Le pain en Wallonie

I n’fât nin k’taper l’pan do Bon Diu [1]

a.- Les proverbes sur le pain et leurs morales.

J’aimerais dans les lignes qui suivent, prôner le respect du pain.

Pour moi, celui-ci peut avoir valeur d’aliment réduit à l’essentiel, il permet de vivre, de marcher, de penser, de parler.

On l’oublie trop vite aujourd’hui, dans une société d’abondance

ou l’on confond faim avec appétit,

ou l’on dira sans rougir que l’on ne sait plus quoi manger,

ou l’on n’écoute plus la personne irritée, ayant connu des périodes de privations, menacer avec cette expression tenace; «C‘ést-one pitite guëre qui y’fâreut » [2]

Le respect du pain disparu, le morceau de pain jeté, c’est l’oubli de la sueur de son front.

A ce jour ou une heure de travail nous permet d’acheter trois, voire huit pains, le vieux dicton «Vos ave magnî vosse blan pan duvant l’neûr» [3] nous fait à peine réfléchir, certainement pas trembler comme sa morale le voudrait.

Pourtant, il est indéniable que le pain a joué un rôle important dans notre civilisation.

Il suffit de s’en référer aux «spots wallons» (= proverbe) pour avoir déjà, un bon aperçu de l’importance que le pain a dans notre langage dialectal du sud de la Belgique.

Nous le voyons dans le parler proverbial désigner le travail.

L’expression «gagne-pan» signifiant «salaire» résume bien la situation d’antan; quand «on z’ovrève p’onne pèce du pan» [4], on avait certes un petit salaire, mais le sort de «Ci qui s’a fé prinde lu pan foû d’l’armâre» [5] était encore moins enviable, celui-là n’était plus à «pan gagnant, pan magnant» [6], Il est vrai qu’il suffisait d’un «magneu d’pan payard» [7]ou «d’on hapeûr du tâtes à éfants [8] pour se retrouver dans une situation difficile. La victime avait ainsi «Magni s’blan pan d’van l’neur» [9]. Si l’on avait encore du pain noir, car plus d’un «magnève do l’amér pan» [10]. La solution d’ «aller à l’tchèsse â croses du pan» [11] n’était pas des plus honorables. La famille, le voisinage avait bien sûr, sur la table «on pan copé», (qui) n’a nou mèsse», [12] mais «n’aveûr ni pan, ni pèce» [13] faisait paraître le temps «long come one saméne sin pan» [14] . Il est certain que cette situation n’était pas «do pan bènit» [15], à part, peut-être, pour une personne, comme celle «qui n’sé nin coper l’pan, nu l’a nin gagnî» [16] ou encore pour ces fiancés; qui ont «èpronté on pan sol cûse» [17].

Là, nos «tchafètes» [18] ne rataient pas l’occasion de placer leurs commentaires, en disant de lui: «i nu va nin l’pan qu’i magne» [19] et qu’elle, elle aurait dû savoir que «tote parole su lèt dire èt tot pan su lét magnî» [20]. A la place de leurs parents, les commères, elles leur auraient «fé passer l’goût do pan» [21], et puis, on n’élève pas ses enfants en leur «rapwartant on mitchot [22] à chaque retour de voyage. Cela, c’est se faire la vie facile, comme si fâte du pan

on magn’reu do wastê .[23] En tout cas, elles, elles n’avaient jamais magnî du ci pan là. [24]. Et pour conclure, elles disaient malicieusement qu’elles avaient tout deviné en voyant «leûs tièsses come on pan d ‘Hollande» [25]. Ce jeune couple sans expérience risquait «du promète pus d’boûre quu d’pan à ses éfants» [26], car «à prix quu l’pan va» [27]celui-ci n’était pas donné «p’on bokèt d’pan» [28] Il leur fallait encore beaucoup d’épreuves et de courage pour arriver à ce «qu’i n’poléve pu dire do pan ». [29] Dans l’éventualité d’une maladie ou d’un accident, l’on risquait de voir les économies qu’èn-èvont come des p’tits pans.[30]

«Aveûr su pan cû» [31]était un souci paternel, bien quotidien. Lorsqu’au premier geste du matin «on drovéve one boke a z’y fé intrer on pan a côps du scordjire», [32] on savait qu’à chaque journée, il y avait du pain sur la planche, l’on connaissait bien des aventures.

