Ce concours dans le cadre du salon international de la boulangerie organisé par l’Union internationale de la boulangerie eu lieu dans les locaux de la Société d’horticulture les 2 et 3 aout 1925. Découvrons ensemble son déroulement à travers la presse écrite.
Le Petit Parisien du 4 aout 1925 :
« Les mitrons Parisiens ont eu hier « du pain sur la planche »
« Cent vingt d’entre eux ont concouru pour le titre de meilleur ouvrier boulanger de Paris.
Choisis entre vingt mille camarades, cent vingt mitrons ont hier après-midi mis la main à la pâte pour disputer le titre de meilleur ouvrier boulanger de Paris.
Cet original concours qui avait attiré nombre de boulangers, sans parler de leur clientèle, a eu lieu dans les locaux de la Société d’Horticulture, 84 rue de Grenelle, ou se tient actuellement, sous les auspices de l’Union International de la boulangerie, du syndicat de la boulangerie de Paris et de la Seine et de l’Association générale des boulangers de Belgique, le salon de la boulangerie pâtisserie.
En un temps où les salons pullulent, celui-là a sur les autres l’avantage que les « croutes » exposées sont comestibles.
Les Néerlandais y ont envoyé trois mille cinq cents kilos de pains divers, dont certains sont longs, long…comme un jour sans pain.
Les Belges dont le président est M. Dhont de Bie, on affrèté des avions spéciaux pour transporter leurs produits.
Quant aux mitrons parisiens, ils sont arrivés vers 16 heures rue de Grenelle, ont quitté leurs vestes, retroussé leurs manches et rivalisé d’habiliter.
Le plus rapide a mis quatre minutes et trente secondes pour confectionner cinq petits pains nattes, cinq « tordus », dix croissants, un « fendu » et quatre baguettes de 125 grammes.
Comme travail facultatif, il y avait la confection de ces délicieux petits pains ronds qui portent le glorieux nom d’Empereur dont le dessin est ourie et fin comme des pétales de roses.
Les concurrents avaient déjà remis au jury de gros pains de ménage pétrit dans leur fournil. Les dix meilleurs produits ont été retenus par les jures qui aujourd’hui, se rendront dans les boulangeries où travaillent leurs auteurs et, ayant ainsi apprécié la vitesse, le travail et la propreté des concurrents, ils éliront le meilleur boulanger de Paris.
Il y a eu aussi un concours de patron ; ils avaient envoyé des « boulots » et des « polkas » dorés, légers, succulents comme de la brioche.
Le grand prix est revenu à un boulanger de banlieue M. Leroy, 4 rue de la gare à Bondy ; les deuxième et troisième prix à M. Victor Jeunne, 20 rue de Clignancourt à Paris, et Devigny 112 avenue de la République à Montrouge.
Disons que le salon restera ouvert jusqu’aux 6 aout inclus. On y discutera en congrès international l’importante question du travail de nuit. »
À la « une » du Petit Parisien des 7 aout 1925. À note que le vainqueur a été domicilié par le journaliste au 16 rue Charlot, siège des compagnons boulangers du Devoir de Paris.
« … ils ont le matin même, apportés deux pains cuits chez leur patron. Vers 16 heures, ils s’alignent pour la deuxième épreuve, après laquelle dix d’entre eux, promus ouvriers d’élite, passeront l’ultime examen, d’où sortira le meilleur.
Dans un couloir encombré, les concurrents s’alignent en deux séries.
Chacun d’entre eux reçoit trois kilos de pâte et quelques poignées de farine. Au signal d’un sifflet strident, ils se précipitent, le coupe-pate en bataille, ayant pour but de faire vite et bien.
La farine s’élève en fins nuages on voit éclore miches et petits pains ; les croissants sont roulés à des allures d’enfer, les baguettes s’étirent, les nattes s’enroulent sous les doigts agiles en quatre minutes, un des champions ayant abattu sa besogne, pousse un cri de triomphe, qui stimule les retardataires et les commissaires prennent gravement des notes.
Le concours est terminé. On prononce le vainqueur. Le meilleur ouvrier de Paris est le compagnon Deniau Léon, Percheron Laurier d’Amour !.. »
La remise des prix eut lieu au 84 rue de Grenelle dans les locaux de la Société d’horticulture, en présence d’une délégation de Compagnons boulangers. Léon DENIAU, Percheron Laurier d’Amour recut un diplôme d’honneur, une médaille d’or, une coupe en argent et 300 francs en espèces. À l’issue de la cérémonie, il fut invité en compagnie du Compagnon RENARD, Bourguignon l’Ami des Arts, délégué au placement des compagnons boulangers, au banquet donné par les organisateurs du salon de la boulangerie.
