Le musée de Tours

LE MUSÉE DU COMPAGNONNAGE DE TOURS

< Roger Lecotté, fondateur du musée du Compagnonnage de Tours, lors d’un banquet compagnonnique (vers 1970).

Étant donné que l’Histoire n’a rien de mieux que ses propres acteurs pour nous la conter, laissons Laurent Bastard nous présenter le musée du Compagnonnage de Tours dont il fut le directeur du 1er novembre 1993 au 31 juillet 2018 (À retrouver sur le site du musée du Compagnonnage de Tours) :

« Le musée du Compagnonnage a ouvert ses portes en 1968, le jour de Pâques. On le doit à la persévérance de Roger Lecotté (1899-1991), conservateur à la Bibliothèque Nationale, spécialiste du folklore et du Compagnonnage. A partir de 1951, il s’est efforcé de convaincre les mouvements compagnonniques de la nécessité de préserver leur patrimoine et de l’exposer au grand public.

La ville de Tours paraissait la mieux placée pour accueillir ce musée compte tenu de l’existence d’un musée antérieur. Au terme de longues discussions, l’Association ouvrière des compagnons du Devoir, la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment, l’Union compagnonnique et l’Alliance compagnonnique tourangelle ont déposé leurs plus beaux chefs-d’œuvre, tableaux, documents, cannes et autres objets dans l’ancien dortoir de l’abbaye Saint-Julien.

La ville de Tours, dont le maire était à l’époque Jean Royer, accepta de se charger de l’entretien des locaux et du personnel. Ce musée municipal est aujourd’hui labellisé « musée de France ». Chaque année, il accueille environ 50 000 visiteurs.

L’actuel musée du Compagnonnage est en quelque sorte le prolongement d’un premier musée dénommé « musée compagnonnique », qui fut inauguré en septembre 1911. La ville de Tours comptait beaucoup de compagnons au début du XXe siècle et ils s’étaient regroupés en une « Alliance compagnonnique » pour pouvoir parler d’une seule voix aux pouvoirs publics. Cette Alliance avait mis en place des cours professionnels destinés aux apprentis, et ils étaient organisés par une « Société protectrice des apprentis ». En même temps, elle avait pris conscience qu’il fallait exposer au public les chefs-d’œuvre de ses différentes corporations. Le but était de montrer que le Compagnonnage était toujours bien vivant, malgré les critiques dont il était l’objet, notamment de la part des syndicats ouvriers.

Fête compagnonnique du 24 septembre 1911;
les compagnons boulangers avec la bannière de Paris
et le drapeau de Tours en tête.

Le 24 septembre 1911, lors d’un rassemblement grandiose de compagnons venus de la France entière, la Société protectrice des apprentis était inaugurée. Son siège était situé au café-restaurant Breton, tenu par le compagnon tonnelier Legeay et ses cours étaient dispensés dans des locaux municipaux, rue Littré. Le même jour avait lieu l’inauguration du musée compagnonnique.

Il était aménagé dans le musée des Beaux-Arts, alors situé place Anatole-France. Les chefs-d’œuvre et souvenirs des compagnons du Fête compagnonnique du 24 septembre 1911, les compagnons boulangers et leurs Mères.

Fête compagnonnique du 24 septembre 1911,
les compagnons boulangers et leurs Mères

En 1922, le musée des Beaux-Arts de Tours est réaménagé dans l’ancien palais des archevêques, près de la cathédrale. Le musée compagnonnique y est en même temps transféré. Il y restera jusque dans les années 1950, visité surtout par les compagnons et leur famille.

Après 1945, le paysage compagnonnique national se recompose et les tensions d’autrefois réapparaissent. Désormais, les diverses sociétés du Devoir et du Devoir de Liberté intègrent deux grands mouvements, l’Association ouvrière des compagnons du Devoir et la Fédération compagnonnique des métiers du bâtiment. L’Union compagnonnique, pour sa part, demeure fidèle à ses origines.

L’Association (fondée en 1941) et la Fédération (fondée en 1952), connaissent des relations tendues. Peu à peu, les chefs-d’œuvre et autres objets, placés en dépôt au musée compagnonnique, sont repris par les associations propriétaires qui aménagent leurs nouveaux locaux. Parallèlement à ces événements tourangeaux, en 1951, Roger Lecotté et Georges-Henri Rivière organisent à Paris, au musée national des Arts et Traditions populaires, une grande exposition sur le Compagnonnage.