Mais comme on dit : «Ci qui n ‘magne quu d’on pan, nu nin çou quu l’ôte sawêre» [33] et comme le hasard de la vie distribue malheurs et récompenses, il arrivait parfois «qu’on ravére totes ses mitches èn’on pan». [34] En espérant pour cette personne que ce soit bien avant «qu’i n’âhe pu nou pan qui li sawêre.» [35]

Même au cours d’une période où le pain venait à manquer l’on savait bien aussi cette chose essentielle: on ne vit pas que de pain [36].

Dessin de Bernadette Van Kerkom

b.- Histoire et coutumes

On a vu par le biais des proverbes wallons que: «le pain fut la base de l’alimentation, le symbole de la peine des hommes et de l’Amour divin, le pain dur à gagner, le pain que l’on partage en famille, que l’on rompt avec l’ami, le pain de l’aumône, le pain du Pater, notre brave pain de chaque jour» [37].

Dans le langage utilisé dans les «Records de coutumes»[38] , un des plus vieux documents juridiques de notre vieille principauté de Stavelot-Malmedy, le pain se confirme bien être ce symbole de la faim et du travail.

Les scribes de l’époque moyen-âgeuse employaient le mot «pan» (pain) non seulement dans son sens littéral, mais aussi dans un sens plus large, il signifiait quelquefois; gage [39] ou gratification [40]

Le «contrepan» [41] est un gage donné en contrepartie.

La durée d’une expédition militaire était délimitée ainsi: «aussi longtemps qu’un pain de 4 deniers peut les mener et ramener» [42].

Pour une compensation pour non-payement, ils utilisaient l’expression «paing satisfaitz» [43].

La famille était décrite en 1459: «Eux (habitants de Malmedy), leur famille et enfant pain

mangeant ».[44]

Vers 1150, les vivres d’un banquet de mayeur étaient amenés sur un chariot, tiré par des boeufs. Elles étaient appelés « pain de noces».[45]

Le pain était constamment présent dans le cycle annuel. Chaque fête le voyait s’endimancher.

A ces grandes occasions, la farine qui servait à le confectionner était tamisée, ainsi le pain noir devenait blanc pour participer à la fête.

Si pour étrenner l’année nouvelle, vous souhaitiez le premier la bonne année à votre voisin ou parent, vous pouviez lui dire vos m’dinroz m ‘cougnoû . [46] Le cougnoû (= coin de pain), toujours plus riche, est devenu gâteau. [47]

La «part de Dieu», c’était la part de vivres (ou de pain) réservée à l’hôte éventuel.

A l’Epiphanie, le gâteau contenait une fève et cette «part de Dieu», [48] les chanteurs venant hèyî la convoitaient certainement. [49]

Même si hèyi n’est nin briber, [50] c’était probablement ces mêmes personnes qui étaient aussi bénéficiaires des différentes donations de pains dont les archives ont laissé la trace.[51]

Le pain pouvait également recevoir des pouvoirs.

Le 17 janvier à la Saint-Antoine à Bévercé, [52] au cours de l’office, il recevait une bénédiction lui permettant de préserver les bêtes de la maladie. Peu de paysans manquaient cette messe. Ils rapportaient de ce pain, qui avait en plus la propriété de nin mouhi [53].

Puisque nous parlons de guérison grâce au pain, notons que dans un procès de sorcellerie, en 1652, le pain aurait pu sauver une victime si celle-ci avait réussi à se procurer du pain fait par la personne qui l’avait ensorcelée. L’adage étant que toute personne atteinte par une sorcière pouvait écarter le mauvais sort en mangeant du pain de celle-ci.[54]

Le pain pouvait faire le voyage jusqu’à Wanne, le premier vendredi de mai. Il y avait une grand-messe en l’honneur de saint Nonon; il y recevait une bénédiction lui accordant là aussi le pouvoir de protéger le bétail. [55]

A Saint-Hubert, le 3 novembre, il y avait du monde, et tout ce monde avait son pain à présenter à la bénédiction; il recevait ainsi le pouvoir de protéger de la rage. [56]

A Noel, chacun mettait sur l’appui extérieur d’une fenêtre, un pain ou un demi-pain, que l’on considérait comme bénit durant cette nuit-là. On en mangeait un morceau le lendemain et on en distribuait à chaque bête dans l’étable.

Le cougnou, lui, se mangeait au retour du matennes, [57] son devoir religieux bien accompli, lors d’un repas où l’on souhaitait inviter les pauvres à une table un peu plus copieusement garnie que d’accoutumée.

La joie de la fête ne serait que partielle sans cette volonté de partager son pain.