En fin de banquet, le compagnon RENARD, Bourguignon l’Ami des Arts prononça le discours suivant :
« Monsieur le Président;
Mesdames et chers collègues;
En qualité de délégué au placement de la Société des compagnons boulangers du Devoir de Paris, 16 rue Charlot, je croirais manquer à mon devoir en vous quittant sans remercier sincerement les organisateurs du Salon de la boulangerie.
Notre assemblée générale avait décidé qu’une délégation accompagne notre frère Deniau, Lauréat du concours. Nous aurions voulu faire mieux, venir la Société entière, couleurs et bannière, mais le travail ne l’ayant pas permis, la délégation présente vous témoigne la reconnaissance que notre Société apporte à votre concours, elle a su le comprendre et l’apprécier, en espérant toujours un meilleur but d’entente et d’union entre patrons et ouvriers.
Au nom de la Société et du Tour de France Merci ! »
Journal suisse « Le Confédéré » -organe des libéraux Valaisins- des 17 aout 1925, n 94 :
Un « tournoi » de la boulangerie a eu lieu dernièrement à Paris à l’issue duquel 15,000 kilos de pain et de pâtisserie ont été distribués aux malheureux. On a proclamé-le meilleur mitron de Paris en la personne de Léon Deniau, 34 ans, une femme et trois enfants. Les journaux de Paris nous présentent le sympathique portrait de ce modeste, robuste et persévérant ouvrier. Nous préférons cela à tant de têtes patibulaires ou simplement douteuses qui ont les honneurs du cliché dans les grands quotidiens de Paris et même de .
Pour une fois que ceux qui nourrissent supplantent ceux qui tuent à la place d’honneur.
Ce n’est pas de trop ! L’as des boulangers de Paris travaille depuis l’âge de 14 ans. Dès l’époque déjà lointaine où il brassait la pâte, il a enfourné de quoi nourrir les habitants de plusieurs grandes villes. À tous les éloges qu’on lui a faits et qui le font ne rougir d’avantage que le feu de son four, il répond simplement : « Il faut bien faire ce qu’on fait ». Profonde pensée morale et pédagogique qui nous rappelle la parole favorite de notre bon régent quand nous usions encore nos culottes sur les bancs de l’école primaire. Les belles vérités sortent souvent de la bouche des humbles comme de celle des enfants. Deniau fait partie des « Compagnons boulangers du Devoir », association corporative indépendante qui a son siège à Paris. N’est pas qui veut compagnon. Il faut d’abord faire un stage, à la suite duquel on passe aspirant. On devient compagnon après avoir subi, l’épreuve du « chef-d’oeuvre », devant sept corps d’état désignés.
Les compagnons font le tour de France. Dans chaque ville, ils sont accueillis par leur mère qui tient la maison et qui leur fournit le vivre, le couvert, leur procure du travail. Léon Deniau, mitron depuis 20 ans, a été reçu compagnon en 1924. Né à Vézières (arrondissement de Nogent-le-Rotrou) en 1891, il a choisi comme « nom de compagnon: Percheron » (il est du Perche) « Laurier d’Amour ». Il a droit au port de l’insigne et à une belle canne de cérémonie. Un reporter du « Quotidien » a suivi Léon Deniau au travail. Celui-ci ne parle guère en travaillant (moins que les journalistes!) … Un peu de poudre de corozo sur la pelle. Par-dessus ,on verse le contenu du rouleau de farine qui tout à l’heure sera un pain. Quelques entailles au couteau pour le façonnage. Un petit coup sur le contrepoids qui ouvre la porte du four et la pelle disparaît dans les profondeurs d’où s’exhale un souffle de plus de 1000 degrés. Le four se garnit. Au fond les gros pains, puis les saucissons, les fantaisies, les croissants. Un quart, d’heure, 20 minutes, la croûte est dorée. Il s’agit de retirer les pains du four et de les monter par paniers à la boutique. Un coup de brosse mouillée sur les croissants pour les vernir et c’est fini. Et quels croissants ! des croissants qui sentent le beurre, qui fondent dans la bouche. Ce n’est plus du pain, c’est du gâteau. Le compagnon se redresse, il a gagné sa journée. Le robuste ouvrier qui aime son métier et qui en connaît tous les secrets, n’a pas dit vingt mots en une heure mais il a cuit plus de cinquante pains. Le silence est d’or et le travail plus précieux encore.