Des pièces exceptionnelles sont exposées. Lorsque, quelques mois plus tard, il faut restituer les objets aux prêteurs privés ou associatifs, aux particuliers comme aux musées, Roger Lecotté lance l’idée d’une exposition permanente, d’un musée du Compagnonnage d’ampleur nationale.

Il suggère de s’appuyer sur le musée de l’Alliance compagnonnique de Tours. Il lui faudra dix-sept ans pour convaincre les élus tourangeaux autant que les trois associations compagnonniques et l’Alliance, de faire œuvre commune.

Réunir l’Association ouvrière et la Fédération compagnonnique était difficile dans les années 1960. Y associer l’Union compagnonnique l’était tout autant. Pourtant, en 1967, une convention de dépôt des œuvres est signée avec la ville de Tours et il est institué un comité consultatif composé d’élus et de représentants des compagnonnages.

Lors de l’inauguration, l’arrivée des autorités dans la cours du cellier Saint-Julien ;
En imperméable clair , Jean Royer, maire de Tours ;
Arch. musée du Compagnonnage, Tours.

Le musée du Compagnonnage est aménagé dans l’ancien dortoir des moines de l’abbaye bénédictine de Saint-Julien. On y accède alors par la cour et non par la rue Nationale. Le musée est inauguré à Pâques, en 1968 et il ferme ses portes le 11 novembre suivant.

Roger Lecotté et Jean Royer inaugurent le musée du Compagnonnage en 1968. Il en sera ainsi durant quelques années, avant que l’aménagement du chauffage permette une ouverture continue au public.

Des travaux seront rapidement engagés pour permettre un accès par la rue Nationale, grâce à une passerelle, puis une aile est accolée au seul mur roman qui subsistait de l’hospitalité (accueil) du monastère. Elle est ornée des vitraux des trois fondateurs du Compagnonnage, œuvres du compagnon vitrier Pierre Petit, et inaugurée en 1975.

Lors de l’inauguration, la présentation du musée à Jean Royer, maire de Tours
(veste claire), par son créateur, Roger Lecotté au premier plan ;
Arch. musée du compagnonnage, Tours.

Le succès du musée est immédiat. Dès la première année, 5 800 visiteurs découvrent le compagnonnage sous ses différents aspects. Sa fréquentation culminera en 1985 pour atteindre 65 000 visiteurs, avant de se stabiliser depuis une dizaine d’années aux environs de 50 000 personnes.

Roger Lecotté avait accepté la charge de conservateur de ce musée alors qu’il venait de prendre sa retraite de la Bibliothèque Nationale, où il était responsable du fonds maçonnique. Travaillant désormais à titre quasi bénévole, il accueillera durant vingt-trois ans d’innombrables visiteurs, historiens, chercheurs et diverses personnalités politiques, littéraires ou artistiques. Il s’efforcera d’enrichir les collections du musée en incitant les possesseurs de souvenirs compagnonniques à les y donner ou les placer en dépôt, sauvant ainsi de l’oubli des pièces inestimables.

Il décédera en 1991. Deux ans plus tard, Laurent Bastard reprendra la direction du musée en poursuivant l’enrichissement des collections. Des activités seront mises en place pour l’accueil des jeunes publics : Ateliers pédagogiques, jeux et animations durant les vacances scolaires. Des démonstrations de savoir-faire par les compagnons ponctueront la vie du musée. »

Laurent Bastard nous dit : Réunir l’Association ouvrière et la Fédération compagnonnique était difficile dans les années 1960. Y associer l’Union compagnonnique l’était tout autant…
En effet, nous pouvons lire dans le rapport du congrès des compagnons boulangers et pâtissiers du Devoir de 1968, à propos du dépôt de chefs-d’œuvre et d’archives des corps d’état composant l’A.O.C.D.D. :

… Là encore, opposition de Jean Bernard, les motifs invoqués ont leur valeur, nous n’avons pas à en discuter ici, mais que l’on veuille ou non, ce musée existe. Il était donc inconcevable que nous n’y soyons pas présents, la Cayenne de Tours considérant que les archives dont elle a la garde ne lui appartenaient pas à elle seule, mais à tout notre corps d’état, nous demanda si elle pouvait prêter ce qui lui était demandé. Nous avons donné notre accord. Il fut également demandé à la Cayenne de Paris de prêter quelques pièces d’archives et entre autres le certificat de Bavarois Beau Désir. Nous n’avons pas trouvé à propos de fournir l’original de ce dernier, mais nous avons fourni une photocopie, ainsi que de notre constitution de 1860. De cette façon notre corps d’état est représenté à ce musée par deux pièces qui sont parmi les plus importantes du compagnonnage…