Dessin de Bernadette Van Kerkom

c.- Le rituel autour du pain à table

Ce pain, dont la consommation a diminué de moitié ces vingt dernières années, ce pain que l’on retrouve malheureusement dans les déchets ménagers.

Ce pain était un élément indispensable à la vie de nos grands-parents, nous devrions en être conscients.

Pour nous y aider, nous voudrions reconstituer la manière d’être, de vivre avec le pain, de le manipuler comme cela se pratiquait à l’époque ancienne.[58]

La religion chrétienne nous parle du Christ qui s’est fait pain pour mieux perpétuer la résurrection: la graine qui donne l’épi, l’épi qui donne la farine, la farine et l’eau qui donnent le levain, le levain qui donne le pain, autant de «mystères» que la religion a célébrés et utilisés. Dès lors, il est bien normal que toutes sortes de croyances gravitent autour du pain.

Ainsi que l’on gardait une petite partie de la récolte de grain pour semer l’année suivante, l’on gardait aussi un peu de pâte pour ensemencer la fermentation des prochains jours, c’était le levain. Il était conservé dans un plat, avec une croix imprimée en creux dans la pâte. Ce creux était rempli de gros sel pour la conservation.[59]

Sur le couvercle de la maie, lorsque la pâte levait grâce au levain, on ne pouvait rien déposer, au risque de malheur. [60]

Une fois le pain roulé, levé, cuit, ressué, souvent même rassis, on l’apportait à sa place d’honneur, la table.

Tout d’abord, il fallait sègni [61] le pain avec la pointe do grand coûtê [62] sur son côté inférieur. Alors la mère (c’était souvent elle) tenait le pain contre sa poitrine et l’èdoumève. [63]

On devait éviter d’emporter l’èdoumoure [64] hors de la maison.

C’est sous peine de malheur également qu’il fallait se garder de placer le pain à l’envers sur la table, sinon … le diable dansait dessus. [65]

Le gros morceau de pain était appelé briket d ‘pan, [66] le petit morceau lu gougnet. [67]

Le pain bien entamé, on pout côpé des tâtes tote oute do pan. [68]

La tranche de pain ne s’appelait pas toujours « tâte », [69] l’on disait aussi « one pèce

du pan ou one hiroûle du pan.» [70] Souvent «on côpéve pus d’on pan po l’amonucion dès omes». [71] Les gros mangeurs étaient connus dès leur naissance, car une grosse lèvre signifiait «gros magneûr du pan». [72]

Si par malheur, une personne ne savait pas couper le pain au couteau, qu’elle «kubwargnéve» [73] celui·ci, la mère s’énervait po raveûr lu pan dreut. [74] La jeune fille qui coupait mal le pain, n’était pas apte à se marier, contrairement à celle qui savait le cuire [75]. Une tartine coupée mince s’appelait one tâte du bèguène, [76] une autre coupée grosse et beurrée sur son plus petit côté s’appelait tâte du mârasse. [77] Lu tâte d ‘agace [78] est une tartine dont la garniture de maquée et de sirop de Liège (genre de poiré) rappelle les couleurs de la pie.

La future maman, elle, avait droit à beurrer copieusement sa première tartine de la journée. C’était fâcher les parents que de manger des légumes ou de la viande sans manger sa tartine. La jeter un crime ! «On tchantê», était une tartine de deux tranches de pains différents (souvent noir et blanc) superposées. [79] Pour manger des œufs à la coque, on faisait de petites tranches étroites et longues que la botaniste Marie-Anne Libert appelait «apprête». [80]

Au bout du pain revient lu crosse, [81] qu’il arrive que l’on se dispute.

C’est en tout cas un morceau de choix pour «faire» les dents du bébé. Tout ce découpage donne des rondjorres du pan [82] que la bonne règle (celle qui commande de ne pas jeter du pain) faisait ramasser soigneusement.

Mais la meilleure tartine est certainement celle que le père rapportait du travail et que l’on donnait aux enfants en disant c’est do pan d ‘coucou [83] c’est lu qui m ‘a d ‘né ses tâtes.

Le signe de croix qui, en terminant la prière dite autour de la table, donnait le signal que l’on pouvait manger, disparaît également. Si la morale de nos spots, la ferveur dans le pain bénit, le respect du pain gagné à la sueur de son front, sont tant soit peu redécouverts par ces quelques lignes, votre prochain repas où le pain sera sur la table, y gagnera peut-être en chaleur de vie.

Dessin de Christine Gillet.

