Au XVIIème, le second siège de la ville de Vienne sonne les débuts de la guerre austro-turque de 1683-1699. Après un siège de plusieurs semaines, du 14 juillet au 12 septembre 1683, Ernst-Rüdiger von Starhemberg parvient à repousser l’armée ottomane suite à la bataille du Kahlenberg.
Ce qui nous intéresse dans cet affrontement sont les anecdotes concernant la naissance des croissants .
En effet, plusieurs légendes existent à ce sujet :
– les boulangers de la ville, levés les premiers, ont pu avertir la population d’une attaque surprise nocturne lancée par les Ottomans. Pour célébrer ce fait de gloire, ils auraient conçu des Hörnchen (« petite corne » en allemand) dont la forme, en guise de clin-d’oeil, rappelle celle du croissant de Lune, symbole islamique, présent sur le drapeau ennemi.
– Les Viennois racontent que les sapeurs turcs voulaient creuser une galerie sous les remparts de la ville, pour permettre de surprendre les défenseurs. Pour être plus discrets, ce travail s’est fait de nuit. Croyant déboucher dans une rue, ils se sont trompés et sont arrivés directement dans l’atelier d’une boulangerie: les boulangers et les mitrons, au travail la nuit, ont pu repousser les premiers soldats et donner l’alerte, sauvant la ville de Vienne. En leur honneur, il fut accordé aux boulangers viennois le droit de réaliser une « viennoiserie » en forme de croissant.
– Une autre légende placerait la confection de ces croissants dans un but provocateur. Assiégés mais disposant de suffisantes réserves de nourriture, les Viennois auraient agité au-dessus des murailles ces pâtisseries aux formes du croissant de Lune islamique pour narguer les Ottomans.
– Ces pâtisseries seraient apparues postérieurement au siège, dans un but à la fois promotionnel d’une nouvelle variété de grains noirs (abandonnés par l’armée ottomane) et de souvenir de cet évènement glorieux. Ils auraient été conçus par Jerzy Franciszek Kulczycki, un soldat, espion, diplomate, et marchand polonais propriétaire du premier café de Vienne du nom de Zur blauben Flasche.
Croissant en pâte levée, fabrique en Russie, et vendu sous le nom de « ragalik », ce qui signifie «Petite corne » (cliché L. Bourcier-Wolkonsky)
Nous trouvons dans l’ouvrage de SG SENDER, et Marcel DERRIEN, Compagnon pâtissier des devoirs Unis « La Grande histoire de la pâtisserie confiserie française », une véritable recherche historique au sujet du croissant :
Les plus lointaines origines du croissant que nous avons pu découvrir à ce jour datent du Ve siècle. Au Musée de l’artisanat d’art à Berlin, on peut en effet contempler un morceau d’étoffe en provenance d’Alexandrie. Les deux prophètes Habacuc et Daniel y sont représentés, près d’eux se trouvant un calice de vin et des petits croissants. Il s’agit donc d’une eucharistie : l’origine de la pâtisserie est clairement religieuse. Qui aurait pu croire qu’un tel mysticisme se cachait derrière ce sympathique petit produit…
On trouve une autre trace du croissant au Musée Rossano de l’archevêché italien, dans le Codex purpureus Rossanersis, un manuscrit du VI e siècle. Il y figure entre autres, une miniature représentant la dernière scène… Un large calice se trouve au centre de la table, avec de chaque côté, de petit quartier de lune.
Alexandrie et les villes chrétiennes de l’Asie Mineure seraient donc les foyers de départ d’une vaste colonisation pâtissière !
Une autre découverte cette fois, à Paris renforce encore le caractère religieux du croissant ; il s’agit du papyrus d’un sorcier grec s’adressant à la déesse lune. Il y fait allusion à des produits de boulangerie, appelés Kouluria, sur lesquels on a apposé un sceau à l’aide d’un anneau. Ce dernier mot attira tout particulièrement notre attention, car, durant les premiers siècles de notre ère, il existait de nombreux sceaux à pain, équipes d’un anneau en guise de poignée, indiquant que le croissant d’autrefois était marqués d’un sceau. Ultérieurement, nous eûmes la chance de trouver un authentique sceau en bronze, datant du V eme ou VI eme siècle. En forme de croissant lui-même, il portant l’inscription « Sancti » qui signifie Saint, Sanctifie.
La tradition du croissant se perpétua. On en retrouve les traces en Europe au Moyen Âge, dès l’an 1000. Un coffre de reliques faisant partie du trésor d’Hildesheim, en Allemagne est encore d’une scène d’eucharistie.
On peut y observer un calice, un couteau et un croissant. Au même moment, la pâtisserie est citée dans un manuscrit parmi les produits de boulangeries sanctifiées.
On le nomme alors pane, lunatum, pain de lune.
Vers la même époque, on trouve deux autres représentations, l’une bibliques, l’autre pas. La première se trouve dans le manuscrit d’or d’Echternach (Musée national germanique de Nuremberg). On y voit un croissant sur la table d’un repas d’hôtes, datant d’environ 1020, et, en dessous, le repas du riche, extrait de l’Evangéliaire d’Henri III. Il est intéressant de noter qu’ici le croissant n’est plus lié à des seules fins eucharistiques : il sort des églises pour rentrer dans le domaine public.
Le croissant conquit son territoire et, deux siècles plus tard, on le trouvait massivement en France.
Il fut communément nommé « petite corne » (on le trouve encore parfois sous cette appellation, comme en Russie par exemple) en hommage à la corne de lune initiale.
Croissant en pâte levée feuilletée
Au XII eme siècle, les moines de Limoges lui préférèrent le nom de Cornutua, tandis que le terme croissant apparaissait.
Il provenait du latin Crescere, qui signifie augmentant Croissant. En vieux français cela donna Creiste, puis Croistre. L’ancien terme Cornutae subsista en se transformant : il devint Cornuyau et Cornudau, appellations qui se maintiennent jusqu’ au XV eme siècle.
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.
Bon j’ai ma réponse, il s’agit sans doute du carnaval de 1912 ou 1913.
Est-ce que vous connaissez l’année où la photo de la carte postale a été prise?