Le rapport de la cayenne de Tours à ce même congrès au sujet de l’inauguration :

À cette occasion, nous avons renoué des contacts avec les autres groupements compagnonniques (Fédération compagnonnique et Union compagnonnique), et je tiens à vous dire que seuls de l’Association ouvrière, assistèrent au repas fraternel de l’inauguration de ce musée, les boulangers…

L’inauguration du musée du Compagnonnage de Tours le 31 mars 1968

Le compagnon boulanger Alain Boucherès, Agenais la Tolérance nous relate l’événement :

« J’arrivai à Tours en mai 1967, le P.E.V. était Tourangeau l’Enfant Chéri, le S.E.V. Poitevin le Courageux et le trésorier Tourangeau le Dévoué. Les réunions se déroulaient en début de chaque mois à l’Alliance, à l’endroit même où se trouve notre Cayenne de nos jours. Hormis les affaires courantes, il était un sujet constant qui revenait sans cesse : L’inauguration du musée du Compagnonnage qui devait avoir lieu fin mars 1968, seul Poitevin suivait ce projet avec constance et perspicacité, il faut dire qu’il était connu de tous les compagnons des trois familles compagnonniques et très apprécié car il était un homme sérieux, intelligent et avait fait du compagnonnage sa religion.

La question qui préoccupait les compagnons boulangers-pâtissiers mais aussi toutes les corporations de l’A.O. : Qu’allons-nous prêter comme lithographies, comme documents, comme souvenirs, comme attributs… Faut-il le faire, ne pas le faire… Les éternels sujets revenaient à chaque réunion durant toutes les réunions de l’hiver 1967/68. Poitevin le Courageux était obstiné et farouchement pour un prêt des éléments cités plus haut. Le P.E.V. n’y voyait aucun inconvénient, tous les autres Pays suivaient sans dire un mot. Un mois avant l’inauguration, les jeunes du siège au cours d’une réunion communautaire furent sollicités afin de prêter main-forte afin que le musée soit fin prêt pour le jour J. Seuls les aspirants boulangers répondirent à l’appel qui sont : Les Pays Chopin, Charrier, Boutin et moi-même.

Monsieur Roger Lecotté était un homme distant, très attentif aux moindres détails, il aimait le compagnonnage, mais n’accordait son amical respect qu’à ceux dont il avait confiance. Il ne supportait pas l’inexactitude et une parole était sacrée pour lui, l’on n’avait pas à y revenir !

< En tête, le rouleur revêtu de ses Couleurs au chapeau, puis donnant des consignes de la main, Émilien Cotet, Poitevin le Courageux, Second en ville de la cayenne de Tours ; Jean Pebayle, Bordelais l’Enfant Chéri, Premier en ville de la cayenne de Bordeaux ; Arch. musée du Compagnonnage, Tours.

Les huit jours précédant l’inauguration furent pour lui un véritable enfer, un désordre indescriptible régnait dans ce qui était appelé à être un musée ! Les corporations livraient leurs chefs-d’œuvre, le clou était les compagnons charpentiers de la Fédération qui amenaient leurs gigantesques pièces toutes empoussiérées sans savoir qu’il fallait les nettoyer, il était vert de rage et poussa une sacrée gueulante, un ou deux bois debout entreprirent de lui répondre encore plus bruyamment ! Il préféra quitter les lieux … Le lendemain, c’était un problème de vitrine promise qui n’arrivait pas !

Ces colères étaient quotidiennes, mais les raisons en étaient parfaitement justifiées, beaucoup de compagnons étaient de mauvaise foi, beaucoup tenaient des propos insensés, d’autres critiquaient tout et n’importe quoi, et surtout l’A.O. et Jean Bernard, la Fidélité d’Argenteuil, en particulier, bref une étrange atmosphère y régnait jusqu’au jour de l’inauguration !