 

  1. Traduction littérale : Il ne faut pas gaspiller le pain du Bon Dieu. Traduction du sens proverbial : Le morceau de pain que tu jettes manque peut-être à quelqu’un.
  2. Traduction littérale : C’est une petite guerre qu’il vous faudrait. Traduction du sens proverbial : Vous devriez connaître des privations.
  3. Traduction littérale : Vous avez mangé votre pain blanc avant le noir. Traduction du sens proverbial : Vous avez connu votre bonne période avant la mauvaise.
  4. Traduction littérale : Travailler pour une pièce (portion) de pain. Traduction du sens proverbial : Travailler pour un petit salaire.
  5. Traduction littérale : Celui qui s’est fait prendre le pain hors de l’armoire. Traduction du sens proverbial : Perdre son moyen de subsistance par la faute d’un autre.
  6. Traduction littérale : Pain gagné, pain mangé. Traduction du sens proverbial : Le travail apporte la nourriture.
  7. Traduction littérale : Un mangeur de pain –payard-. Traduction du sens proverbial : Vaurien.Il faut dire Bayard et non Payard comme le dit notre wallon. Bayard est un lieu de Vivegnis-faubourg de Liège- où il y avait jadis une maison de correction.
  8. Traduction littérale : Voleur les tartines des enfants. Traduction du sens proverbial : Celui qui profite de sa force pour s’en prendre aux faibles.
  9. Déjà traduit à la note 3
  10. Traduction littérale : Manger du pain amer. Traduction du sens proverbial : Connaître une période difficile.
  11. Traduction littérale : Aller à la chasse aux croûtes de pain. Traduction du sens proverbial : Mendier.
  12. Traduction littérale : Un pain coupé, n’a pas de maître. Traduction du sens proverbial : Se dit lorsqu’à table, on prend le pain d’un autre.
  13. Traduction littérale : N’avoir ni pain, ni pièce –portion de pain-. Traduction du sens proverbial : Etre affamé.
  14. Traduction littérale : Long, comme une semaine sans pain. Traduction du sens proverbial : Excessivement long. En français, on trouve le proverbe «Long come un jour sans pain».
  15. Traduction littérale : C’est du pain bénit. Traduction du sens proverbial : Ce dit lorsqu’un malheur ou un bonheur arrive à quelqu’un qui le mérite.
  16. Traduction littérale : Celui ou Celle qui ne sait pas couper le pain, ne l’a pas gagné. Traduction du sens proverbial : Celui ou Celle qui ne sait pas travailler, n’a pas droit aux moyens de subsistance.
  17. Traduction littérale : Emprunter un pain sur la cuisson. Traduction du sens proverbial : Consommer le mariage avant les noces. Expression en usage en région liégeoise.
  18. Tchafètes signifie personne (souvent âgée) pratiquant le commérage.
  19. Traduction littérale : Il ne vaut pas le pain qu’il mange. Traduction du sens proverbial : Il ne mérite pas le pain qui le nourri.
  20. Traduction littérale : Toute parole se laisse dire et tout pain se laisse manger. Traduction du sens proverbial : On peut dire n’importe quoi, on peut manger n’importe quoi.
  21. Traduction littérale : Faire passer le goût du pain. Traduction du sens proverbial : Faire une forte remontrance.
  22. Traduction littérale : Rapporter une miche. Traduction du sens proverbial : Ramener une douceur ou autre cadeau, par exemple dans ce montage, après un retour de voyage ou longue absence.
  23. Traduction littérale : Faute de pain, on mangerait du gâteau. Traduction du sens proverbial : Remplacer une valeur commune par une valeur plus grande
  24. Traduction littérale : Ne jamais manger de ce pain là. Traduction du sens proverbial : Ne pas tremper dans ce genre d’affaires.
