Nous connaissons tous le pétrissage à bras, à pieds et bien sûr le pétrissage mécanique ayant pour force motrice la vapeur, puis l’essence et enfin l’électricité. Mais une force motrice très peu connu, je dirai même bien souvent oubliée dans les différentes études contemporaines est celle du cheval.
Nous trouvons dans l’ouvrage Les merveilles de l’industrie, ou Description des principales industries modernes, Volume 4, par Louis Figuier, édition Furne, Jouvet et Cie., 1860, une très belle gravure représentant cette technique (page 48).
Nous observons à gauche le manège en extérieur qui entraine à l’aide d’un arbre de transmission le pétrin (Deliry) qui lui se trouve dans le fournil.
Nous trouvons dès 1818 dans Le Guide des artistes, ou Répertoire des arts et manufactures, par J. -R. Armonville, chez Bachelier libraire, quai des Augustins, référence page 286 : « Conservatoire des Arts et Métiers. Pétrin à manège qui a servi à l’École militaire. »
Dans le Bulletin de la société d’encouragement pour l’industrie nationale, 1842, volume 41, nous trouvons une description de ce type de pétrin utilisé par la marine de guerre française pour la fabrication de ses biscuits de mer :
(Pour les biscuits de mer voir :www.compagnons-boulangers-patissiers.com/crebesc/pain-de-mer/)
Rapport fait par M de Lambel au nom du Comité des arts mécaniques, sur la fabrication du biscuit en usage dans la marine française.
Pétrin : le pétrin est un bassin circulaire de 2 mètres de diamètre à sa partie supérieure, sur 60 centimètres de profondeur ; ce bassin tourne autour d’un arbre vertical implanté au centre de son noyau en bois, qui à 42 centimètres de diamètre. Le fond du bassin est supporté par quatre roulettes en fonte qui se meuvent sur un massif garni d’une bande de fer circulaire placée sous le chemin de ces roulettes. À la circonférence supérieure et extérieure du bassin se trouve une crémaillère de deux cent soixante et onze dents, qui engrené avec un pignon dont l’arbre, arme d’un volant, porte à son extrémité une poulie de 33 centimètres de diamètre ; c’est par celle-ci qu’une courroie, correspondant à une seconde poulie placée à l’extrémité de l’arbre de couche d’un manège à cheval de 3 mètres de rayon, imprime le mouvement à tout le système.
On a donné à cette seconde poulie un diamètre de 1 mètre et, d’après le système des engrenages, elle fait faire au pétrin quatre révolutions et demie par minute autour de son axe.
Extrait de Philippe ROUSSEL & Hubert CHIRON, Les pains français, Maé-Erti Editeurs, 2002
Dans le Mémoires de l’Académie nationale des sciences, inscriptions et belles-lettres de Toulouse, Volume 1 ; Volume 4, 1851, un inventeur de pétrin, M. Cardailhac présente son nouveau modèle dont la force motrice est le cheval :
« M. Cardailhac nous a fait remarquer, en outre, que son pétrin n’est, pour ainsi dire, qu’un pétrin d’essai, dont le diamètre, 0,73m pourrait aisément, d’après lui, être porté à 1 mètre, de manière à fournir un pétrin qu’au cheval, prétend-il, ferait encore marcher, sans dépasser la limite de ses forces, et qui travailleraient en une heure 300 kilos de pâte correspondant à 250 kilos de pain, ou 1000 kilos de pain en quatre heures. La commission ne croit pas pouvoir se prononcer sur cette assertion, en l’absence d’expériences directes. Elle doit dire cependant que le cheval fatigue beaucoup avec le pétrin actuel. Mais il est juste d’ajouter également qu’une grande partie de cette fatigue provient évidemment de ce que le rayon du manège est trop court par suite du manque d’espace, ce qui oblige le cheval à marcher constamment contourné. Quoi qu’il soit, que la durée de pétrissage de 1000 kilos de pain doive rester égale à 6 heures 55 minutes, comme cela a lieu avec le pétrin actuel, ou qu’elles doivent se réduire à 4 heures dans le pétrin d’un mètre, la commission ne voit pas qu’il y ait impossibilité à fabriquer en 12 heures, avec un cheval et deux hommes, a l’aide d’un pétrin mécanique, 1000 kilos d’excellent pain ; travail que M. Cardailhac assure ne pouvoir être réalisé, dans une boulangerie ordinaire qu’en 24 heures, et par deux brigades composées chacune de trois ouvriers. Nous laissons encore les boulangers jugés de cette dernière assertion ; mais, en la supposant exacte, on voit tout de suite quelle immense économie donnerait, dans les frais de fabrication, le pétrin mécanique sur lequel nous avons expérimenté. La dépense du cheval, l’usure de la machine, etc., étant évaluées en moyenne à deux francs par jour, ce qui nous parait bien suffisent, et même un peu exagère, l’économie serait juste de la moitié du temps et de la moitié des frais de main-d’œuvre, réduits, avec le pétrin à deux francs pour le cheval, trois francs pour un gouverneur et deux francs pour un garçon, ou à sept francs somment précisément égale à la dépense occasionnée par chaque brigade. »
Nous trouvons dans les Annales des arts et manufactures : ou mémoires technologiques sur les découvertes modernes concernant les arts, les manufactures, l’agriculture et le commerce, Volume 31, l’Impr. des Annales, 1809, (page 211) l’utilisation d’un pétrin mécanique, mais dans un tout autre domaine, la fabrication des briques. Pétrin destiné à pétrir la terre glaise :
M. Poidebard ajoute que la terre glaise est préparée pour cette machine par un pétrin également mécanique, mu par un manège, et d’une grande simplicité ; qu’on obtient ainsi avec une économie de plus de deux tiers du prix de façon.
Ces pétrins à terre glaise pour la fabrication des briques, antérieurs a ceux de la boulangerie, ont peut-être inspiré nos chercheurs de l’univers de la boulangerie.
Cette force motrice fut employée par l’armée française pour la fabrication du pain de munition lors de la Grande Guerre 1914 1918. Une utilisation malgré tout peu répandue, les boulangeries militaires de campagne lors de ce conflit pratiquant dans leur grande majorité le pétrissage à bras.
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, CPRFAD