google books