  25. Traduction littérale : Avoir une tête, comme un pain de Hollande. Traduction du sens proverbial : Avoir le teint de la peau, blafard, pâle. Allusion au pain blanc américain envoyé comme pain de ravitaillement transitant par la Hollande et ses ports pendant la guerre 1914-19I8. Le pain blanc de Hollande est mentionné dans La vie quotidienne à Stavelot pendant la guerre 1914-1916, (Michel VANDERSCHAEGHE, Stavelot, 1982), La mention «pain fort blanc», lui vient probablement du fait qu’il est un des premiers à être fabriqué avec des farines moulues sur cylindres, procédé en vogue aux Etats-Unis avant chez nous, et qui donne une farine plus fine et plus blanche que la mouture sur meule. Cette dernière garde toujours en son sein une pigmentation de sons broyés intimement avec l’albumen amylacé. Annie MERLIN & A.-J. BEAUJOUR, Les mangeurs de Rouergue, éd. Duculot, 1978, apportent le témoignage d’un vieux meunier «J’ai fermé le moulin à cause des minoteries. A ce moment là, le pain n’était pas blanc, il était gris et les gens n’en ont plus voulu». Pour revenir à ce pain de Hollande cité à Stavelot pendant la guerre 14-18, ce pain pouvait être acheté en plus de la portion normale de pain complet variant de 200 à 350 grammes par jour et par personne. La première livraison se fit le 10 juillet 1915. Il pesait 2 kgs. et était vendu tous les jeudis. Une famille avait droit à un pain jusqu’à 5 personnes, à deux au-delà. Le 27 avril 1916, ce pain devint plus noir pour redevenir blanc le 6 juillet de la même année. Peu après, le 19 août, l’arrivage de ces pains fut suspendu et ce, jusqu’en octobre. La rareté des aliments entrainera la consommation du rutabaga fort peu connu jusqu’alors. Au début de 1917, les pains de Hollande n’arrivent plus qu’une fois par mois et étaient de qualité plus médiocre. Après mars, il faudra attendre le 7 août pour en revoir. En septembre 1917, -dernière mention de ces pains-, ils ne pesaient plus qu’un kilo, les aliments devenaient rares et chers, il était temps que la guerre finisse.
  26. Traduction littérale : Promettre plus de beurre que de pain à ses enfants. Traduction du sens proverbial : Promettre ce que l’on ne peut pas tenir. Une variante du plateau herbager de Herve (entre Liège et Verviers) «promète pus du boure quu d’fromadje», soit promettre plus de beurre que de fromage.
  27. Traduction littérale : Au prix que le pain va. Traduction du sens proverbial : La vie est de plus en plus coûteuse.
  28. Traduction littérale : Donner pour un morceau de pain. Traduction du sens proverbial : Donner comme chose de peu de valeur.
  29. Traduction littérale : Il ne peut plus dire –du pain-. Traduction du sens proverbial : Il est rassasié.
  30. Traduction littérale : Cela s’en va comme des petits-pains. Traduction du sens proverbial : Cela part -se vend- à toute vitesse.
  31. Traduction littérale : Avoir son pain cuit. Traduction du sens proverbial : Etre assuré de sa subsistance.
  32. Traduction littérale : Ouvrir une bouche à y faire entrer un pain à coup de fouet. Traduction du sens proverbial : Ouvrir une grande bouche, par exemple dans ce montage bailler le matin en ouvrant grand la bouche.
  33. Traduction littérale : Celui qui ne mange que d’un pain, ne sait pas ce que l’autre goûte. Traduction du sens proverbial : On ne peut faire fi de ce que l’on ignore.
  34. Traduction littérale : Ravoir toutes ces miches-portions individuelle sous forme de pistoltes- en un pain. Traduction du sens proverbial : Compenser. Rattraper une erreur.
  35. Traduction littérale : Il n’y a plus aucun pain qui lui goûte. Traduction du sens proverbial : Sa santé penche du mauvais côté. Il va mourir.
  36. C’est du «Dictionnaire des Spots ou Proverbes wallons» de Jean DEJARDIN (Société Liégeoise de Littérature Wallonne – 1863) qu’est repris ce type de double traduction (littérale et sens) et d’où est souvent copier le sens recherché par le dicton.Pour tenter d’être complet, je citerais encore certains proverbes wallons dont la mention est soit oubliée ou non récoltée, soit non usitée dans la région de Malmedy. «Magnî s’pan a l’foumir do rosti» -Manger son pain à la fumée du rôti (être témoin d’un divertissement sans y avoir part). «C’èst do bon sètche pan», -c’est du pain bien sec -(variante de «c’est do l’I’amér pan » vu à la note 10. «I n’a nin magnÎ s’pan duvin on sètche.», – Il n’a pas mangé son pain dans un sac- (c’est un homme bien élevé). «Cu n’èst nin les bèllès mains qui mèttèt l’ pan