La tête du cortège traversant le carrefour face à l’église Saint-Julien ; deux compagnons boulangers du Devoir revêtus de leurs écharpes d’honneur, à gauche Jean Pebayle, Bordelais l’Enfant Chéri, à droite Émilien Cotet, Poitevin le Courageux ; Arch. musée du Compagnonnage, Tours. >

Le dimanche matin 31 mars 1968 de très nombreux compagnons avaient répondu présents pour le grand évènement, en particulier l’Union Compagnonnique et la Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment. Des Couleurs, de tous coloris, très différents des nôtres, étaient portées fièrement par les compagnons des trois familles. Tous étaient munis de leur canne. Le rendez-vous était fixé sur la Place des Halles. Poitevin le Courageux était très fier de la corporation à laquelle il appartenait, il tint ces mots à Bordelais l’Enfant Chéri : « Si l’on se plaçait en tête du cortège ? » Bordelais eut un grand sourire et répondit : « Oui, nous qui sommes toujours mis à l’écart ! Pour une fois nous serons devant… »

Ils prirent place en tête, Poitevin alla converser quelques instants avec le rouleur avec qui, certainement, ils se mirent d’accord. Le cortège s’ébranla dans un ordre parfait, les anciens (Chiens-Blancs) décrivaient une large équerre en marchant, un profond silence régnait, seuls les embouts des cannes résonnaient dans les rues de la capitale tourangelle. Le cortège se rendit au musée sur deux lignes rangées, comme nous étions en tête nous nous trouvions tout près de la porte d’entrée.

À l’époque on accédait au musée depuis la cour de la Salle Capitulaire par un escalier. Le cortège immobilisé, une délégation arriva sous une voûte de cannes, je crois me rappeler qu’elle était composée du maire de Tours : Jean Royer, Roger Lecotté, d’un groupe d’officiels, des compagnons des trois familles compagnonniques, pour l’A.O. c’était René Blaive, Tourangeau l’Exemple de son Père, le Soutien des Couleurs, compagnon couvreur et Provincial, qui mena une campagne très virulente à l’encontre de Roger Lecotté avant l’inauguration.

Un maillet déposé sur un coussin fut présenté aux délégations compagnonniques, chacun des compagnons frappa à la porte, puis une grosse clef fut présentée à Monsieur le maire, qui ouvrit la porte du musée. Seules les délégations entrèrent, tous les compagnons attendirent que l’inauguration se fasse, et lorsque les délégations revinrent, soit une heure après environ, ils prirent part à la tête du cortège pour se rendre à la Mairie de Tours.

C’est par la rue Nationale que le cortège s’ébranla. arrivé à la Mairie le cortège tourna à droite sur la place, fit le tour de la place et emprunta le grand escalier qui mène dans une grande salle, c’est entre 400 et 500 compagnons qui prirent part au cortège, je ne me rappelle pas si des Mères participaient ou pas à cette journée. Le Maire de Tours rappela qu’il était petit-fils de compagnon serrurier et remercia vivement Monsieur Roger Lecotté pour son œuvre. D’autres discours furent prononcés.

< Sous l’ oeil attentif des compagnons boulangers Serge Gillard, Blois le Résolu, revêtu de sa couleur blanche de Premier en ville de la cayenne de Paris, et juste derrière lui, de Jean Pebayle, Bordelais l’Enfant Chéri, Premier en ville de la cayenne de Bordeaux, remise symbolique à Jean Royer, maire de Tours, des couleurs des trois groupements compagnonniques ayant participé à la réalisation du musée du Compagnonnage ; Arch. musée du Compagnonnage, Tours.

Ce fut l’instant de la Chaîne d’Alliance, il fut demandé à tous les compagnons de prendre place, et c’est à ce moment-là, sous un regard très réprobateur de toute l’assistance, que les compagnons de l’A.O. enlevèrent leurs couleurs et quittèrent la salle sans rien dire, à l’exception d’Élie Dargenteix, Parisien la Franchise, compagnon charron du Devoir et Georges Chaplain, Tourangeau Cœur Sincère, compagnon tonnelier-doleur du Devoir.
Seuls les compagnons boulangers-pâtissiers restèrent et participèrent au plus beau geste fraternel de cette journée.

Personnellement, je n’ai jamais assisté à une Chaîne aussi imposante. Ce fut Élie Dargenteix, Parisien la Franchise, compagnon charron du Devoir, qui chanta Les fils de la Vierge.

Un banquet fut servi dans la cour d’un restaurant très ombragée, mais je ne me rappelle plus du lieu. Roger Lecotté participa au repas mais pas les autorités municipales. De nombreuses chansons compagnonniques furent chantées tout au long du repas, et ce fut toujours un compagnon de l’Union qui officia comme Rouleur. Nous, les quatre chiens blancs rentrâmes au siège le soir à l’heure où était servi le repas ! Nous fûmes la proie des sourires narquois et de quelques réflexions désagréables… La consigne formelle avait été donnée de ne pas faire la chaîne avec les autres compagnons.
Voilà ce dont je me rappelle, mais qui reste un très beau souvenir de mon TDF ! »
Agenais la Tolérance