Le meilleur boulanger suisse, c’est M. Emile Matzinger, à Genève. Ainsi en ont décidé les membres du jury du Salon de la boulangerie de Paris. Au cours de cette manifestation internationale, divers concours avaient été institués en vue de définir les meilleurs boulangers de Paris, de Suisse, de
Belgique et de Hollande. M. Matzinger avait délégué à Paris son fils Alfred, âgé e 23 ans.
M. Matzinger fils était muni de toutes les catégories de boulangerie fine fabriquées par son père. Il a présenté au jury, de la boulangerie au gluten, des zwiebacks, des longuets, des tresses et des tayaules ».
Cet événement fut également relaté dans la presse compagnonnique, Le Compagnonnage, septembre 1925, numéro 74 :
Honneur au TRAVAIL, Encouragement au SAVOIR, Gloire au DEVOIR.
Le salon de la boulangerie avait organisé à Paris un tournoi de travail où étaient conviés les ouvriers boulangers des divers pays pour le titre de « Meilleurs ouvriers », sous la présidence de Monsieur Durand, président du salon, assisté de M. Boyer, président du syndicat, et des organisateurs de l’Exposition Internationale de la boulangerie.
Un concours spécial eut lieu pour le titre de « Premier ouvrier de Paris ».
Le jury était composé de six membres : trois délégués patrons et trois délégués ouvriers.
Nous sommes heureux de faire connaitre au tour de France que c’est un compagnon du Devoir qui a remporté le premier prix et le titre de « Meilleur ouvrier de Paris », avec le maximum de points dans les cinq épreuves et a l’unanimité du jury.
C’est le Pays Deniau Léon, Percheron laurier d’amour, né le 4 janvier 1891 à Authon du Perche, reçu C. : à la Saint-Honoré 1925.
Il est le seul compagnon qui ait concouru et nous ne pouvons que l’en féliciter hautement ; il a ainsi montré qu’il était digne du titre de compagnon qui lui avait ete confie et, quoique jeune venue parmi ses frères, il a montré aussi qu’il entendait être un des dignes continuateurs de cette lignée de Compagnons qui firent honneur au Devoir par leur science et leur talent.
Les quotidiens de Paris relatèrent d’ailleurs ce tournoi, le succès du C. : Deniau et sa photographie comme exemple dans le travail.
Toutes nos felicitations au lauréat et aux organisateurs de ce concours de la façon et de la loyauté dont ils ont fait preuve, espérant dans l’intérêt de la société qu’au prochain tournoi les CC. : y soient en nombre ».
Pour la Société des C. : Boulangers D. : D. :
Le délégué Renard.
Léon DENIAU est enfant d’un couple d’agriculteurs, il épouse la profession de boulanger à l’âge de 14 ans. En 1925, année de sa réception à Paris pour la Saint-Honoré 1925 dans les locaux de la loge maçonnique du Droit Humain, il est marié et père de 3 enfants. Percheron Laurier d’Amour décède en 1955.
Façade de l’immeuble de la Société d’Horticulture au 84 rue de Grenelle.
Le concours des premiers boulangers de Paris (1927)
Les dimanches et lundi, 26 juin et 27 juin1927 à également lieu au 84 rue de Grenelle, un concours dans le cadre du Salon international de la boulangerie. La presse compagnonnique l’indique comme le « deuxième concours », il semblerait qu’il n’y ai pas eu de concours en 1926.
Le Petit Parisien du 28 juin 1927 :
« Le concours pour le titre de premier ouvrier boulanger de Paris, concours organisé par l’Institut international de la boulangerie, eu lieu hier, au 2e salon de la boulangerie, 84 rue de Grenelle.
Le jury était présidé par M. Devigny assisté de M. Brosson, Gilet, Quatre-hommes et Robinet, patrons et M. Renard*, délégué des compagnons ; Burcker, Deniau** et Papin***, ouvriers.
Appelés tour à tour, quatre vingt concurrents sont venus devant une longue table et on mit « la main à la pâte » pour faire six croissants, six petits pains, cinq baguettes de 200 grammes, deux pains fendus de 600 grammes, et cinq empereurs (petits pains ronds).
Chaque concurrent, en outre, répondait à une question technique.
Le jury classa premier M. Léon Nicolas, trente-neuf ans, boulanger depuis l’âge de treize ans, qui a reçu une prime de 500 francs. Il avait accompli sa tâche en 4 minutes. M. Roger Bernard, dix-neuf ans a été classé second.