o l’ârmâr», -Ce n’est pas les belles mains qui mettent le pain dans l’armoire-, (Ce n’est pas les belles manières qui subviennent à l’entretien du ménage). «D’so Ernest, on vikéve come dès biesses, D’sos Maximilien, come des tchins, D’sos Ferdinand, on magnév’ co s’pan», -Sous le règne d’Ernest, on vivait comme des bêtes, sous Maximilien, comme des chiens, sous Ferdimand, on avaient encore son pain-, (allusion aux princes de Bavière, dirigeants de la principauté de Liège, fin XVIème -début XVIIème siècle). «Aller r’qwèri ses mitches », -Aller rechercher ses miches-, (se dit d’ un jeune homme lorsqu’une femme qu’ il a recherché va en épouser un autre).Sur les «spots» utilisés dans la région malmédienne on peut lire avec intérêt les «Armonac Wallon dol Samène de 1885 et 1886, qui me permettent d’ajouter deux proverbes régionaux non inclus dans le montage, «su loukî po dès mitches», – se regarder pour des miches-, (se regarder en chien de faïence) et «c’èst l’prix fè, come lu pan do boldjî», -C’est le prix fait, comme le pain du boulanger- (C’est le prix à ne pas discuter, à prendre ou à laisser).
  37. Lo pan tendre. Talelhon. Collection del Grelh Roergas – Imprimerie Carrère, Rodez, 1976.
  38. Le Records de Coutume est un document ancien, pratiquement un des premiers écrits des lois (avec devoirs et droits), jugement et coutumes afin de définir les divers pouvoirs au sein de la principauté, Arsène DE NOUE, Le grand Records de la Haute Cour de Malmedy de l’an 1459, édité à Bruxelles en1873, p.13 et 17.
  39. PONCELET-YANS-HANSOTTE, Les Records des coutumes du Pays de Stavelot, 1958, page 127 (cité en 1.512); page 333, «Les paings gaigez» (cité en 1.550).
  40. Idem, page 65, cité en 1.459.
  41. Idem, page 140, cité en 1.505.
  42. Idem, page 102, cité à Xhignesse en 1469. Page 230, cité à My en 1425. Page 268, cité à Ozo en 1431. Page 280, cité à Rahier en 1367.
  43. Idem, page 146, cité en 1538.
  44. Idem, page 208. Le Dictionnaire de l’ancienne langue française de GODEFROY, p.368 donne également ces expressions ; «estre au pain» et «hors du pain». L’abbé François TOUSSAINT dans L’émancipation au XVIème siècle, publié dans la revue Folklore Eupen-Malmedy-Saint Vith, tome III, n°2 de 1924, pp.104 à 106, écrit que pour signifier l’émancipation, on dit que l’enfant «n’est plus au pain du père», ou on dit encore «qu’il est à son pain, son drap et son feu», c’est-à-dire ; nourri, vêtu et logé.
  45. Abbé Joseph BASTlN, Wibald, Abbé de Stavelot et Malmedy, du Mont-Cassin et de Corbie,1931, page 18.
  46. Trad. : «Vous me donnerez mon cougnou» expression reprise de l’abbé François TOUSSAINT, Dictionnaire Wallon d’Ovifat, Waimes, 1952, inédit, p.153.
  47. L’étymologie du mot «cougnou» donnée par Charles GRANDGAGNAGE dans son Dictionnaire étymologique de la langue wallonne, 1845, 1850 et 1880 est le latin «cuneus ou cuneolus», soit coin ou petit coin. Il faut dire qu’autrefois le poids du pain était de 7 voir 9 livres, soit ± 3,5 à 4,5 kgs , on ne peut pas couper des tranches au travers de telle surface. Alors on le débite en coin, ce qui donnait une espèce de forme de losanges aux bouts coniques avec des angles, le cougnou d’origine. Les voisins germanophones réalisent dans cette période de Noël-Nouvel An, les «wekes», expression qui provient de coin «Ecke». On retrouve au XVème siècle, dans Les Records des coutumes du Pays de Stavelot, des redevances aux dirigeants qui se faisaient sous forme de grains, pains, œufs, fromages, poules et autres aliments. L’expression cougnou y est souvent employée pour pain et pas seulement à la Noël, toute l’année. Les redevances se faisaient à dates fixes ; Noël et Pâques étant notamment des dates fixées pour ces «taxes» d’alors. Les œufs sont plutôt pour Pâques du fait que lors du carême, on n’en mangeait pas et qu’à la fin de celui-ci, on en avait des réserves assez que pour payer ses redevances. Le grain qui se garde bien pendant l’hiver fit que la redevance en pain était plus facile à payer à Noël. On retrouve