De 1811 à 1852, les Cayennes, des compagnons boulangers, sont indépendantes les unes des autres, chacune ayant son propre fonctionnement, ses propres règlements, et aussi parfois ses propres rites de réception, le tout sous la tutelle de la Cayenne-mère Blois-Fondation. L’année 1852 est celle du record en nombre de réceptions, 219 nouveaux compagnons, en 1853 ce seront 181 et en 1854, 147 nouveaux membres, soit un total de 547 nouveaux compagnons sur trois ans.
À titre de comparaison, la totalité de l’effectif des compagnons boulangers et pâtissiers au jour où j’écris ces lignes est de 350 membres environ et la moyenne des réceptions par année est de 18 compagnons.
Cette augmentation des effectifs est due en partie à l’arrêt des rixes entre compagnonnages, car la période de la réconciliation est en bonne voie. De plus, les compagnonnages sont désormais tolérés par les pouvoir publics et ne sont plus considérés comme sociétés secrètes.
Face à cette croissance importante des effectifs, il est décidé d’œuvrer à une nécessaire organisation nationale du Tour de France pour pouvoir espérer les reconnaissances des différents compagnonnages du Devoir.
À partir de 1852, des congrès se tiennent régulièrement, d’abord à Blois, puis à partir de 1900 dans différentes villes du Tour de France et même récemment à Bruxelles et à Lausanne. D’abord quinquennaux, les congrès, depuis 1968, ont lieu tous les ans.
LE PREMIER CONGRÈS, À BLOIS EN 1852
En 1852, le congrès de Blois établit le premier règlement intérieur. Le résultat de ces travaux a été mis à ma disposition par mes frères en compagnonnage de la Cayenne de l’Union Compagnonnique de Nantes que je tiens à remercier ici.
Art.1 : La société des compagnons boulangers du Devoir a été instituée pour instruire dans sa profession, en voyageant, chaque membre qui lui appartient et pour se secourir mutuellement les uns les autres.
Art. 2 : Elle laisse chaque membre qui en fait partie, libre de professer ses opinions politiques selon sa conscience. Toutefois, en dehors des Assemblées, soit chez la Mère, soit ailleurs, il ne devra jamais compromettre la société, sous les peines prévues par le règlement de Chambre.
Art. 3 : La société n’admet dans son sein que des hommes capables dans leur profession. Il faut n’avoir encore aucun jugement infamant et être connu par sa sagesse et sa vertu.
Art. 4 : Il ne sera admis que des hommes professant la religion catholique et les Protestants, soit Luthériens, soit Calvinistes. Tous autres seront refusés.
Tenue de Chambre
Art.1 : Il sera défendu à tout compagnon ou aspirant à s’occuper de politique chez la Mère (en Chambre particulièrement), sous peine d’une amende de trois francs, au profit de la caisse.
Art. 2 : La société doit se réunir au moins une fois tous les mois, pour que chaque membre puisse payer ses cotisations mensuelles. Les jours et les heures de réunions seront fixés selon les exigences des travaux dans chaque ville.
Art. 3 : Tout compagnon ou aspirant doit payer une somme annuelle de douze francs, à raison d’un franc par mois. Pour les villes qui tiennent plusieurs assemblées par mois, la cotisation mensuelle devra être répartie selon le nombre d’assemblées.
Punitions
Art. 1 : Tout compagnon qui trompera la société par de fausses dépenses, s’il dispose des fonds appartenant à la société, ou s’il est injuste dans ses comptes, sera chassé de la société.
Art. 2 : Tout compagnon qui sera reconnu avoir volé, dans n’importe quel endroit, sera chassé à vie et défense expresse lui sera faite de mettre les pieds chez aucune Mère du Tour de France. Il en sera donné connaissance au Tour de France pour être inscrite sur le livre des punitions (le même article est applicable aux aspirants).
Art.3 : Tout compagnon qui sera reconnu pour avoir soustrait du pain à son patron, de n’importe quelle matière que ce soit, et qui aurait été renvoyé pour ce motif, paiera cinq francs d’amende au profit de la caisse, et partira de la ville immédiatement. (Cet article est applicable aux aspirants).
Règlement (suite)
Art. 1 : Tout compagnon ou aspirant, qui, après trois assemblées passées, n’aura pas payé ses cotisations, sera privé de tout secours accordé par la société, soit pour cause de maladie, soit pour tout autre motif.
Art. 2 : Tout compagnon ou aspirant qui tombera malade, étant en règle, étant atteint d’une maladie vénérienne ou de toute autre maladie qui proviendrait de sa faute, n’aura droit à aucun secours accordé par la société.
Art.3 : Tout compagnon ou aspirant qui tombera malade, devra le faire savoir aux compagnons en place et donner son adresse, sans quoi les secours lui seront refusés.
Art.4 : Tout compagnon ou aspirant qui sera reconnu dans l’impossibilité de travailler pour cause de maladie et qui ne pourra pas entrer aux hôpitaux, sera visité par un compagnon chargé par la Chambre de s’assurer de la maladie. Rapport sera fait à la société d’après les dispositions du présent règlement.
Art.5 : Un malade étant à l’hôpital, sera visité au moins une fois par semaine par un des compagnons en place ou par un compagnon qui les représentera. L’argent qui lui sera donné, sera retenu sur le dû de sa maladie. Celui qui se fera soigner chez lui, ne recevra rien jusqu’à l’expiration de sa maladie. (Quant aux aspirants, les secours ne leur seront accordés qu’à l’hôpital).
Art.6 : Il sera accordé à chaque malade cinquante centimes par jour par ladite société, pourvu qu’il se trouve en règle d’après les dispositions du présent règlement.
Nous observons dans la dernière partie de ce règlement une discipline concernant les secours occasionnés par la maladie. Ce seront les premiers pas vers une ferme règlementation, pour se transformer plus tard en société de secours mutuels.
L’année 1852 est également l’année de la scission de la Cayenne de Bordeaux en deux chambres distinctes, l’une dans la continuité se nomme Compagnons Boulangers du Devoir et l’autre, composée de compagnons scissionnistes, Compagnons Boulangers du Devoir, L’Union Fraternelle.
Une décision de ce congrès en est-elle à l’origine ?
Extrait du livre « Le pain des Compagnons » L’histoires des compagnons boulangers et pâtissiers
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.