Suite à un article publié dans La Nouvelle République le 11 avril 1968 relatant l’inauguration du musée du Compagnonnage, le compagnon boulanger du Devoir Alexandre Désiré Chartier, Parisien la Bonté ( Alexandre Désiré Chartier, né le 10 décembre 1881 à Paris, reçu compagnon à Noël 1901 à La Rochelle, décédé le 17 août 1973 à Orléans. ), se fait un devoir d’envoyer au journal une lettre de remerciement dont voici le contenu :

« Lamotte-Beuvron, le 11 avril 1968, Le journal La Nouvelle République.
Bravo, la Nouvelle République ! pour votre article paru ce jour, pour votre article sur le musée du Compagnonnage.
C’est un vieux Compagnon qui vous remercie, car après sa lecture beaucoup de gens sauront que les Compagnons ne sont pas morts, s’ils visitent le musée, ils y verront certainement de merveilleux travaux, avant la guerre, je l’ai visité, je sais qu’il était tombé en mauvais état, aussi je suis heureux de savoir qu’il est remis en état.
Mon regret sera de ne pas le revoir, car les ans m’en empêchent. J’ai quatre vingt six ans, la dernière fois que je suis venu à Tours, était pour le centenaire de nôtre Mère Jacob.
La première fois était en mars 1900, à mon départ sur le Tour de France. J’ai fait Nantes, la Rochelle où j’ai été reçu Compagnon, après Bordeaux, Agen, Montpellier, La Sainte-Baume, Avignon et Saint-Étienne.
Je suis parti de Montpellier à bicyclette et mis six jours pour arriver à Saint-Étienne, là il me fallut descendre chez les Tisseurs-Ferrandiniers, où je fus reçu à bras ouverts, j’y restai six mois avant de partir au régiment, pendant mon séjour parmi eux, je n’ai eu qu’à m’en louer, et encore maintenant j’en ai de bon souvenirs.
Pour raison de santé, j’ai dû abandonner le métier, je fus facteur des postes à Paris et voici trente-trois ans et demi que je suis en retraite à Lamotte-Beuvron.
Je suis fils de Blois la Bonne Conduite 1, Compagnon Maréchal-ferrant mort en juin 1895, ma fille est mariée avec un compagnon couvreur, Bourguignon la Belle Prestance 2 qui lui est petit-fils du gouverneur général du Palais d’hiver de Petrograd lors de la Révolution et dont vous avez signalé la présence dans votre numéro du 11 et 12 juin 1967.
Comme vous voyez, c’est une famille de Compagnons, j’ai toujours suivi et suis encore les travaux des Compagnons boulangers, je lis tous les mois le journal Compagnonnage, et j’ai visité l’exposition du Pays René Edeline, où j’ai retrouvé des articles que j’ai écrit de Saïgon en 1904 sur le journal Le Ralliement des Compagnons du Devoir. Enfin, fini mon bavardage et encore une fois merci de votre article, qui m’a fait tant plaisir.»

  1. Alexandre Jacques Chartier, né le 5 décembre 1841 à Saint-Viâtre (41), décédé le 6 juin 1895 à Lamotte-Beuvron (41).
  2. Michel Kichkine, né le 8 août 1914 à Moscou, reçu compagnon couvreur du Devoir à la Toussaint 1932 à Paris. Il épousa le 27 mars 1937 à Achères (78) Germaine Chartier. Décédé le 28 juillet 1983 à Romorantin et fut inhumé à La Motte-Beuvron (41) au côté de Désiré Chartier, Parisien la Bonté. Son fils, Michel Kichkine, épousa la fille du compagnon sellier du Devoir Maurice Bossu, Parisien le Bien-Aimé.

Les obsèques de Roger Lecotté eurent lieu le 7 décembre 1991 en l’église de Vernou. Il repose dans le cimetière de cette petite commune située sur les hauts coteaux de la Loire (publication La Nouvelle République, 4 décembre 1991).

Monument funéraire de Roger Lecotté, avec les trois fondateurs légendaires du Compagnonnage et :
« COMPAGNONS SOYEZ UNIS. JE RESTE AVEC VOUS ».
Oeuvre de Raymond Debenais, la Clef des Coeurs de Tours, compagnon plâtrier du Devoir (Fédération Compagnonnique des métiers du bâtiment) et sculpteur sur pierre (2002), cimetière de Vernou.

Extrait du livre « Le pain des Compagnons » L’histoires des compagnons boulangers et pâtissiers

Laurent Bourcier, Picard la Fidélité, C.P.R.F.A.D.

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