dans, Les Records des coutumes du Pays de Stavelot le payement de «cougnou» entre les deux messes, celles des matines (de minuit) et du matin. Le pain de ces temps était déjà un plat à côté par exemple des bouillies d’avoine. De plus lorsque le pain était blanc, c’était son habit de fête par rapport au pain noir. Un proverbe wallon est explicite à ce niveau «A l’ Sint Toumas, houzardeye souck t’a èt boû tès draps», soit «A la Saint Thomas, (le 21 décembre), tamise ce que tu as (de farine) et lessive tes draps», Jean LEFEVRE, Traditions de Wallonie, éd. Marabout, 1977,p.156 &157. Ainsi on s’apprêtait pour la fête après les plus légères privations du carême de l’Avent (4 semaines avant Noël), Le meunier avait dès lors beaucoup de travail à cette période surtout que la croyance populaire accentuait cet opinion en allant jusqu’à dire que le grain moulu à cette période donnait plus de farine. Le «cougnou» deviendra pain de fête et va évoluer du losange original à des formes plus arrondies à ces extrémités. On placera même en garniture au milieu une pièce (représentant la monnaie que l’on donne en étrennes) et qui débaptisera le «cougnou» en coquilles (nom de la pièce réalisée en terre blanche cuite et peinte) dans certaines régions. Beurre, œufs, sucre, raisins secs, fruits confits, sucres perlé ou en grains s’ajouteront au fil du temps dès le moment où on peut se le permettre et transformerons encore plus le « cougnou» en gâteau.
  48. La mention «Part de Dieu» a été recueillie dans une chanson pour l’Epiphanie en Orléanais (Salut à la Compagnie, disque vinyle «Almanach» du groupe Malicorne). Cette part de Dieu est connue également en Flandres pour l’Epiphanie (W. PLAETINCK, Le Rayonnement du pain, Ed. Lannoo, 1980, p. 114).
  49. La Lyre Malmédienne, recueil de chansons traditionnelles, éditée par le Club Wallon de Malmedy, 1966, mentionne qu’autrefois c’étaient les adultes qui allaient hèler, quémander (p. 73, note d’Olivier Lebierre).
  50. «Quêter (faire la quête) n’est pas mendier», parole extraite de la chanson «Heyes des Rwas», air traditionnel malmédien, voir la susdite Lyre malmédienne.
  51. Parmi les donations les plus anciennes dans la Principauté de Stavelot, la plus connue est celle des Pains de Saint Popon, (A. de Noue, Etudes historiques sur l’ancien pays de Stavelot-Malmedy, Liège, 1848, page 186). D’autres exemples existent: les miches de Gaspard Poncin (Idem, p. 361). D’autres circonstances donnaient parfois lieu à des distributions de pains: un vœu émis Ion d’un décès (W. PLAETINCK, Le Rayonnement du pain, Ed. Lannoo, 1980, p. 111), des actions caritatives (G.SCHUIND, Une principauté Ecclésiastique, Stavelot, p.91), des sociétés de bienfaisance, lors de l’installation d’un nouveau prête (l’hebdo L’organe de Vielsalm du 03.01.1892).
  52. La même messe existe à Pepinster (Verviers) Armonac Wallon do l’Samène, 1882, p.5 et à Remouchamps, hebdo, Le Ligueur du 08-10-1982.
  53. Trad. : «Ne pas moisir»
  54. J.YERNAUX, Histoire du Comté de Logne, p.105
  55. Témoignage de Pierre ANDRE de Logbiermé. Sur les bénédictions d’aliments, les Armonac wallon do l’ Samène signalent des bénédictions de beurre à la Sint Biètmé, soit Saint Barthélémy, le 24 août, pour se prémunir de toutes sortes de maux (Armonac wallon do l’ Samène, 1883), le 8 octobre à Langerath, on bénit du beurre en l’honneur de Sainte Brigitte(Armonac wallon do l’ Samène, 1884), le 30 avril, aux rogations, on bénit les groseilles,( Armonac wallon do l’ Samène 1883), le 17 mars, à la Sainte Gertrude, on bénit l’avoine que les paysans mélangent avec celle qu’ils vont semer, afin que les souris ne la mangent plus (Armonac wallon do l’ Samène,1884).
  56. La bénédiction de Saint-Hubert contre la rage se pratiquait (sans les pains) à Xhoffraix. A Theux, on bénissait également les pains, les chevaux, voire les personnes contre la rage. Actuellement (1982) à Verviers, la coutume se poursuit le jour de la Saint-Hubert ; grand rassemblement des chevaux et animaux domestiques.