Demain, mercredi, un autre concours, non-mois intéressant aura lieu : celui des patrons pour le meilleur pain de France. Trois cents concurrents de Paris, banlieue et province y participeront. »
* RENARD Georges, Bourguignon l’Ami des Arts, reçu compagnon boulanger du Devoir à Nîmes à l’Assomption 1901.
** DENIAU Leon, Percheron Laurier d’Amour, vainqueur du concours précédent.
*** PAPIN Hubert, Saintonge le Bien Aimé, reçu compagnon boulanger du Devoir à Tours à l’Assomption 1907.
Photographie parue dans le Petit Parisien
Léon Henri NICOLAS, Parisien la Franchise lors du concours (BNF)
-Premier : Léon Henri NICOLAS, Parisien la Franchise, coupe d’honneur, 500 francs offerts par les Moulins de Paris (reçu compagnon boulanger du Devoir à Paris pour la Saint-Honoré 1921).
-Second : Roger BERNARD, Bordelais le Génie, prix d’honneur (reçu compagnon boulanger du Devoir à Bordeaux à la Noël 1924 à l’âge de 17 ans).
-Troisième : Robert ARNAUD, Parisien Coeur Fidèle, prix d’honneur (reçu compagnon boulanger du Devoir à Paris à la Pâques 1922).
-Quatrième : Alfred SEVESTRE, Breton Coeur Joyeux, prix d’honneur (reçu compagnon boulanger du Devoir à Paris à la Saint-Honoré 1927).
-Cinquième : SOURNET, Aspirant, prix d’honneur.
-Sixième : Martin TAMBOURIN, Basque le Dévoué, prix d’honneur (reçu compagnon boulanger du Devoir à Paris à la Saint-Honoré 1920).
-Septième : Narcisse TISSON, aspirant, prix d’honneur (sera reçu compagnon boulanger du Devoir à Paris à la Noël 1927 sous le noble nom de Manceau l’Ami du Devoir).
Les premiers ouvriers boulangers de Paris (1928)
Le Petit Parisien du 4 juillet 1928 :
« M. Queuille, Ministre de l’agriculture a visité hier après midi le salon de la boulangerie-pâtisserie, installé dans la salle des horticulteurs.
Puis eut lieu l’original concours pour le titre de « premier ouvrier boulanger de Paris »
Vingt et un spécialistes du fournil et du pétrin « travaillèrent » avec ardeur six livres de pates, pour en faire sortir six petits pains, six croquettes, six nattes, six croissants et un pain fendus. Les candidats passèrent également un examen oral. Le classement fut celui-ci : 1 er Achille Smargonsky (6 minutes) ; 2e François Challard (8 minutes) ; 3e Eugène Bonzon (8 minutes 30). Les deux premières classés sont Compagnons de la société du tour de France, 16 rue Charlot à Paris. »
Photographie parue dans le Petit Parisien. Au centre le vainqueur Achille Raymond SMARGONSKY, Londoniens le Fier Courageux, reçu compagnon boulanger du Devoir à Paris à la Saint-Honoré 1925. À gauche, avec de belles moustaches, François CHALLARD, Clermont l’Étoile du Devoir, reçu compagnon boulanger du Devoir à Paris à la Saint-Honoré 1920. À droite, BONZON, adherent à la Société des compagnons boulangers de Paris.
J’ai eu la chance, en 1986, année de ma réception, de rencontrer Clermont l’Étoile du Devoir. Étant le plus jeune compagnon reçu à cette époque, mon employeur Algérois la Tolérance et mon parrain, Landais la Persévérance décidèrent de me presenter au doyen de notre corporation. Ils m’emmenèrent chez le compagnon boulanger du Devoir, Lucien MILLORY, Beauceron l’Étoile du Devoir, gendre de Clermont l’Étoile du Devoir. Il tenait une graineterie à Draveil, et hébergeait son beau-père. Un accueil inoubliable, Clermont l’Étoile du Devoir ne pouvait plus se déplacer, j’avais été reçu dans sa chambre, il était assis dans son fauteuil, avec pour seul « panorama » une fenêtre et sa gourde de cinquante ans de compagnonnage… Il ne parlait presque plus… mais un sourire fut suffisant. Jamais je ne l’oublierais…
Laurent Bourcier, Picard la Fidélité C.P.R.F.A.D.
Suite à votre article,Je tiens à porter à votre connaissance qu ‘une medaille d’or fut décernée à
mon Grand Père Pierre THEBAULT le 6 aout 1925 par le comité du Salon de la boulangerie pâtisserie de Paris. Je possede le diplome signé par les 6 presidents du comite.
Cordialement
Christian THEBAULT