  57. Soit Matines. Aller à matennes soit, assister à la messe de minuit.
  58. La principale source dialectale des expressions qui suivront est le Dictionnaire Wallon-François de F.A.VILLERS (1793) édité par le Club Wallon de Malmedy en plus des témoignages régionaux rassemblés à Xhoffraix, Malmedy et Hédomont. Une autre source est le splendide poème wallon d’Henri SIMON, Lu pan do bon Diu.
  59. Théophile DELOGNE, L’Ardenne Méridionale belge, 1914, p.171.
  60. A. JACOBY, L’Ardenne au bon vieux temps, 1976, p.34.
  61. Soit ; faire le signe de croix
  62. Grand couteau dit aussi Coutê d’pan
  63. Soit ; l’entamait
  64. Soit ; l’entame. A. JACOBY, L’Ardenne au bon vieux temps, 1976, p.84. Louis BANNEUX dans L’Ardenne superstitieuse, Bruxelles, 1930, signale à Ferrières, Lierneux et Lorcé, que le jeune qui entamait un pain devait attendre 7 ans avant de se marier.
  65. Témoignages et Louis BANNEUX dans L’Ardenne superstitieuse, p.85 a recueilli des témoignages à Hockai, Polleur, Sart, Stavelot et Ster ainsi qu’A. JACOBY, L’Ardenne au bon vieux temps, p. 34.
  66. F.A.VILLERS dans son Dictionnaire Wallon-François de 1793 dit aussi «brikso», l’abbé François TOUSSAINT, Dictionnaire Wallon d’Ovifat, signale «chnikète», ainsi que l’abbé Joseph BASTIN dans son Vocabulaire de Faymonville, Liège, 1909 ; soit petite tranche dérivé de l’allemand «Schnittchen».
  67. F.A.VILLERS en 1793 donne aussi «gougnet» soit gros morceau de pain, quignon. Jean HAUST, Vocabulaire du dialecte de Stavelot dans le bulletin de la Société Liégeoise de Littérature Wallonne, 1903, donne également «gougnet». Terme repris dans un nouvelle wallonne à Malmedy, par Pol VILLERS, Lu spîre do l’Cinse, soit Le fantôme de la ferme fin XIXème siècle, «I clawe des cougnets d’pan», soit il cloue des morceaux de pain.
  68. Expression reprise d’un poème wallon d’Henri JACOB dans la revue littéraire du Club wallon de Malmedy, «Lu vî sprawe» n°2, de 1927.
  69. Soit ; Tartines.
  70. Soit ; Une pièce ou une bande de pain.
  71. Soit ; On coupait plus d’un pain pour les provisions de bouche des hommes.
  72. Soit ; Gros mangeur de pain.
  73. On emploie également «kwercî l’pan» (le taillader), «marcâsser l’pan», (le massacrer), pour dire que la taille du pain n’est plus droite.
  74. Soit ; Ravoir le pain droit.
  75. Témoignages et L.BANNEUX, L’Ardenne superstitieuse, p. 63.
  76. Soit ;Tartine de béguines. Entendu également ; «tâte du malâde ou du Lîdje », Tartine de malade ou de Liège.
  77. Soit ; Tartine de marâtre. Egalement entendu, «tâte à deûs hagnas», tartine pour deux bouches.
  78. Soit ; Tartine de pie.
  79. Le petit repas de 4 heures « lès qwâtes eûres » s’appellait, « magner l’tchanté » dans le Vocabulaire de Faymonville, p .595 ou p.63 du tiré à part.
  80. Extrait du bulletin du Cercle Marie-Anne Libert, 1963, n°3, p.37.
  81. Soit ; La croûte. F.A.VILLERS, Dictionnaire Wallon-François de 1793 donne «crostai», Entendu à Xhoffraix «croestê». La consommation de la croûte aide les enfants à, grandir, il fallait en manger disaient les parents.
  82. Soit ; Rognures de pain, miettes de pain. F.A.VILLERS Dictionnaire Wallon-François de 1793 écrit «ronjeorres»
  83. Sur le pain de coucou, voir Les Enquêtes du Mussée de la Vie Wallonne, tome V, pp 253 à 255 et 318 à 320. La région liégeoise dit «pan ou tâtes du r’na » (de renard), «pan d’ouhê» (d’oiseau) à Jalhay, «pwin d’agace» (de pie) dans le Namurois, on trouve également les expressions: «pé d’carbô». (de corbeau) et pain de lièvre.
  • La recherche entreprise ici est principalement régionale. Chaque fois que le cadre de la Wallonie malmédienne sera dépassé, ce sera signalé. Le titre est un proverbe wallon. Tous les expressions en dialecte seront traduite en notes et lorsqu’il s’agit de parler à portée proverbiale, les traductions d’abord littérale puis du sens seront donné en notes.

Extrait de la revue d’histoire locale ; Folklore Stavelot-Malmedy-Saint Vith, tome XLVI de 1982

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